Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 45e Législature
Volume 154, Numéro 15
Le mercredi 25 juin 2025
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- L’ombudsman des contribuables
- Projet de loi sur l’unité de l’économie canadienne
- Le président du Conseil privé du Roi pour le Canada et ministre responsable du Commerce Canada-États-Unis, des Affaires intergouvernementales et de l’Unité de l’économie canadienne—Dépôt de document
- Les relations Couronne-Autochtones et les Affaires du Nord—dépôt de document
- Le premier ministre de l’Ontario—Dépôt de document
- Le Ralliement national des Métis—Dépôt de document
- La Première Nation de Fort Mckay—Dépôt de document
- La Confédération des Premières Nations du Traité 6—Dépôt de document
- La Nation métisse de la Saskatchewan—Dépôt de document
- La chambre de commerce du Grand Vancouver—Dépôt de document
- Le Conseil des Mohawks d’Akwesasne—Dépôt de document
- L’Institut Pembina—Dépôt de document
- La Première Nation de Neskantaga—Dépôt de document
- Le Conseil Mushkegowuk—Dépôt de document
- L’Association des femmes autochtones du Canada—Dépôt de document
- L’Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique—Dépôt de document
- La Nation des Cris du lac Sturgeon—Dépôt de document
- La Première Nation crie Mikisew—Dépôt de document
- La Nation crie d’Onion Lake—Dépôt de document
- La Nation nishnawbe-aski—Dépôt de document
- Le Partenariat canadien pour la santé des enfants et l’environnement—Dépôt de document
- Audit et surveillance
- Projet de loi sur l’unité de l’économie canadienne
- Le Sénat
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mercredi 25 juin 2025
La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le décès de Serge Fiori, C.Q.
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, c’est avec une profonde émotion que je prends la parole aujourd’hui pour souligner le départ d’un géant de la musique québécoise, un poète de l’âme, Serge Fiori.
Son décès, survenu hier, le 24 juin, jour de la Fête nationale du Québec, résonne avec une symbolique saisissante, comme si le destin avait voulu que ce fils de Montréal, ce bâtisseur de notre identité culturelle, tire sa révérence le jour même où le peuple québécois célèbre sa fierté, sa langue et ses racines.
Serge Fiori a marqué bien plus que la scène musicale; il a façonné l’imaginaire québécois. Avec Harmonium, il a créé une œuvre enracinée et universelle, sincère et audacieuse, qui parlait autant à l’âme qu’à l’esprit. Il chantait la quête, le doute, l’émerveillement, et il a touché le cœur du Québec avec une discrétion rare. Peu d’artistes ont su accompagner autant de générations.
Des chansons comme Pour un instant, Un musicien parmi tant d’autres, Histoires sans paroles ou Comme un fou ne sont pas que des succès : ce sont des fragments de notre histoire, des refrains qui unissent les cœurs d’un bout à l’autre de la province et bien au-delà. Découvrir pour la première fois Si on avait besoin d’une cinquième saison, c’est faire l’expérience d’une œuvre profondément novatrice, à la fois musicale et poétique.
Son œuvre est un monument culturel. Elle transcende les modes et les générations. Comme Félix Leclerc ou Gilles Vigneault avant lui, Serge Fiori appartient à ce cercle restreint de créateurs dont les chansons deviennent patrimoine.
Aujourd’hui, nous pleurons un pilier de notre culture, mais son héritage, lui, demeure bien vivant. Pour bon nombre d’entre nous, le souvenir des premières notes des chansons d’Harmonium reste gravé dans notre mémoire. Ses mélodies résonnent encore et ses paroles continuent de faire vibrer les cœurs — tant de ceux qui ont grandi avec sa musique que de ceux qui la découvrent aujourd’hui, émerveillés.
Honorables sénatrices et sénateurs, en ce lendemain de Saint-Jean-Baptiste, rendons hommage à cet homme profondément aimé du peuple québécois. Même après s’être retiré de la scène, Serge Fiori habite encore nos vies, dans les salons, dans les rues et dans les veillées. Il se disait « un musicien parmi tant d’autres », mais pour le Québec, il était, et restera, l’un des plus grands.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
Le conflit israélo-palestinien
L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, le 11 juin 2025, un groupe de neuf organisations humanitaires a informé les sénateurs de la situation critique des enfants en Ukraine et à Gaza, et il a souligné l’énorme disparité entre les mesures prises par le Canada pour faire face à ces deux crises. Ces organisations ont exhorté les sénateurs à intensifier leurs efforts pour attirer l’attention sur les atrocités commises en Palestine et à encourager le gouvernement canadien à prendre des mesures plus énergiques pour venir en aide aux enfants palestiniens.
Par conséquent, un groupe de sénateurs fera une déclaration publique cet après-midi pour exprimer ses préoccupations concernant la crise humanitaire extrême en Palestine, le mépris du droit international par l’État d’Israël et le risque juridique que court le Canada s’il demeure inactif face à des crimes contre l’humanité.
La situation sur le terrain est atroce. Selon l’UNICEF, plus de 50 000 enfants palestiniens ont été tués ou blessés par les forces israéliennes depuis octobre 2023. Par ailleurs, selon une étude menée par Oxfam, plus de femmes et d’enfants ont été tués à Gaza par l’armée israélienne au cours de la dernière année que pendant toute autre période équivalente au cours des 20 dernières années. Plus précisément, 80 % des infrastructures de Gaza ont été détruites.
Depuis que la Cour internationale de Justice a rendu une ordonnance en janvier 2024 sur la plausibilité de l’allégation de génocide commis par Israël à Gaza, les attaques israéliennes contre le territoire occupé sont devenues encore plus meurtrières. De toute évidence, Israël n’a pas respecté l’ordonnance de la Cour internationale de Justice qui exige que les tribunaux israéliens prennent des mesures pour empêcher les actes de génocide et l’incitation au génocide et assurer l’acheminement de l’aide humanitaire vers Gaza.
D’ailleurs, le Canada et bon nombre de ses alliés ont jusqu’à présent manqué à leur responsabilité d’agir face aux violations graves du droit humanitaire international. Nous saluons les récentes déclarations du Canada condamnant Israël pour avoir refusé qu’on achemine une aide humanitaire à Gaza, ainsi que l’imposition de sanctions à deux ministres israéliens et le vote du Canada aux Nations unies en faveur de la protection des civils.
Cependant, ces mesures ne suffisent pas. Dans sa déclaration, la Cour internationale de Justice demande au Canada d’en faire davantage, notamment de protéger et de financer l’aide humanitaire à Gaza, d’imposer à Israël un embargo bilatéral sur les armes, de mettre fin à la participation canadienne aux colonies illégales israéliennes, de lutter contre le racisme à l’égard des Palestiniens, de protéger la liberté d’expression en Palestine, de reconnaître l’État de Palestine et de revoir l’Accord de libre-échange Canada-Israël.
Ces mesures représentent une série minimaliste de réponses à une crise qui est existentielle pour les Palestiniens et qui sape tout sens de la justice et de l’humanité. Dans le cas du Canada, elles présentent le risque supplémentaire de nuire à notre réputation à un moment où nous clamons haut et fort l’importance de l’ordre international fondé sur des règles et notre engagement à le faire respecter.
Si quelqu’un d’autre souhaite se joindre à nous, veuillez communiquer avec mon bureau. Merci.
[Français]
L’honorable Danièle Henkel
Félicitations à l’occasion de sa nomination à titre de capitaine honoraire de la Garde côtière canadienne
L’honorable Amina Gerba : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui avec une grande fierté pour souligner la nomination de notre collègue la sénatrice Danièle Henkel à titre de capitaine honoraire de la Garde côtière canadienne.
Première femme à occuper cette fonction, elle incarne un symbole fort d’espoir et de progrès. Sa nomination envoie un message clair : les femmes ont leur place dans toutes les sphères du leadership, y compris dans les institutions maritimes.
Les capitaines honoraires ont pour mission de tisser des liens entre la Garde côtière et la société civile.
Par leur engagement, ils contribuent à faire rayonner les valeurs, les missions et le dévouement de celles et ceux qui veillent chaque jour sur nos eaux.
Dans un pays bordé par trois océans, la Garde côtière est bien plus qu’un service : elle est un pilier de notre souveraineté, un garant de notre sécurité, un soutien vital pour nos communautés côtières.
(1410)
Femme d’affaires accomplie, philanthrope engagée et lieutenante-colonelle honoraire du Régiment de Maisonneuve, la sénatrice Henkel incarne le courage, la résilience et l’inspiration. Elle sait naviguer avec grâce dans les tempêtes et guider avec humilité. Son parcours est un phare pour celles et ceux qui rêvent de servir, d’entreprendre et de bâtir un avenir meilleur pour nos communautés.
Sénatrice Henkel, en vous accueillant dans ses rangs, la Garde côtière s’enrichit d’une voix forte et d’un cœur engagé. C’est tout le Canada qui s’en trouve honoré.
Au nom du Groupe progressiste du Sénat et de nous tous dans cette Chambre, je vous offre nos plus sincères félicitations et nos vœux de succès dans cette nouvelle traversée.
[Traduction]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de la famille Horsman, qui est accompagnée de Geneviève Lefebvre. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Tannas.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le décès de John McCallum, C.P.
L’honorable Mohammad Al Zaibak : Honorables sénateurs, c’est avec tristesse et un profond respect que je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à un Canadien remarquable, soit l’honorable John McCallum, dont la mort laisse un vide dans la vie publique du Canada et dans le cœur de beaucoup de ceux qui l’ont connu et qui ont travaillé avec lui.
J’ai eu le plaisir d’assister aux présentations de M. McCallum sur l’état de notre économie et d’interagir avec lui lorsqu’il était économiste en chef à la RBC, il y a environ 30 ans. Ce que je retiens le plus de lui depuis ce temps, c’est son leadership audacieux et efficace lorsqu’il était ministre de l’Immigration. Notre ancienne collègue l’honorable Ratna Omidvar et moi avons eu le privilège de collaborer étroitement avec M. McCallum pour permettre le parrainage et la réinstallation de dizaines de milliers de réfugiés syriens. Ces mesures ont été rendues possibles grâce au Programme de parrainage privé de réfugiés, qui a permis à des Canadiens de tous les horizons, de toutes les cultures et de toutes les origines ethniques d’ouvrir leur cœur, leur foyer et leur portefeuille pour parrainer et accueillir des réfugiés syriens, ce qui a ajouté un nouveau chapitre glorieux à l’histoire du Canada.
M. McCallum a joué un rôle important en facilitant ce processus, en mobilisant la fonction publique et en aidant le gouvernement à tenir la promesse qu’il avait faite en 2015 de réinstaller en quelques mois seulement plus de 25 000 réfugiés syriens au Canada. M. McCallum s’est acquitté de sa tâche avec le plus grand professionnalisme, mais surtout avec compassion et bonté.
Les presque 100 000 nouveaux arrivants syriens qui se sont établis au Canada depuis 2015 seront à jamais reconnaissants à John, aux centaines de milliers de Canadiens qui les ont parrainés et à notre grand pays.
Je peux dire que même une brève rencontre avec John suffisait à laisser une impression durable. C’était un gentleman dans tous les sens du terme. Il était franc, chaleureux et attentionné, et son sens de l’humour mettait les gens à l’aise. Il avait le don de nous faire sentir écoutés et de faire en sorte que les conversations difficiles soient constructives, et il avait une rare capacité à établir un climat de confiance.
L’héritage que John a laissé dans la vie publique canadienne — en tant qu’économiste, ministre et ambassadeur — est bien connu. C’est sa personnalité, et pas seulement son curriculum vitæ, dont nous nous souvenons aujourd’hui. John se démarquait comme un leader rassembleur. Le Canada a besoin de plus de leadership comme le sien.
Le décès de John est une perte, mais son exemple est un cadeau — un cadeau qui peut inciter d’autres personnes à suivre son exemple. J’invite les députés à se joindre à moi pour offrir nos plus sincères condoléances à l’épouse bien-aimée de John, Nancy Lim, et à leurs trois fils, Andrew, Jamie et Duncan. Que sa mémoire continue de nous guider et de nous inspirer.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Navjot et Simron Adiwal. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice White.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le conflit israélo-palestinien
L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, j’ai récemment pris connaissance de l’histoire d’une jeune fille nommée Malak, une réfugiée d’à peine 13 ans. La tente dans laquelle elle dormait avec sa famille a été touchée par des éclats d’obus : Malak a perdu un œil et son père est décédé.
Dans un reportage de la BBC, on voit Malak avec les survivants de sa fratrie. Elle tient le plus jeune dans ses bras, un poupon de seulement quatre mois qui est né après la mort de leur père. Elle déclare : « Je porte en moi une douleur si lourde que même une montagne croulerait sous son poids. »
Il y a un an et demi, j’ai pris la parole dans cette enceinte pour attirer votre attention sur le conflit entre Israël et la Palestine. J’ai condamné les actions du Hamas et les prises d’otages, et j’ai exprimé mon désarroi devant la perte de vies humaines, peu importe leur nationalité.
J’en suis venue à ressentir une certaine culpabilité d’être musulmane dans un lieu sûr où il fait bon vivre. J’ai déjà parlé de ce conflit, mais ai-je parlé assez fort? Ma voix a-t-elle été entendue? Ai-je rempli mon devoir en tant qu’être humain?
Au cours de l’année et demie qui s’est écoulée, 56 000 Palestiniens — dont 17 000 enfants selon les estimations — et 1 700 Israéliens ont perdu la vie. Plus de 8 000 Israéliens et 100 000 Palestiniens — soit 1 Gazaoui sur 20 — ont été blessés. Au moins 180 journalistes et 220 travailleurs humanitaires ont également perdu la vie alors qu’ils accomplissaient leurs fonctions dans la zone de conflit. Ces chiffres sont effarants et ils continuent d’augmenter; nous devrions tous en être choqués.
Je crains que le monde ne soit en train d’oublier les milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui souffrent à cause d’un manque de nourriture, de fournitures et de soins médicaux. Je crains que le nombre croissant de victimes et de personnes déplacées devienne progressivement une statistique plutôt qu’une représentation horrible d’une souffrance causée par la guerre.
Nous ne pouvons pas rester les bras croisés et permettre que ces décès continuent de s’accumuler. Nous ne pouvons pas permettre que l’on considère cette dévastation comme normale. Nous ne pouvons pas être sélectifs lorsqu’il est question de droits de la personne. Nous devrions tous être scandalisés par la mort de chaque civil.
La petite Malak rêve de devenir ophtalmologiste, afin d’aider tous ceux qui ont souffert comme elle. Bien que son empathie face à une douleur incommensurable m’inspire, je crains pour son avenir et pour celui des enfants comme elle. Quel genre de monde allons-nous leur laisser? Combien d’enfants auront la chance de réaliser leurs rêves? Quand la prochaine génération regardera ce que nous avons fait, comment lui justifierons-nous nos actions?
Au fur et à mesure que les images et les histoires tragiques continuent d’affluer, j’ai cessé, comme beaucoup d’autres, de consulter la majorité des nouvelles. La crise humanitaire dans la bande de Gaza n’est pas seulement une tragédie, c’est aussi un test de nos valeurs, de notre conviction profonde que toutes les vies ont la même valeur. J’espère que nous n’échouerons pas à ce test en laissant tomber la population de Gaza.
Honorables sénateurs, la paix n’est pas fondée sur le silence.
[Français]
L’Orchestre des jeunes du Nouveau-Brunswick
L’honorable Victor Boudreau : Chers collègues, aujourd’hui, j’ai le grand honneur de mettre en lumière une organisation qui me tient à cœur. L’Orchestre des jeunes du Nouveau-Brunswick (OJNB) célèbre cette année son 60e anniversaire.
Dans le cadre de sa tournée de célébrations, l’OJNB se produira à Ottawa, au Centre national des arts, le 4 juillet prochain.
[Traduction]
L’Orchestre des jeunes du Nouveau-Brunswick, ou OJNB, s’attaquera à la Symphonie no 1 de Gustav Mahler, l’une des pièces les plus exigeantes du répertoire. Les gens qui me connaissent savent que je ne me lasse jamais de parler de la formidable réussite de l’Orchestre des jeunes du Nouveau-Brunswick. Plus de 1 200 enfants et jeunes participent à ce programme chaque année, ce qui en fait le plus grand programme musical conçu pour les jeunes au Canada; c’est aussi le plus grand employeur d’artistes au Canada atlantique et un chef de file mondial dans le domaine de la musique à impact social.
[Français]
Les éloges obtenus au fil des ans sont trop nombreux pour être tous cités, mais en voici quelques-uns. En 2008, l’OJNB a remporté un East Coast Music Award pour l’enregistrement classique de l’année et en 2011, il a remporté la première place dans la division orchestre de la Summa Cum Laude International Youth Music Competition à Vienne, en Autriche.
(1420)
[Traduction]
En 2017, pour le 150e anniversaire du Canada, l’OJNB a commandé une œuvre musicale à Howard Shore, compositeur de la musique de la trilogie Le Seigneur des anneaux et lauréat de plusieurs Oscar et Golden Globe. Cette œuvre a été jouée pour la première fois à Moncton devant 7 500 personnes.
Récemment, l’OJNB a donné un concert de gala pour Son Altesse Royale la princesse Anne et un autre avec Dan Brown, musicien, compositeur et auteur du livre Da Vinci Code, cité dans la liste des succès de librairie du New York Times.
Il y aurait encore tant à dire. Au-delà de ses nombreuses réalisations musicales, l’OJNB n’a pas son pareil en matière d’innovation sociale.
En 2009, l’OJNB a lancé Sistema Nouveau-Brunswick, ou Sistema NB, un programme parascolaire quotidien et gratuit grâce auquel la musique et l’orchestre deviennent des moteurs de changement social pour les enfants qui, autrement, n’auraient pas cette chance. Aujourd’hui, plus de 1 100 enfants participent au programme Sistema NB 3 heures par jour, 5 jours par semaine, dans 11 centres de la province. C’est le plus imposant programme du genre au Canada. Plus fantastique encore, plus de 90 % des musiciens qui jouent actuellement dans l’Orchestre des jeunes du Nouveau-Brunswick sont diplômés du programme Sistema NB.
[Français]
Alors qu’elle célèbre cette année charnière, l’OJNB continue d’avoir un impact considérable sur des milliers de jeunes dans toute la province.
Nous vous souhaitons de célébrer de nombreux autres anniversaires et de changer plusieurs autres vies.
Merci. Meegwetch.
[Traduction]
Visiteur à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Farida Nekzad, journaliste senior et formatrice en médias, qui a fondé le Centre pour la protection des journalistes afghanes en 2017. Elle est l’invitée de l’honorable sénatrice McPhedran.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
AFFAIRES COURANTES
L’ombudsman des contribuables
Dépôt du rapport annuel de 2024-2025
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2024-2025 de l’ombudsman des contribuables, intitulé Ouvrir la voie.
Projet de loi sur l’unité de l’économie canadienne
Le président du Conseil privé du Roi pour le Canada et ministre responsable du Commerce Canada-États-Unis, des Affaires intergouvernementales et de l’Unité de l’économie canadienne—Dépôt de document
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de la part du Président du Conseil privé du Roi pour le Canada et ministre responsable du Commerce Canada–États-Unis, des Affaires intergouvernementales et de l’Unité de l’économie canadienne.
Les relations Couronne-Autochtones et les Affaires du Nord—dépôt de document
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de la part de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada.
Le premier ministre de l’Ontario—Dépôt de document
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de la part du premier ministre de l’Ontario.
Le Ralliement national des Métis—Dépôt de document
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de la part du Ralliement national des Métis.
La Première Nation de Fort Mckay—Dépôt de document
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de la part de la Confédération des Premières Nations de Fort McKay.
La Confédération des Premières Nations du Traité 6—Dépôt de document
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de la part des Premières Nations signataires du Traité no 6.
La Nation métisse de la Saskatchewan—Dépôt de document
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de la part de la Nation métisse de la Saskatchewan.
La chambre de commerce du Grand Vancouver—Dépôt de document
L’honorable Hassan Yussuff : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de la part de la Chambre de commerce du Grand Vancouver.
Le Conseil des Mohawks d’Akwesasne—Dépôt de document
L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de la part du Conseil des Mohawks d’Akwesasne.
L’Institut Pembina—Dépôt de document
L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de la part du Pembina Institute.
La Première Nation de Neskantaga—Dépôt de document
L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de la Première Nation de Neskantaga.
Le Conseil Mushkegowuk—Dépôt de document
L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, du Mushkegowuk Council.
L’Association des femmes autochtones du Canada—Dépôt de document
L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de l’Association des femmes autochtones du Canada.
L’Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique—Dépôt de document
L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de l’Union of British Columbia Indian Chiefs.
La Nation des Cris du lac Sturgeon—Dépôt de document
L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de la Première Nation crie de Sturgeon Lake.
La Première Nation crie Mikisew—Dépôt de document
L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de la Première Nation crie de Mikisew.
La Nation crie d’Onion Lake—Dépôt de document
L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de la Première Nation crie d’Onion Lake.
La Nation nishnawbe-aski—Dépôt de document
L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, de la Première Nation Nishnawbe Aski.
Le Partenariat canadien pour la santé des enfants et l’environnement—Dépôt de document
L’honorable Judy A. White : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, du Partenariat canadien pour la santé des enfants et l’environnement.
Audit et surveillance
Adoption du premier rapport du comité
L’honorable Marty Klyne, président du Comité permanent de l’audit et de la surveillance, présente le rapport suivant :
Le mercredi 25 juin 2025
Le Comité permanent de l’audit et de la surveillance a l’honneur de présenter son
PREMIER RAPPORT
Votre comité, autorisé à adopter un rapport au Sénat dans lequel il propose la nomination de deux membres externes conformément à l’article 12-13(4) du Règlement, présente ici son rapport qui contient lesdites nominations.
Votre comité inclut aussi dans le présent rapport des recommandations sur la rémunération, les dépenses admissibles et les conditions de nomination pour les membres externes.
Respectueusement soumis,
Le président,
MARTY KLYNE
(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 184.)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
Le sénateur Klyne : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5f) du Règlement, je propose que le rapport soit adopté maintenant.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
[Français]
Projet de loi sur l’unité de l’économie canadienne
Première lecture
Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, accompagné d’un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
(Conformément à l’ordre adopté le 12 juin 2025, le projet de loi est inscrit à l’ordre du jour pour la deuxième lecture plus tard ce jour en tant que premier article des affaires du gouvernement.)
Le Sénat
Préavis de motion concernant la situation à Gaza
L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, à la lumière des conclusions et des ordonnances de la Cour internationale de Justice et de la Cour pénale internationale concernant la situation à Gaza, le Sénat demande au gouvernement d’examiner le risque pour le Canada et les Canadiens de complicité dans des violations du droit international humanitaire, y compris des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et un génocide, et de faire rapport de ses conclusions dans les trois mois suivant l’adoption de la présente motion.
[Traduction]
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les affaires mondiales
L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Le directeur parlementaire du budget a dit qu’il a reçu peu d’information concrète au sujet de l’augmentation des dépenses militaires annoncée le 9 juin et qu’il n’est donc pas en mesure de confirmer que le Canada atteindra l’objectif de 2 % du PIB fixé par l’OTAN d’ici 2026. Pourtant, le premier ministre a approuvé sans réserve l’objectif de 5 % du PIB dont il a été question au sommet de l’OTAN, précisant que certaines dépenses déjà prévues par le Canada pourraient être prises en considération dans le calcul de ce pourcentage.
(1430)
Comment le gouvernement libéral peut-il s’engager à atteindre une cible aussi ambitieuse, estimée à 150 milliards de dollars par année, alors qu’il n’est même pas en mesure de fournir au directeur parlementaire du budget des preuves crédibles qu’il atteindra la cible de 2 % qu’il a déjà promise?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question.
Le premier ministre a dit très clairement que, compte tenu de l’évolution des circonstances auxquelles le Canada doit faire face, il faut rattraper des décennies de sous-investissement dans nos forces armées afin d’accroître nos efforts pour la défense de notre souveraineté. À cet égard, je crois que le premier ministre s’est joint à d’autres alliés de l’OTAN pour prendre l’engagement d’atteindre la cible de 5 % du PIB dans les 10 prochaines années. Il est important de rappeler, honorables collègues, que 1,5 % de ce montant sera consacré à des investissements dans des infrastructures essentielles à la défense et à la sécurité comme de nouveaux aéroports, ports ou réseaux de télécommunications. Le gouvernement est déterminé à atteindre ces objectifs.
Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, cela veut-il dire que le gouvernement libéral n’a toujours pas de plan précis pour dépenser les 9 milliards de dollars qu’il a annoncés? Si nous nous trouvons dans cette situation embarrassante, c’est avant tout parce que les gouvernements ont manipulé les chiffres pour atteindre leurs objectifs, mais qu’ils n’ont rien fait concrètement.
Pouvez-vous confirmer sans équivoque que le Canada atteindra effectivement l’objectif de l’OTAN consistant à consacrer 2 % de son PIB à la défense d’ici avril 2026, même si le premier ministre vient d’accepter ce nouveau seuil de 5 %?
Le sénateur Gold : Le gouvernement a clairement indiqué son intention d’atteindre l’objectif de 2 %. Je n’ai rien à ajouter aux propos du premier ministre.
Il est regrettable que nous ayons pris tant de retard par rapport à nos besoins, et le gouvernement actuel est déterminé à remédier à cette situation. Il s’attaquera notamment au problème selon lequel le ministère de la Défense nationale, année après année, ne dépense pas tous les fonds qui lui sont alloués dans le cadre du processus budgétaire.
La sécurité publique
La cybersécurité
L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, il a fallu huit ans pour arriver au projet de loi sur la cybersécurité qui a été présenté au cours de la dernière législature, le projet de loi C-26. Le gouvernement a obligé le Sénat à adopter le projet de loi en trois mois, puis il a découvert en fin de processus qu’une erreur de rédaction majeure nécessitait un amendement de dernière minute. Le gouvernement libéral a ensuite décidé de proroger le Parlement et de déclencher des élections. Le projet de loi est donc mort au Feuilleton.
Maintenant, le gouvernement libéral actuel tente de ressusciter ce qui est essentiellement le même projet de loi boiteux. Dans un article de presse récent, un juriste a indiqué que le projet de loi C-8 reprend « presque textuellement » le projet de loi C-26. Il a dit : « C’est le même projet de loi ressuscité [...] »
Le gouvernement libéral s’est engagé à faire de la politique autrement, mais ce sont les mêmes ministres de l’ère Trudeau qui poussent les mêmes mesures législatives boiteuses. Comment pouvez-vous donc parler d’un « nouveau gouvernement du Canada », alors que c’est du pareil au même?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question.
Vous ne serez pas surprise d’apprendre que je rejette certaines prémisses qui sous-tendent la question. C’est un projet de loi important. Le Sénat a fait son travail, comme on le lui avait demandé lors de la dernière législature. Le gouvernement présente à nouveau cet important projet de loi, et j’attends avec impatience que le Sénat l’étudie lorsqu’il lui sera renvoyé par la Chambre des communes, le cas échéant.
La sénatrice Batters : C’est exact. Les comités du Sénat passent des semaines à étudier les projets de loi et entendent le témoignage d’experts qui suggèrent des améliorations. Pourtant, ce gouvernement libéral régurgite ensuite les mêmes vieilles mesures législatives. La prorogation et la dissolution du Parlement étaient des choix délibérés du gouvernement libéral. Vous avez eu six mois de plus pour corriger ce projet de loi. Le nouveau projet de loi ne comprend même pas l’amendement que le commissaire à la protection de la vie privée du Canada avait jugé nécessaire dans son témoignage. Il semble que le « PDG » Mark Carney préfère une approbation sans discussion. Soit ce gouvernement accorde de la valeur au travail du Sénat, soit il n’en accorde aucune. Qu’en est-il?
Le sénateur Gold : Le gouvernement est déterminé à doter le Canada des lois dont il a besoin pour faire face aux enjeux actuels, notamment ceux liés à la cybersécurité, qui sont de plus en plus nombreux et variés. Une fois de plus, le Parlement fera son travail en examinant le projet de loi, tout comme le fera le Sénat, et si des améliorations sont nécessaires, je ne doute pas que le Sénat les proposera.
L’environnement et le changement climatique
L’évaluation environnementale et économique stratégique
L’honorable Mary Coyle : Sénateur Gold, la Bibliothèque du Parlement a récemment produit à mon intention un rapport sur l’avancement de l’optique des changements climatiques au Parlement. Le rapport mentionne la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale et économique stratégique, laquelle modernise l’analyse environnementale et économique effectuée dans le cadre de l’élaboration des politiques, des programmes et des règlements destinés au Cabinet. Les études montrent qu’un tel régime fait progresser l’intégration des considérations liées aux changements climatiques et normalise, dans l’ensemble du gouvernement, la prise de décisions tenant compte des changements climatiques.
Alors que le gouvernement prend des mesures pour honorer sa promesse de renforcer l’économie canadienne et de donner la priorité aux projets d’édification du pays, nous savons que l’une des principales considérations est de savoir si un projet contribue à une croissance propre et à l’atteinte des objectifs du Canada en matière de lutte contre les changements climatiques.
Sénateur Gold, le gouvernement continuera-t-il à utiliser le régime d’évaluation environnementale et économique stratégique de 2024 lorsqu’il prendra des décisions clés au sein du Cabinet?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour votre question.
Je peux assurer au Sénat que le gouvernement, dans ses démarches en vue de bâtir une économie forte pour l’avenir et de mobiliser chacun de nous à cette fin, ne perdra jamais de vue l’importance des décisions qu’il prend et des choix qu’il fait pour les générations à venir. Il gardera à l’esprit la durabilité à long terme et le genre d’économie et d’environnement que nous souhaitons pour les générations à venir. Le gouvernement continuera d’effectuer des investissements et de prendre des décisions qui réduiront les émissions, favoriseront la croissance économique partout au pays et, bien sûr, donneront accès à de nouveaux marchés d’exportation dans des pays aux vues similaires.
La sénatrice Coyle : J’espère qu’il continuera à utiliser ce précieux système d’évaluation.
Sénateur Gold, le rapport de la Bibliothèque du Parlement a également constaté que le Parlement ne dispose pas d’un cadre comparable pour examiner minutieusement les mesures législatives. Le gouvernement envisagerait-il de présenter une loi semblable à la Loi canadienne sur la budgétisation sensible aux sexes afin d’imposer un processus décisionnel en matière de changements climatiques au gouvernement du Canada et au Parlement?
Le sénateur Gold : Merci de votre question, madame la sénatrice.
Je ne peux pas spéculer sur les mesures législatives que le gouvernement pourrait présenter à l’avenir, mais je peux répéter, pour rassurer les sénateurs, que le gouvernement restera concentré sur la durabilité de la croissance économique que nous espérons tous atteindre.
La sécurité publique
Les crimes financiers
L’honorable Tony Loffreda : Sénateur Gold, le projet de loi C-2, Loi visant une sécurité rigoureuse à la frontière, a été présenté le mois dernier. Il comprend des modifications proposées à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes qui visent à renforcer le cadre juridique du Canada grâce à des pénalités plus sévères et à une meilleure collaboration en matière de surveillance.
Nous avons récemment appris qu’entre 2020 et 2024, environ 2,6 millions d’opérations financières suspectes ont été signalées au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada. En 2021, le gouvernement s’est engagé à établir le tout premier organisme national ayant pour unique mandat de faire enquête sur les crimes financiers complexes et de faire appliquer les lois fédérales dans ce domaine.
Pouvez-vous confirmer si le gouvernement actuel a toujours l’intention de créer cet organisme? Si oui, quand et où pouvons-nous nous attendre à ce que les exigences correspondantes en matière de financement soient incluses dans le budget des dépenses?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour la question, sénateur.
Je ne peux pas spéculer sur les annonces futures en matière de financement, mais je peux affirmer que le gouvernement reste déterminé à lutter contre le blanchiment d’argent et à mettre fin aux mouvements de fonds qui financent le crime organisé afin de priver ce dernier de ses profits illicites. C’est l’une des raisons, parmi d’autres, pour lesquelles le gouvernement a introduit dans le projet de loi C-2 des dispositions qui garantissent que les forces de l’ordre auront les outils nécessaires pour mener à bien cette tâche.
Le sénateur Loffreda : Les dirigeants mondiaux se sont récemment réunis au Canada à l’occasion du Sommet du G7 afin de discuter de plusieurs enjeux, dont la paix et la sécurité internationales et la stabilité économique mondiale. Le Canada a‑t‑il réussi à faire usage de sa présidence du G7 pour mettre en évidence les menaces provenant des activités financières illicites et proposer l’élaboration d’un appel à l’action visant à lutter contre les activités criminelles qui ont des répercussions sur le secteur financier et la sécurité nationale?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question.
J’ai été informé que, dans le cadre du communiqué de presse des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales du G7, un engagement a été pris de continuer à lutter sans relâche contre les crimes financiers, y compris le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération des armes de destruction massive. Le gouvernement poursuivra ce travail important.
Les finances
La fraude bancaire
L’honorable Colin Deacon : Sénateur Gold, un article récent de la CBC a rapporté l’histoire d’une veuve qui a vu la pension de son défunt mari versée par erreur dans le compte d’une autre personne. Sa banque, la CIBC, a initialement déclaré qu’elle ne pouvait récupérer que 3 200 $. Ce n’est que lorsque la CBC a mené une enquête sur cette affaire que la banque a remboursé l’intégralité de la somme due, mais cette dernière a tout de même soutenu qu’elle avait suivi la procédure normale.
(1440)
Cette affaire montre que les grandes banques canadiennes n’en font toujours pas assez pour protéger leurs clients contre les erreurs de paiement et la fraude. Entretemps, les Canadiens continuent de payer des frais bancaires qui comptent parmi les plus élevés au monde.
Sénateur Gold, je vous ai posé cette question lors de la dernière législature et je vous la pose à nouveau aujourd’hui : quand les banques seront-elles tenues de respecter des normes strictes en matière de reddition de comptes pour protéger les Canadiens contre la fraude? Actuellement, rien ne les incite à investir dans la protection contre la fraude d’une manière qui correspond aux risques croissants. Le ministre des Finances s’engagera-t-il à emboîter le pas à d’autres États comme le Royaume-Uni, où ce sont les banques, et non les clients, qui sont responsables des fraudes bancaires...
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur, et d’avoir souligné les risques que représentent la fraude pour les Canadiens et les clients, ainsi que les torts qu’ils peuvent subir à cause d’elle. Je ne manquerai pas de porter vos préoccupations et vos suggestions à l’attention du ministre dès que possible. Si je ne le fais pas, mon bureau s’en chargera. Merci.
Le système bancaire ouvert
L’honorable Colin Deacon : Je vous remercie, sénateur Gold. Le Canada n’a pas encore mis en œuvre le système de paiement en temps réel ni la prochaine étape des services bancaires axés sur les consommateurs, deux réformes qui pourraient contribuer à la modernisation des systèmes de paiement et à la réduction de la fraude. Dans l’énoncé économique de l’automne dernier, le gouvernement promettait de lancer le cadre sur les services bancaires axés sur les consommateurs d’ici le début de 2026 et de financer l’Agence de la consommation en matière financière du Canada sur trois ans. Le financement correspondant n’apparaît toutefois ni dans le budget principal des dépenses ni dans le budget supplémentaire des dépenses de 2025, ce qui pourrait entraîner un nouveau retard. Pourriez-vous faire le point au sujet du système bancaire ouvert ou des services bancaires axés sur les consommateurs? Merci.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci. Je n’ai pas de calendrier à vous communiquer, mais le gouvernement croit, comme vous, que tous les Canadiens devraient avoir accès à des services bancaires modernes et abordables. Je rappellerai au ministre vos préoccupations et vos efforts continus à ce sujet.
[Français]
La santé
La recherche sur la santé des femmes
L’honorable Danièle Henkel : Sénateur Gold, la santé des femmes reste largement négligée dans nos politiques publiques. De 2009 à 2020, seulement 5,7 % des subventions des Instituts de recherche en santé du Canada étaient consacrées à la santé féminine et étaient souvent axées sur le cancer. Des enjeux comme l’endométriose ou la santé mentale reçoivent à peine 3,8 % de ces subventions. Résultat : les femmes sont diagnostiquées en moyenne deux ans plus tard que les hommes pour plus de 1 300 affections courantes. L’endométriose, elle, prend plus de cinq ans à être identifiée. De plus, les femmes passent 25 % plus de temps de leur vie en mauvaise santé, et, dans huit provinces et territoires, les chirurgies gynécologiques sont remboursées 28 % moins que des actes masculins comparables. Je suis à votre disposition pour vous donner accès aux données que je viens d’évoquer.
Le gouvernement est-il prêt à...
Son Honneur la Présidente : Sénatrice Henkel, je vais demander au sénateur Gold s’il a une réponse ou un commentaire pour vous.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci d’avoir souligné les défis auxquels font face les femmes canadiennes et les lacunes auxquelles elles doivent faire face. Ce n’est pas une surprise, mais ce n’est pas plus acceptable dans une société comme la nôtre.
Si je puis lire entre les lignes, le gouvernement va s’attaquer sérieusement au problème, mais il le fera surtout en collaboration avec les provinces et les territoires, qui en ont la responsabilité constitutionnelle. Le gouvernement du Canada peut assurément jouer un rôle dans ce sens et il le fera, compte tenu de l’importance de cette question.
La sénatrice Henkel : Dans cette éventuelle future stratégie, le gouvernement s’engagera-t-il à corriger les écarts de financement, à exiger une désagrégation systématique des données par sexe dans la recherche et à inclure les femmes dans les essais cliniques de manière équitable, afin que les traitements soient enfin conçus pour elles, et non simplement adaptés après coup?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question et je vous remercie également de souligner l’importance de la désagrégation des données. On a déjà entamé des démarches grâce à plusieurs interventions de la part de sénateurs et de sénatrices; le travail doit se faire et continuera de se faire.
[Traduction]
La défense nationale
La Garde côtière canadienne
L’honorable David M. Wells : Ma question s’adresse au sénateur Gold, le représentant du gouvernement au Sénat. Jonathan Moor, sous-ministre adjoint et dirigeant principal des finances au ministère de la Défense nationale, a déclaré que 60 % du budget de la Garde côtière canadienne est déjà inclus dans les rapports de dépenses militaires du Canada à l’OTAN. Depuis quand il en est ainsi et sur quelle base un organisme civil non armé peut-il occuper une place si importante dans nos dépenses de défense?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. La Garde côtière canadienne joue un rôle très important au Canada et pour les Canadiens, un rôle analogue à ceux d’organisations semblables dans d’autres régions du monde. Chaque pays est différent et a des structures et des modes d’organisation différents.
Alors que nous nous tournerons vers l’avenir, en particulier dans notre Nord — nos vastes frontières dans le Nord du Canada —, la Garde côtière jouera un rôle de plus en plus important pour protéger les Canadiens contre les risques, affirmer notre souveraineté et jouer son rôle avec d’autres acteurs du gouvernement canadien afin de protéger et de défendre les Canadiens.
Le sénateur D. M. Wells : Sénateur Gold, si on tient déjà compte de 60 % du budget de la Garde côtière et que, selon M. Moor, on pourrait seulement en ajouter une partie, pourquoi le premier ministre a-t-il parlé de l’intégration de la Garde côtière comme s’il s’agissait d’une avancée décisive pour atteindre la cible de l’OTAN de 2 % de dépenses en matière de défense? S’agissait-il simplement de théâtre politique, d’un exercice comptable ou d’une mesure prise avec un actif qui n’a pas les ressources pour jouer un tel rôle?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Avec tout le respect que je vous dois, sénateur, je doute que les réponses que vous m’avez données soient nécessairement correctes ou reflètent l’intention du gouvernement.
Le gouvernement est conscient que, à bien des égards, les infrastructures militaires, qu’il s’agisse de ressources matérielles ou humaines, doivent être modifiées et améliorées afin d’être à la hauteur de la tâche. C’est un domaine où l’on doit déployer des efforts, et le nécessaire sera fait.
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le Président, comment expliquez-vous une si grande contradiction entre le premier ministre, qui parle d’intégrer de manière stratégique la Garde côtière dans nos capacités militaires, et le vice-chef d’état-major de la Défense, qui, à l’instar d’autres hauts fonctionnaires, affirme qu’il n’y a absolument aucun projet d’intégration de cette entité dans les Forces armées canadiennes? Il semble que le Cabinet du premier ministre et le ministère de la Défense nationale ne parviennent même pas à s’entendre sur ce point fondamental. Quelle est la vérité, monsieur le leader?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question et de me permettre d’apporter des précisions sur la question posée précédemment par votre collègue.
Le gouvernement agit rapidement pour relever les défis auxquels le Canada est confronté. Il a fait des annonces très claires qui, franchement, s’écartent de la façon dont les gouvernements précédents ont agi pendant des décennies; c’est assurément le cas en ce qui concerne la défense. Le premier ministre et les ministres ainsi que les dirigeants de nos forces armées et de la Garde côtière collaboreront étroitement afin de tracer la meilleure voie à suivre pour que la Garde côtière, les forces armées et d’autres institutions importantes de notre pays puissent renforcer notre défense et protéger notre souveraineté.
La sénatrice Martin : Au milieu de cette confusion, le premier ministre promet que la Garde côtière relèvera de la Défense et que l’objectif de 2 % sera atteint, tandis que le lieutenant-général Kelsey insiste sur le fait qu’elle restera civile et non armée. Les Canadiens ont le droit de savoir. Quel est exactement le budget supplémentaire pour la Garde côtière que le gouvernement entend soumettre à l’OTAN?
Le sénateur Gold : Le premier ministre vient de terminer ses rencontres à l’OTAN. Il y aura du travail à faire, et à faire correctement, même au rythme accéléré auquel nous nous attendons et que nous constatons de la part de ce gouvernement. Je suis convaincu que les chiffres du budget seront présentés en temps voulu.
[Français]
Le Cabinet du premier ministre
Les nominations au Sénat
L’honorable Chantal Petitclerc : Sénateur Gold, c’est probablement la dernière question que je vous pose dans votre rôle de représentant du gouvernement.
(1450)
D’abord, merci pour tout, vous allez me manquer. Voici donc possiblement ma dernière question.
Le 17 juin dernier, la dirigeante principale de l’accessibilité, Stéphanie Cadieux, a publié son deuxième rapport consacré à l’accessibilité de l’emploi au Canada. On y apprend entre autres qu’encore aujourd’hui, un nombre disproportionné de personnes vivant avec un handicap, tout à fait qualifiées et désireuses de travailler, n’arrivent pas à se trouver un emploi à temps plein et à gagner un revenu supérieur à 80 000 $.
Le Sénat d’aujourd’hui est plus diversifié que jamais et on peut en être fier. Toutefois, un Canadien sur quatre vit avec un handicap et il faut bien reconnaître que cette réalité est loin de se refléter dans cette Chambre.
Pensez-vous comme moi, sénateur, que le gouvernement devrait en faire plus pour que les personnes vivant avec un handicap soient mieux représentées au cours des prochains processus de nomination au Sénat?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. Vous allez me manquer aussi, chère collègue. Vous étiez ici quand je suis arrivé il y a maintenant huit ans et demi, et vous êtes vraiment une collègue extraordinaire.
Je ne peux pas présumer du processus ni des décisions du premier ministre à l’égard des nominations, mais il est sûr et certain que je partage votre point de vue. Il faut continuer à faire du progrès pour que cette enceinte et nos lieux publics soient inclusifs dans tous les sens du terme.
[Traduction]
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
Les demandeurs d’asile
L’honorable Bernadette Clement : Ma question s’adresse au sénateur Gold. Comme ce sera ma dernière intervention pendant la période des questions, j’en profite pour vous remercier de votre carrière et de vos services.
Le 20 juin était la Journée mondiale du réfugié. Au plus fort de la crise du chemin Roxham, alors que les demandeurs d’asile franchissaient la frontière en nombre sans précédent, je me suis rendue au centre DEV dans ma ville, à Cornwall.
Des demandeurs d’asile du monde entier y étaient hébergés, dont un homme nommé Firas, originaire de Turquie. Firas fait partie des nombreux réfugiés syriens au Canada qui n’ont pas pu rentrer chez eux depuis des années. Firas n’a pas vu sa mère depuis 10 ans. Il est actuellement plein d’espoir, car la France autorise désormais les réfugiés syriens à rentrer temporairement chez eux sans perdre leur statut de réfugié. Le Canada ne devrait-il pas envisager une approche semblable maintenant que le régime d’Assad est tombé?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Le Canada se réjouit vivement de la fin du régime syrien de Bachar al-Assad, qui a infligé des décennies de souffrances à son propre peuple et aux familles qui ont perdu des centaines de milliers de proches dans cette violence.
Je ne peux pas émettre d’hypothèses sur les changements qui pourraient être apportés au programme canadien d’accueil des réfugiés, mais je peux réaffirmer, au nom du gouvernement, son engagement envers le peuple syrien et l’établissement d’une paix durable dans la région. Je ne manquerai pas de transmettre votre suggestion à la ministre.
La sénatrice Clement : Merci, sénateur Gold. Je comprends qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada réduit progressivement le nombre de demandes en attente dans son système. Cependant, comme on le sait, ces retards ont des répercussions sur les gens, qui se retrouvent notamment séparés de leur famille pendant des années.
Sénateur Gold, que peut-on faire de plus pour faire en sorte qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada respecte ses normes de service et fournisse des réponses aux demandeurs dans les délais impartis?
Le sénateur Gold : Merci. Le gouvernement a pris de nombreux engagements, dont celui d’améliorer la manière dont l’administration publique fournit ses services par l’intermédiaire du chef de la fonction publique. Voilà qui témoigne de cet engagement. Le gouvernement reste déterminé à améliorer l’efficacité du système tout en préservant son intégrité.
Le patrimoine canadien
Le vol 182 d’Air India
L’honorable Andrew Cardozo : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement. Le 23 juin a marqué le 40e anniversaire du meurtre de 268 Canadiens et de 61 ressortissants étrangers lors de l’attentat à la bombe contre un avion de ligne au large des côtes irlandaises. Lundi, j’ai eu l’honneur d’assister à la cérémonie organisée pour commémorer cet événement.
Les enquêtes des forces de l’ordre ont été mal menées et, malgré plusieurs enquêtes, la vérité n’a jamais été entièrement mise au jour; les auteurs n’ont jamais eu à répondre de leurs actes.
Les familles des victimes s’inquiètent que cette tragédie soit occultée alors que nous savons que les bombes qui ont explosé dans l’avion d’Air India et à l’aéroport de Narita avaient été fabriquées par des Canadiens en sol canadien.
Les familles demandent que le Musée canadien de l’histoire organise une exposition permanente sur ce drame canadien. Je vous demande de transmettre cette requête au président du musée, à la ministre des Affaires étrangères et au ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes afin que la vie de ces victimes canadiennes soit honorée comme il se doit.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je ne manquerai pas de le faire, sénateur. La seule chose que je peux dire, c’est que cet attentat a été le plus meurtrier de l’histoire de notre pays et que nous n’oublierons jamais ses victimes. Je ne manquerai pas de porter cette question à l’attention des ministres et d’autres personnes, comme vous l’avez demandé.
La sécurité publique
Le vol 182 d’Air India
L’honorable Andrew Cardozo : Je vous remercie de votre sensibilité à cette question, sénateur Gold. Ce sera peut-être ma dernière question complémentaire, alors je vous remercie des services que vous nous rendez.
Cette semaine, la GRC a révélé qu’elle connaissait l’identité d’une troisième personne impliquée dans ce crime ignoble, qu’elle a appelée M. X, même si cet homme est décédé. Je demande que l’identité de cette personne soit révélée. Les familles canadiennes ont le droit de savoir tout ce qu’il y a à savoir au sujet de cette tragédie canadienne. Pourriez-vous demander au ministre de la Sécurité publique de veiller à ce que ce nom soit rendu public le plus tôt possible?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je ne manquerai pas de faire part de vos préoccupations au ministre, qui prendra la décision qui s’impose.
Les finances
Les organismes de bienfaisance
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, il y a quelques mois, le gouvernement a annoncé en grande pompe l’inscription de Samidoun sur la liste des organisations terroristes, ce que nous avons tous salué, applaudi et jugé approprié.
Or, plusieurs mois plus tard, on se demande à quoi bon désigner le groupe Samidoun comme une organisation terroriste si ses membres continuent d’opérer dans les rues du Canada, de recruter et de voyager librement. Plus grave encore, ce groupe bénéficie toujours du statut d’organisme sans but lucratif auprès du gouvernement canadien.
Comment ces deux faits peuvent-ils être compatibles? D’un côté, le groupe figure sur la liste des organisations terroristes et, de l’autre, le gouvernement refuse de lui retirer le statut d’organisme sans but lucratif dont il bénéficie.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, monsieur le sénateur. La décision d’inscrire ce groupe sur la liste des organisations terroristes a été mûrement réfléchie. C’était la bonne décision à prendre. Elle relevait de la prérogative directe du gouvernement, qui a suivi les conseils des forces de sécurité et d’autres instances, comme nous l’avons évoqué à maintes reprises au Sénat.
La décision d’accorder, de refuser ou de retirer le statut d’organisme de bienfaisance à une organisation relève principalement, si je comprends bien, de l’Agence du revenu du Canada. À ma connaissance, le gouvernement actuel, à l’instar des gouvernements précédents, n’a pas pour pratique ou politique de lui dicter quoi faire.
L’incohérence que vous soulignez pourrait donc très bien s’expliquer par le fait que ce sont deux instances différentes qui s’occupent de ces deux questions. C’est certainement un point sur lequel je vais réfléchir et que je porterai à l’attention du gouvernement.
Le sénateur Housakos : Même s’il a fallu attendre longtemps pour que cela se fasse, nous nous réjouissons que le Corps des Gardiens de la révolution islamique et Samidoun aient été inscrits sur la liste des entités terroristes.
Cela dit, je suis entièrement d’accord avec vous, monsieur le leader du gouvernement; ce n’est pas au gouvernement de dire à l’Agence du revenu du Canada quoi faire. Toutefois, il est de son devoir de veiller à ce que tous les organismes publics respectent les souhaits du gouvernement du Canada lorsqu’il inscrit une organisation sur la liste des entités terroristes.
Monsieur le leader du gouvernement, faut-il une volonté politique pour que les organismes publics prennent les mesures qui s’imposent à l’égard des organisations inscrites sur la liste des entités terroristes?
Le sénateur Gold : Monsieur le sénateur, la façon dont vous formulez votre question m’empêche d’être d’accord avec vous. Je comprends le sentiment qui la sous-tend, mais je crois que vous conviendrez qu’il est important pour les gouvernements, quelle que soit leur orientation politique, de respecter la division des tâches, voire la séparation des pouvoirs, entre le gouvernement et les organismes indépendants.
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-12(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la deuxième lecture du projet de loi C-5, suivie de la deuxième lecture du projet de loi C-6, suivie de la deuxième lecture du projet de loi C-7, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.
(1500)
Projet de loi sur l’unité de l’économie canadienne
Deuxième lecture—Débat
L’honorable Hassan Yussuff propose que le projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-5, Loi sur l’unité de l’économie canadienne.
Lorsqu’on m’a demandé de parrainer ce projet de loi, j’ai accepté sans hésitation. Est-ce que je savais que ce serait une tâche difficile? Bien sûr. Est-ce que je m’attendais à ce que nous devions trouver des moyens de nous parler? Bien sûr, mais l’édification d’un pays n’a jamais été une tâche facile, et c’est essentiellement la tâche que cherche à accomplir cette mesure législative, alors que notre pays est gravement menacé.
Je crois que tous les sénateurs ici présents savent que nous vivons dans un monde plus incertain et dangereux que par le passé. Nous nous rendons compte que notre relation avec les États-Unis, qui était fondée sur l’intégration économique, sur la coopération militaire et sur la coopération en matière de sécurité, est chose du passé. De plus, nos liens commerciaux avec notre plus proche voisin, allié et ami — qui avaient été sources de prospérité pour les Canadiens pendant si longtemps — ont fondamentalement changé.
Chers collègues, ne vous méprenez pas : les droits de douane injustifiés que nous imposent les États-Unis menacent grandement notre économie, notre souveraineté et notre mode de vie. Si nous ne pouvons pas contrôler les actes du président des États-Unis, nous pouvons en revanche contrôler la manière dont nous réagissons à ces actes. Je pense qu’il est urgent que nous agissions maintenant pour renforcer notre position de négociation afin de protéger les travailleurs et l’économie du Canada.
La mesure législative est une réponse directe à la situation actuelle et vise à accomplir deux choses. La première partie du projet de loi vise à éliminer les obstacles au commerce interprovincial qui existent depuis la création de notre pays. Les mesures commerciales illégales et injustifiées prises par les États-Unis mettent en évidence le besoin urgent de s’attaquer à ces obstacles qui ont fragmenté notre économie et limité les possibilités pour les Canadiens.
La deuxième partie du projet de loi reconnaît que, si nous voulons que notre économie demeure assez résiliente pour non seulement traverser la tempête causée par les droits de douane actuels, mais aussi mieux nous préparer aux menaces de plus en plus grandes auxquelles nous serons confrontés à l’avenir, nous devons réaliser des projets de construction qui servent l’intérêt national, et ce, plus rapidement. Ces grandes initiatives d’édification du pays sont essentielles à l’exploitation de notre plein potentiel économique et au renforcement du Canada, tant sur la scène nationale qu’internationale.
Aujourd’hui, je tiens à parler de ces deux parties du projet de loi et de la manière dont il a été renforcé par les amendements adoptés la semaine dernière à l’autre endroit.
Honorables sénateurs, je souhaite commencer par la partie 1 du projet de loi, qui vise à aider à accomplir ce que nous, en tant que nation, nous efforçons de réaliser depuis que nous nous sommes réunis il y a près de 160 ans pour créer cette grande confédération, c’est-à-dire avoir une économie au service de l’intérêt national. C’est cette idée de servir l’intérêt national qui est au cœur du projet de loi.
Pour préserver la souveraineté économique du Canada, il faut d’abord renforcer nos liens commerciaux intérieurs. Alors que les pressions de l’étranger exigent que le Canada soit uni, résilient et autosuffisant, il ne peut pas se permettre d’être une mosaïque d’économies provinciales et territoriales fermées. Alors que nous avons longtemps défendu l’ouverture des marchés à l’étranger, nous avons discrètement toléré des portes closes ici, au Canada. Nous avons bâti un pays où il est souvent plus facile pour une entreprise de vendre des biens en Allemagne que de les expédier dans une autre province. Cette situation n’est pas seulement absurde; elle est aussi contre-productive.
Aujourd’hui, les obstacles au commerce intérieur au Canada équivalent à l’imposition d’un droit de douane de 7 % sur nos produits, dans notre propre pays. Il faut éliminer ces obstacles et bâtir une économie canadienne unifiée et forte au lieu d’en avoir 13.
Le projet de loi vise à éliminer les obstacles qui existent entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux afin de promouvoir la libéralisation des échanges de biens et de services, ainsi que la mobilité de la main-d’œuvre. Le projet de loi permettrait aux organismes de réglementation fédéraux ou aux ministères de s’assurer que, lorsqu’il existe une mesure législative provinciale ou territoriale comparable — le mot « comparable » est important ici —, celle-ci serait reconnue au même titre que la mesure législative fédérale. Pour les entreprises canadiennes, cette mesure facilitera l’achat, la vente et le transport de biens et de services partout au Canada.
Pour améliorer la mobilité de la main-d’œuvre, la loi fournit un cadre visant à reconnaître les permis et les titres professionnels provinciaux et territoriaux des travailleurs. Cela signifie qu’un travailleur autorisé dans une province ou un territoire pourra plus rapidement et plus facilement exercer la même profession dans une entreprise sous réglementation fédérale. Il sera ainsi plus facile de faire des affaires partout au Canada en réduisant les formalités administratives fédérales et en éliminant les chevauchements réglementaires. Cette mesure réduira également les coûts et les retards pour les entreprises canadiennes qui suivent des règles provinciales et territoriales comparables.
Au cours de l’étude de ce projet de loi, les syndicats nous ont dit que ces formalités administratives et ces chevauchements sont des obstacles au travail dans les domaines sous réglementation fédérale, qu’ils ne sont pas nécessaires et qu’ils nuisent aux travailleurs.
Bien que cette loi constitue un premier pas dans la bonne direction, le gouvernement fédéral continuera d’encourager les provinces et les territoires à harmoniser leurs propres exigences en matière de délivrance de permis et de titres de compétence pour les travailleurs qualifiés, comme les médecins, le personnel infirmier, les enseignants et plus encore, afin d’améliorer davantage la mobilité de la main-d’œuvre au Canada.
Le gouvernement fédéral veut que ce projet de loi soit un symbole de la nécessité pour nous tous de reconnaître que nous devons agir maintenant plus que jamais dans un but commun et en fonction d’objectifs partagés. Cela dit, certaines personnes disent craindre que ce projet de loi entraîne un abaissement des normes.
Ayant passé ma vie à représenter des travailleurs, je comprends l’importance de lutter pour des normes plus rigoureuses, en particulier en matière de santé et de sécurité au travail. Nous savons tous que, dans l’ensemble de la Confédération, certaines normes sont meilleures que d’autres. Je crois qu’il est admis qu’il faut encourager l’adoption de normes plus rigoureuses, plutôt que l’inverse.
Le projet de loi reconnaît l’importance de cette question parce qu’il comprend des mesures pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs et des Canadiens.
Premièrement, le projet de loi s’applique aux exigences fédérales en matière de commerce interprovincial de biens et de services lorsqu’il existe des exigences provinciales ou territoriales comparables. Deuxièmement, le projet de loi permet au gouvernement de prévoir des exceptions à la reconnaissance de normes provinciales et territoriales comparables lorsque les risques pour la santé et la sécurité des Canadiens ou pour l’environnement sont jugés trop importants. Dans une large mesure, les premiers ministres provinciaux travaillent en ce sens depuis plusieurs années.
Cependant, compte tenu de la crise avec les États-Unis et du changement fondamental qui semble s’opérer dans nos liens commerciaux, les premiers ministres provinciaux et le gouvernement fédéral reconnaissent qu’il n’est plus possible de retarder l’élimination de ces obstacles au commerce interprovincial. L’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l’Ontario, la Saskatchewan et le Manitoba ont tous adopté des mesures législatives visant à éliminer les obstacles au commerce intérieur. La Colombie-Britannique a également adopté une loi historique sur la stabilisation économique, et le Québec mène ses propres réformes. Je crois qu’il existe un consensus sans précédent parmi les premiers ministres provinciaux en faveur d’une véritable économie canadienne unifiée. Le projet de loi C-5 contribuera à la réalisation de cet objectif.
Toutefois, même si les mesures prises par chacune des provinces sont louables, ce n’est pas suffisant. Plus que jamais, notre pays a besoin que le gouvernement fédéral fasse preuve d’un leadership stratégique et coordonné afin d’unifier les efforts individuels des provinces pour optimiser leur efficacité. En jouant un rôle catalyseur, le gouvernement fédéral peut contribuer à transformer un système fragmenté en un espace économique sans entrave d’un océan à l’autre.
Grâce au leadership d’Ottawa, nous pouvons concrétiser une réalité où les dédoublements sont réduits au minimum, où les investissements sont simplifiés et où les entreprises et les travailleurs disposent tous des moyens pour prospérer, sans égard aux frontières entre les provinces et les territoires.
(1510)
C’est précisément le but de la première partie du projet de loi. Il s’agit d’une proposition progressiste qui vise à moderniser le commerce intérieur non pas en exerçant un contrôle, mais en misant sur la collaboration.
Ce projet de loi ne gruge pas les pouvoirs des provinces, il les respecte. Il propose un nouveau modèle d’engagement fédéral, fondé sur le partenariat et la reconnaissance mutuelle, qui vise à rationaliser les procédures afin de rendre l’État plus efficace pour tous.
Honorables sénateurs, j’aimerais maintenant passer à la deuxième partie du projet de loi, qui porte sur la réalisation de grands projets d’édification nationale qui sont dans l’intérêt du pays.
Les Canadiens ont de plus en plus conscience que nous pouvons faire mieux, en tant que pays, lorsqu’il s’agit de construire les infrastructures nécessaires à notre avenir économique. Je pense que la crise actuelle a focalisé notre attention et suscité des attentes, mais pour faire mieux, nous devons miser sur la coopération et la collaboration.
Or, la coopération repose sur le respect et la confiance, et la collaboration implique que nous mettions tous la main à la pâte pour assurer le succès du pays.
Alors, comment concrétiser des projets de construction plus rapidement?
Le premier ministre croit que les projets doivent faire l’objet d’une décision en moins de deux ans. Actuellement, l’échéancier des grands projets est de cinq ans, voire bien plus dans de nombreux cas. Ce projet de loi établit un cadre qui permettra de reconnaître et d’accélérer les projets qui sont véritablement d’intérêt national, ceux qui feront gagner le pays en résilience, en sécurité et en prospérité.
Il pourrait s’agir de projets de construction, par exemple, de lignes de transmission depuis le réseau hydroélectrique du Québec jusqu’en Ontario, de corridors de développement des ressources pour acheminer des minéraux critiques depuis le Nord du Québec ou de l’uranium depuis la Saskatchewan en vue de les faire raffiner, puis de les expédier vers de nouveaux marchés, de pôles d’hydrogène en Alberta et à Sarnia, en Ontario, ainsi que de nouvelles infrastructures pour relier les côtes atlantique, arctique et pacifique du pays.
Soyons clairs : le projet de loi ne vise à porter atteinte ni aux responsabilités des provinces et des territoires ni aux droits constitutionnels des Autochtones. Au contraire, il s’appuie sur les progrès réalisés et il reconnaît l’excellent travail des premiers ministres provinciaux, des entreprises, des travailleurs et des partenaires autochtones. Ce qu’il propose, c’est ceci : construisons ensemble plutôt que chacun de notre côté.
Qu’est-ce qu’un projet d’intérêt national?
Le projet de loi définit cinq critères que le gouverneur en conseil peut prendre en considération pour déterminer si un projet est d’intérêt national. Les projets devraient renforcer l’autonomie, la résilience et la sécurité du Canada, procurer des avantages économiques ou autres aux Canadiens, avoir une forte probabilité de mise en œuvre réussie — non seulement en théorie, mais aussi dans la pratique —, promouvoir les intérêts des peuples autochtones, et contribuer à la croissance propre et à la réalisation des objectifs du Canada en ce qui a trait aux changements climatiques.
Un nouveau bureau des grands projets fédéraux pilotera la transition, ce qui suppose de repérer de grands projets à cibler et de voir à ce qu’ils soient soumis à un examen approfondi avant d’obtenir le feu vert. Ce bureau sera le point de contact unique pour la coordination et la supervision des projets ainsi que la résolution rapide des problèmes. L’objectif : passer à un calendrier simple et clair de deux ans pour la prise de décisions, supprimer les longs délais et placer la rapidité et les garanties au centre de l’approche. L’idée, c’est qu’il y ait une seule évaluation par projet.
Cela dit, le gouvernement n’a pas l’intention de construire à tout prix. Pour aller de l’avant, les projets devront toujours respecter des normes environnementales strictes, faire l’objet de consultations en bonne et due forme avec les peuples autochtones et respecter les droits constitutionnels de ces derniers.
Parlons un peu plus de ces droits.
Le projet de loi prévoit que les grands projets d’intérêt national ne pourront être réalisés que lorsqu’on aura écouté les points de vue des Autochtones dans un véritable esprit de partenariat. Les droits des peuples autochtones ne sont pas un détail secondaire, mais une considération fondamentale.
Les droits garantis par l’article 35 sont inscrits dans la Constitution, et le gouvernement s’est engagé à les défendre résolument. La ministre Alty nous l’a promis ici même la semaine dernière lorsqu’elle a déclaré ce qui suit :
[...] je tiens à être très claire : les grands projets seront uniquement réalisés dans le cadre de cette loi si des consultations constructives sont menées auprès des Autochtones dont les droits garantis par l’article 35 risquent d’être touchés et leurs besoins sont pris en compte.
Cette loi nécessite la tenue d’importantes consultations auprès des peuples autochtones, d’abord dans le cadre du processus de désignation des projets d’intérêt national, puis lors de l’élaboration des conditions auxquelles ces projets seront assujettis.
Cette exigence n’est pas facultative. Elle est protégée par la Constitution canadienne et intégrée dans l’ensemble de la législation.
Le projet de loi confirme également que le gouvernement du Canada s’engage à mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones tout en veillant à ce que les droits des peuples autochtones soient respectés. Toutefois, chers collègues, nous savons également que cet engagement existe séparément dans le droit canadien, notamment grâce à l’adoption de l’ancien projet de loi S-13, qui requiert que les lois fédérales soient interprétées conformément à l’article 35 de la Constitution. Cet engagement est donc déjà bien établi.
Je crois que le gouvernement et les entreprises comprennent que l’absence d’une consultation et d’une collaboration sérieuses compromet grandement la réussite d’un projet. Deux des cinq critères qui permettent de considérer un projet comme étant d’intérêt national sont directement liés à cet aspect, à savoir la promotion des intérêts des peuples autochtones et un grand degré de réussite.
Mme Alty l’a aussi reconnu quand elle a dit :
Les projets qui ne bénéficient pas du soutien des peuples autochtones ne progresseront pas de toute urgence. Nous cherchons des projets prêts à démarrer.
Elle a ajouté :
Il est important de se rappeler que nous cherchons à avancer rapidement, et que ce sont vraiment ces facteurs qui importent, à savoir la forte probabilité de réussite et la promotion des intérêts des peuples autochtones.
Chers collègues, il est important de rappeler que ce projet de loi exige que les peuples autochtones soient consultés et que de véritables mesures d’adaptation soient prises à leur égard, tant lors du processus de détermination des projets d’intérêt national que lors de l’élaboration des conditions rigoureuses applicables à chaque projet.
Les dirigeants autochtones qui ont témoigné devant nous la semaine dernière ont parlé avec éloquence et sincérité des perspectives de leurs communautés autochtones et de l’approche qu’ils estiment nécessaire pour le développement économique de leurs communautés et du pays dans son ensemble, une approche fondée sur le respect de leurs droits et reposant sur une consultation et une collaboration constructives.
Quand j’ai accepté de parrainer ce projet de loi, j’étais convaincu qu’il incombait au premier ministre de rencontrer les dirigeants autochtones afin d’établir la confiance et le respect nécessaires pour que les objectifs de ce projet de loi aient une chance d’être atteints. J’ai été heureux d’apprendre vendredi dernier que le premier ministre avait annoncé qu’il rencontrerait les dirigeants des Premières Nations, des Inuit et des Métis au cours des prochaines semaines.
Comme je l’ai déjà dit, si nous voulons bénéficier d’un esprit de coopération pour affronter la crise actuelle, il faudra que cet esprit repose sur la confiance et le respect qui naissent de la consultation et du dialogue.
Avant de conclure, chers collègues, je voudrais parler des amendements qui ont été adoptés à l’autre endroit. Je pense qu’ils ont renforcé le projet de loi en abordant certains problèmes que les sénateurs et les témoins avaient signalés aux ministres la semaine dernière. D’une manière générale, les amendements peuvent être classés en trois catégories : reddition de comptes et transparence, surveillance parlementaire, et clarté.
Je voudrais souligner quelques amendements qui portent sur la transparence et la surveillance, ainsi que des amendements relatifs aux consultations auprès des Autochtones.
La Chambre des communes a adopté un amendement qui, selon moi, renforcera la surveillance et, plus précisément, le rôle du Sénat dans la surveillance. Il s’agit de l’amendement qui créera un comité d’examen parlementaire formé de membres des deux Chambres.
Pour ce qui est des consultations auprès des Autochtones, la Chambre des communes a adopté un amendement qui exige du gouvernement qu’il veille à l’établissement d’un processus qui permet la participation active et significative des peuples autochtones touchés et à ce qu’un rapport sur le processus de consultation et ses résultats soit mis à la disposition du public.
La semaine dernière, des collègues se sont inquiétés de la mesure dans laquelle le ministre responsable pouvait énumérer des lois additionnelles auxquels les grands projets pourraient être soustraits, y compris la Loi sur les Indiens et la Loi sur les langues officielles. Or, les députés ont également adopté un amendement pour exclure spécifiquement ces lois et d’autres de la liste des lois qui seront sans effet pour ce qui est des projets d’intérêt national.
(1520)
En outre, l’autre endroit a adopté d’autres amendements visant à préciser certaines définitions et à exiger la divulgation des rapports sur la mise en œuvre des projets d’intérêt national.
En conclusion, chers collègues, on nous demande de faire beaucoup en peu de temps à l’égard de ce projet de loi. Que nous le voulions ou non, la situation dans laquelle notre pays se trouve nous a été imposée, et il nous appartient maintenant d’agir pour relever non seulement le défi d’aujourd’hui, mais aussi les défis inconnus que nous serons sans aucun doute appelés à relever sous peu.
La première partie du projet de loi vise à éliminer les obstacles obsolètes qui empêchent les Canadiens de faire des affaires les uns avec les autres et de travailler là où les besoins de main-d’œuvre sont les plus importants afin de construire une économie nationale véritablement unifiée. Au fil des décennies, les premiers ministres provinciaux ont soutenu que bon nombre de ces obstacles servaient leurs intérêts, mais servent-ils l’intérêt national?
Le projet de loi vise également à simplifier le processus d’approbation pour faire avancer les grands projets, conformément au principe « un projet, une évaluation ». Le gouvernement est conscient que le non-respect de ses responsabilités légales en matière de consultation et d’accommodement n’entraînera que des retards coûteux et fastidieux devant les tribunaux.
Je crois, chers collègues, que depuis les élections, on a le sentiment que le pays veut trouver un moyen d’aller de l’avant. Le peuple canadien a confié un mandat au gouvernement. La Chambre élue a adopté ce projet de loi, la première partie ayant reçu un appui presque unanime. Nous ne pouvons perdre cela de vue.
Les députés ont également apporté un certain nombre d’amendements qui répondent aux préoccupations soulevées et renforcent le projet de loi. À mon avis, nous devons maintenant commencer à réfléchir à la manière de donner la priorité à l’intérêt national. Pour ce faire, nous devons nous faire confiance les uns les autres et tenir les personnes que nous avons élues responsables des engagements qu’elles ont pris.
Chers collègues, comme je l’ai dit au début, l’édification du pays n’a jamais été une entreprise simple et ne le sera jamais. Cela dit, c’est précisément l’objet de ce projet de loi. Je vous demande de l’appuyer et de l’adopter sans amendement. Merci beaucoup.
Des voix : Bravo!
L’honorable Denise Batters : Sénateur Yussuff, en fait, j’aurais aimé poser ces questions au sénateur Gold, parce que je ne lui ai pas encore posé toutes les questions que je voulais lui poser au cours de cette législature, mais cela fait deux ans et demi qu’il n’a pas prononcé de discours au sujet d’un projet de loi d’initiative ministérielle, je ne pourrai donc de toute façon pas lui poser de questions à l’étape de la deuxième lecture de ce projet de loi. Je vais donc vous les poser à vous, en tant que parrain du projet de loi.
Vendredi dernier, après l’adoption du projet de loi C-5 par la Chambre des communes, le premier ministre Carney a tenu une conférence de presse. Une journaliste lui a demandé :
Avez-vous des projets précis que vous espérez approuver une fois que le projet de loi aura reçu la sanction royale? Est-ce pour cette raison que vous avez précipité son adoption par le Parlement?
« Non », a répondu le premier ministre Carney.
Sénateur Yussuff, je sais que ce projet de loi pourrait faire l’objet d’une motion de clôture ici, au Sénat, dans le but, une fois encore, de le faire adopter assez rapidement. Dans ces conditions, pourquoi sommes-nous ici?
Le sénateur Yussuff : Nous n’aurons pas terminé avant vendredi. Vous aurez peut-être encore l’occasion de poser des questions au sénateur Gold, mais je vous remercie beaucoup de votre question.
Nous sommes ici parce que les difficultés économiques auxquelles notre pays est actuellement confronté sont urgentes. Les 13 premiers ministres des provinces et des territoires reconnaissent tous que le Canada doit se serrer les coudes compte tenu de la crise économique que nous traversons. Ils font leur part pour vraiment bâtir une économie nationale. Le projet de loi contribue à cet objectif en invitant le gouvernement fédéral à travailler avec les provinces et les territoires pour atteindre le même but.
Dans le même ordre d’idées, les premiers ministres des provinces et des territoires ont demandé au premier ministre de déterminer comment nous pouvons accélérer la réalisation des projets nationaux. Le projet de loi énonce certaines mesures fondamentales que nous pouvons prendre à cet égard en tant que pays.
Au bout du compte, nous sommes ici pour adopter un projet de loi très important qui permettra à notre pays de relever les défis économiques auxquels il est confronté. De plus, le projet de loi permettra de débloquer l’importante vitalité économique de notre pays en faisant de nous une économie nationale unie pour l’avenir.
La sénatrice Batters : Oui. Récemment, le premier ministre et les premiers ministres des provinces et des territoires se sont rencontrés à Saskatoon, dans ma province, la Saskatchewan, pour discuter. Si j’ai bien compris, chaque premier ministre a remis une liste de grands projets qu’il souhaite voir approuvés dans sa province. J’aurais espéré en savoir un peu plus sur les grands projets que le projet de loi permettra de faire adopter au lieu de découvrir qu’il semble prévoir la tenue d’une série de rencontres.
Sénateur Yussuff, vous êtes également membre du Conseil du premier ministre sur les relations canado-américaines, et ce, depuis un certain temps déjà. Vous y siégez toujours, je crois.
Dans le cadre de votre travail au sein de ce conseil, quels grands projets sont, selon vous, importants pour gérer les relations entre le Canada et les États-Unis, ainsi que la crise, comme l’appelle le gouvernement, que nous traversons actuellement? Quels sont les grands projets qui peuvent aider le Canada dans cette situation?
Le sénateur Yussuff : En parlant hypothétiquement, je pourrais citer de nombreux projets qui me viennent à l’esprit, mais dans le contexte de la crise actuelle, je crois qu’il est important que les premiers ministres provinciaux déterminent ce qui est dans leur intérêt; mes propres intérêts n’ont pas d’importance. Comme vous l’avez dit, chaque premier ministre a pu exprimer ses propres priorités, selon son point de vue, lors de la réunion qui s’est tenue en Saskatchewan. En fin de compte, lorsque cette loi sera adoptée par la Chambre et le Sénat, j’espère que les premiers ministres provinciaux pourront présenter au premier ministre les projets qu’ils jugent importants pour le développement de notre pays et pour stimuler la vitalité économique d’un océan à l’autre.
Je ne vais pas vous dire, à partir de mon point de vue personnel, quels projets nous devrions envisager. Je laisse les premiers ministres provinciaux et territoriaux faire leur travail et transmettre leurs priorités au premier ministre, selon leurs intérêts respectifs. C’est assurément ce qu’ils ont fait lors de la rencontre en Saskatchewan.
L’honorable Marty Deacon : Je vous remercie pour vos observations et votre travail sur ce projet de loi. On nous a dit que nous avions besoin de ce projet de loi pour nous adapter à un monde qui évolue rapidement. Des milliers de Canadiens nous ont également fait part de certains des enjeux que vous avez évoqués dans votre discours aujourd’hui.
Je vais orienter un peu ma question sur la disposition de caducité. Bien qu’il y ait une telle disposition applicable au bout de cinq ans, craignez-vous qu’un futur gouvernement, en particulier un gouvernement majoritaire, profite de changements géopolitiques ou d’autres crises pour présenter d’autres projets de loi similaires? Comment les sénateurs pourraient-ils réagir à l’avenir si vous, moi ou une majorité de nos collègues ne pensons pas qu’un tel projet de loi réponde aux besoins du moment comme on nous a dit que c’était le cas aujourd’hui?
Le sénateur Yussuff : Tout d’abord, je vous remercie de la question. Hypothétiquement, je suis d’avis que le Sénat ne perd jamais de vue la liberté qu’il a de faire un examen rigoureux des projets de loi dont il est saisi, en plus d’être conscient de faire son travail. Si le gouvernement présente un projet de loi qui, à son avis, ne répond pas à l’intérêt national, il est de sa responsabilité de le rejeter.
Hypothétiquement, ce projet de loi contient une disposition de caducité. Un futur gouvernement pourrait décider que des projets nationaux sont toujours dans l’intérêt national. Si les premiers ministres provinciaux et le premier ministre en arrivent à ce consensus, nous devrons tenir compte du fait qu’ils ont choisi de prolonger l’application de cette mesure législative. Cependant, si un futur gouvernement voulait présenter un autre projet de loi pour accomplir la même chose, ce serait son droit. S’il obtient un mandat de la population, il aura tout à fait le droit de présenter un projet de loi que nous pourrons à ce moment-là étudier en tant que Chambre indépendante.
L’honorable Mary Robinson : Sénateur Yussuff, ma question porte sur l’amendement du préambule de la partie 2 du projet de loi. Nous ne savons pas quels projets seront classés par le gouvernement comme étant d’intérêt national, mais ils pourraient finir par toucher l’agriculture, car cette industrie est étroitement liée aux intérêts de l’économie, de la souveraineté et de la sécurité du Canada, comme le mentionne le préambule, où on a maintenant ajouté « […] des emplois bien payés et syndiqués […] ».
Comme vous le savez, les emplois syndiqués sont rares en agriculture, non pas parce que la syndicalisation n’est pas considérée comme importante, mais plutôt en raison de l’augmentation des coûts de production qui en résulte. Les agriculteurs vendent principalement sur des marchés banalisés et ont peu d’occasions d’augmenter leurs revenus, voire aucune. Ils ne peuvent pas refiler les coûts. En raison des marges de profits déjà minces, les agriculteurs ne peuvent pas se permettre d’absorber des coûts supplémentaires. Pour instaurer des emplois syndiqués, il faudrait des changements systémiques, ce que je ne vois pas dans cet amendement.
(1530)
Dans le projet de loi C-5, on nous demande essentiellement de faire un acte de foi. Quelle garantie le gouvernement peut-il offrir aux agriculteurs qu’on ne compromettra pas davantage leur capacité à rester en affaires?
Le sénateur Yussuff : Merci pour votre question. Je ne peux pas parler au nom de l’ensemble du secteur agricole, mais, comme vous le savez, certaines parties du secteur agricole sont syndiquées. Des serres du Québec, du Manitoba et de certaines régions de l’Ontario et de la Colombie-Britannique sont syndiquées. Cela dit, cette disposition vise à garantir que les bons emplois syndiqués contribuent également à la prospérité de l’économie canadienne. Le projet de loi n’impose aucune norme particulière, de manière générale. Comme vous le savez, ces normes sont établies à l’échelon provincial. Les travailleurs peuvent choisir d’adhérer ou non à un syndicat, mais quand ils choisissent d’y adhérer et que ces normes sont établies à l’échelle provinciale, ils en bénéficient et le secteur aussi.
En fin de compte, ce projet de loi n’impose aucune exigence supplémentaire aux secteurs régis par les provinces, où que ce soit au pays.
La sénatrice Robinson : Ma deuxième question porte sur la partie 1 du projet de loi, qui traite des obstacles au commerce interprovincial. En substance, le projet de loi prévoit ce qui suit : quand des règlements fédéraux et provinciaux s’appliquent à la même chose et visent le même résultat, les règlements provinciaux seront considérés comme satisfaisant aux exigences fédérales. C’est préoccupant pour certains groupes de producteurs, à qui les règlements fédéraux assurent une plus grande certitude. Je pense notamment aux installations fédérales de transformation de la viande et à l’étiquetage des produits biologiques au titre du Règlement sur la salubrité des aliments au Canada.
Je comprends que l’on espère que les provinces s’uniront pour créer un cadre réglementaire qui permettra d’harmoniser les règlements disparates qui existent actuellement dans tout le pays, surtout si la réglementation fédérale est supprimée. Mais, au bout du compte, on nous demande de faire un acte de foi et de croire que les gouvernements iront de l’avant. On nous demande de croire que le gouvernement fédéral sait quand il doit se retirer et de nous fier aux gouvernements provinciaux, qui pensent pouvoir trouver une solution.
Quelle garantie pouvons-nous donner aux groupes de producteurs que cela se traduira effectivement par une circulation efficace des produits entre les provinces?
Le sénateur Yussuff : Je vous remercie de la question. Les premiers ministres de partout au pays participent également à l’exercice de confiance auquel nous nous livrons en ce moment. Ils ont collectivement fait de leur mieux pour trouver des moyens de contribuer à bâtir et à renforcer l’économie du pays. Le gouvernement fédéral est un interlocuteur, et il y a un processus pour que toutes les parties, y compris les gouvernements provinciaux et territoriaux, travaillent ensemble en vue d’atteindre l’objectif global.
La réalité, c’est que tous se font mutuellement confiance pour faire ce qui est dans l’intérêt de notre économie. Nous devons donc faire confiance aux premiers ministres et aux ministres responsables du commerce interprovincial pour qu’ils travaillent ensemble dans l’intérêt supérieur du pays.
Cette confiance est au cœur du projet de loi. Il s’agit de déterminer comment nous pouvons mieux atteindre ces objectifs. Le gouvernement fédéral ne souhaite pas imposer ses normes à qui que ce soit, sauf si c’est dans l’intérêt supérieur du pays.
Dans une large mesure, pour les 13 premiers ministres provinciaux et territoriaux ainsi que pour le gouvernement fédéral, c’est un exercice qui vise à améliorer l’économie canadienne. À l’heure actuelle, nous pouvons tous en faire davantage, et tout le monde le comprend. Cependant, en cas d’impasse, les premiers ministres du pays désigneront leurs ministres respectifs pour trouver une solution. Par ailleurs, les industries qui s’appuient sur le régime réglementaire pour plus de certitude pourront compter sur chaque province pour défendre leurs intérêts partout au pays afin de veiller au bien commun. C’est ce que cherche à accomplir le projet de loi : assurer l’unité de l’économie canadienne, réduire les tracasseries administratives et faciliter les échanges commerciaux équitables à l’échelle nationale afin d’être en bien meilleure position que celle où nous nous trouvons actuellement avec le régime en vigueur.
L’honorable Yuen Pau Woo : Merci pour votre discours à l’étape de la deuxième lecture et pour votre travail sur ce projet de loi. Vous vous y êtes attelé bien avant qu’il n’arrive au Sénat, et nous savons à quel point vous avez travaillé fort pour défendre nos intérêts auprès du gouvernement, notamment à l’égard de la lettre que nous avons reçue aujourd’hui du ministre LeBlanc, qui contient plusieurs déclarations rassurantes au sujet des préoccupations soulevées dans cette enceinte.
L’une de ces préoccupations émane de moi et elle concerne la Loi sur les textes réglementaires. Comme beaucoup d’entre vous le savent, certaines parties de la Loi sur les textes réglementaires pourraient être considérées comme des tracasseries administratives dont le traitement pourrait être accéléré. Il faudrait donc les exclure de ce projet de loi. Toutefois, comme je l’ai mentionné au ministre LeBlanc, il y a une partie de la Loi sur les textes réglementaires qui entre en vigueur après l’adoption du projet de loi et des règlements. Elle serait soumise au Comité mixte permanent d’examen de la réglementation, qui examinerait si les règlements sont conformes aux textes réglementaires. Or, cela a également été exclu.
La lettre du ministre suggère qu’il prend cette question au sérieux et qu’il ne compte pas la laisser tomber, mais elle est toujours exclue du projet de loi. J’aimerais avoir votre avis sur la solution à ce problème, telle que le ministre l’a formulée.
Le sénateur Yussuff : Je vous remercie pour votre question, et je vous remercie une fois de plus de soulever ce problème pour que nous puissions en comprendre l’importance.
Peu importe le projet de loi, il est fondamental de reconnaître le travail réalisé par le comité mixte à l’égard des règlements pris en application des lois. Comme l’assure le ministre dans sa réponse, il en demeurera ainsi; le gouvernement n’a aucunement l’intention de soustraire ce projet de loi à cet exercice.
Le gouvernement clarifiera ce point dès qu’il en aura l’occasion, dans un autre projet de loi que le Sénat sera appelé à étudier. À ce moment-là, je crois que vous aurez toutes les certitudes nécessaires. De plus, les lettres du ministre confirment qu’il promet d’apporter cette précision et de ne pas laisser cette question sombrer dans l’oubli simplement parce qu’elle a été omise dans le projet de loi à l’étude.
Le sénateur Woo : Vous dites que nous n’avons pas besoin d’un amendement maintenant pour régler cette question, car le gouvernement a l’intention de l’inclure dans un quelconque projet de loi omnibus qui sera bientôt présenté. C’est ainsi que je comprends l’essentiel de votre réponse.
Je passe à un autre sujet. L’un des amendements proposés par la Chambre a créé ce qui semble être une incohérence entre, d’une part, les cinq critères permettant de désigner des projets d’importance nationale que vous avez mentionnés et, d’autre part, la liste des projets inscrits au registre et la manière dont ces projets répondent aux critères. La disparité est la suivante : alors que la disposition relative aux « facteurs » en compte cinq, celle sur le « registre » ne comporte que quatre critères. Le critère qui a été omis dans la disposition relative au « registre » est celui qui concerne la croissance propre, l’environnement, la durabilité, et ainsi de suite.
Un esprit soupçonneux pourrait soulever quelques hypothèses à ce sujet, mais je ne vais pas m’engager dans cette voie. Pouvez-vous clarifier s’il existe effectivement une disparité et ce qui pourrait l’expliquer?
Le sénateur Yussuff : Je vous remercie de me poser cette question et d’avoir pris le temps d’examiner ce qui a été adopté. Une chose est sûre à propos du Sénat, c’est que rien ne nous échappe jamais dans notre travail. Encore une fois, je pense que cela en dit long sur les efforts que nous avons déployés.
Comme vous le savez, il y a cinq critères, et le gouvernement s’attend à ce que les rapports portent sur tous les cinq et pas seulement sur quatre d’entre eux, même si ce n’était pas mentionné dans l’amendement. Il ne s’agit pas d’exclure quoi que ce soit; l’intention du gouvernement est de s’assurer que les rapports portent sur chacun des cinq facteurs.
Encore une fois, pour lever toute ambiguïté, le gouvernement est prêt à modifier le libellé à la première occasion, que ce soit dans le cadre de la loi d’exécution du budget ou d’une autre mesure législative, pour que cette question soit réglée. Le Sénat peut être rassuré : malgré l’amendement, et quelles qu’en aient été les interprétations, l’intention était que les cinq critères soient pris en compte dans les rapports qui seront présentés au Parlement sur les cinq principes du projet de loi.
(1540)
L’honorable Rodger Cuzner : Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?
Le sénateur Yussuff : Bien sûr.
Le sénateur Cuzner : Merci beaucoup. Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet du Fonds de renforcement des capacités?
J’ai eu l’occasion de travailler avec des groupes des Premières Nations à la suite de l’arrêt Marshall. C’était une occasion extraordinaire, mais il y avait très peu de capacités dans beaucoup de ces collectivités — certains de nos collègues sénateurs peuvent en parler en connaissance de cause. Les investissements se sont faits de façon méthodique, et non du jour au lendemain. Il y a eu des réinvestissements dans la formation et le mentorat, l’achat d’équipement et l’accès à certaines pêches.
Aujourd’hui, 20 ans plus tard, c’est une grande réussite. Je crois que ces investissements n’ont pas encore donné tout leur potentiel, mais ils ont pris de l’ampleur avec un bon partenaire fédéral.
Croyez-vous que les investissements au titre du Fonds de renforcement des capacités offriront les mêmes possibilités?
Le sénateur Yussuff : Je vous remercie de la question. Comme vous le savez, le gouvernement a souligné beaucoup plus tôt que 5 milliards de dollars sont actuellement affectés à ce fonds. Le gouvernement va doubler ce fonds pour le porter à 10 milliards de dollars. Cela vise à permettre aux communautés autochtones qui souhaitent participer à des projets d’avoir le soutien financier nécessaire pour le faire.
Cela montre une volonté d’aider les Autochtones qui souhaitent participer à de grands projets partout au pays en veillant à ce qu’ils disposent des ressources nécessaires pour être de véritables partenaires. Cela en dit long sur la volonté d’apporter des changements pour les communautés autochtones qui veulent réaliser des projets, mais aussi participer à de grands projets d’intérêt national dont ils peuvent bénéficier directement, surtout si ces projets sont réalisés sur leurs territoires d’un bout à l’autre du pays.
Je pense que, dans les années à venir, nous verrons que le gouvernement aura apporté une énorme contribution à ce chapitre. Doubler le fonds va rendre beaucoup plus d’argent disponible. Ce n’était pas possible avec l’ancien fonds. En doublant le fonds, on permettra à un plus grand nombre de partenaires d’en profiter.
Le sénateur Cuzner : Merci beaucoup pour votre réponse. Ma deuxième question porte sur la rencontre avec les dirigeants autochtones prévue le 17 juillet. Pourriez-vous donner au Sénat un peu plus d’informations concernant l’objectif de cette rencontre et dire à quoi vous pensez qu’elle mènera?
En Nouvelle-Écosse, le premier ministre Tim Houston s’est fait le champion de l’énergie éolienne en mer. La plupart de ces projets voient le jour avec une forte participation autochtone au capital. Vous parlez de patience et d’impatience. Plusieurs de ces projets ont vraiment avancé et sont prêts à être menés à bien.
Pouvez-vous nous en dire plus et faire savoir au Sénat ce qui, selon vous, pourrait ressortir des rencontres de juillet avec les dirigeants autochtones?
Le sénateur Yussuff : Je vous remercie de la question. Comme vous le savez, nous avons entendu des dirigeants autochtones qui ont parlé avec éloquence de certaines de leurs préoccupations. Ils n’étaient pas les seuls. Nous avons reçu beaucoup de lettres, et ceux qui ont discuté avec des amis et des collègues des communautés autochtones au Canada reconnaissent qu’il existe une certaine inquiétude et une certaine ambivalence quant à la façon dont la consultation sera menée et la capacité du gouvernement fédéral à vraiment respecter les Autochtones et à établir un partenariat avec eux à l’avenir.
Cette réunion est d’une importance cruciale, d’autant plus que le premier ministre s’est engagé à y participer. Il pourra ainsi entendre directement les préoccupations des dirigeants autochtones. J’espère que le gouvernement tiendra compte de ces préoccupations lorsqu’il examinera les projets nationaux. J’espère également qu’il réfléchira à la manière dont il pourrait mieux communiquer sur la nature de cette consultation.
Comme vous le savez, nous avons l’obligation constitutionnelle d’atteindre cet objectif. Nous avons adopté le projet de loi S-13 dans cette enceinte et nous nous sommes engagés à respecter la déclaration des Nations unies concernant la manière dont nous traiterons les communautés et les nations autochtones au Canada.
Étant donné qu’il y a un nouveau premier ministre, on a une idée des attentes possibles, et j’espère que cela donnera un sens réel à la mise en œuvre de cette loi à mesure que le gouvernement ira de l’avant.
L’honorable Denise Batters : Sénateur Yussuff, j’aimerais obtenir un peu plus d’informations sur les principaux amendements au projet de loi C-5 qui ont été adoptés par la Chambre des communes à la fin de la semaine dernière. Les sénateurs, qui ont examiné le projet de loi dans le cadre d’une étude préalable en comité plénier avant que ces amendements n’en fassent partie, n’ont pas vraiment eu l’occasion d’en entendre parler. Vous en avez parlé dans votre discours, mais très brièvement.
Notamment, je crois comprendre que l’un des amendements visait à retirer la Loi sur les Indiens de la liste des lois que le Cabinet fédéral serait autorisé à contourner pour approuver de grands projets. Auparavant, le gouvernement avait inclus la Loi sur les Indiens dans la liste. D’autres lois ont-elles été retirées de la même manière de la liste à l’aide d’amendements? Y a-t-il d’autres amendements importants qui doivent être examinés par le Sénat?
Le sénateur Yussuff : Je vous remercie de votre question. Je tiens à souligner le sérieux avec lequel nos collègues de l’autre endroit ont examiné le projet de loi, écouté les gens qui ont témoigné devant eux — ainsi que devant le Sénat — et réfléchi profondément à la mesure législative et à la façon dont ils pourraient l’améliorer. Bien entendu, nous sommes tous très inquiets quand certaines mesures législatives sont exclues de l’étude préalable en raison d’un processus auquel nous ne participons pas.
L’autre endroit s’est assuré que toutes les mesures législatives pertinentes soient couvertes par le projet de loi de sorte que le processus d’approbation des projets ne puisse pas être mené à bien sans respect.
Son Honneur la Présidente : Sénateur Yussuff, le temps alloué au débat est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?
Le sénateur Yussuff : Oui.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Yussuff : Sénatrice Batters, ce que nos collègues ont fait à l’autre endroit reflète l’un des meilleurs efforts que j’ai vus depuis longtemps. Ils ont approuvé un projet de loi que la Chambre voulait voir appuyer, mais ils ont également prévu des mesures de surveillance pour faire en sorte que personne ne soit lésé et que le gouvernement ne mette pas de côté une mesure législative qui avait été adoptée pour le bien du pays. Je pense que la Loi sur les Indiens en est un exemple. D’autres mesures législatives qui semblaient exclues sont désormais incluses et couvertes par les amendements adoptés à l’autre endroit, et je pense que le projet de loi amendé a été amélioré grâce à aux efforts des députés.
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui en tant que porte-parole au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada.
Dans le communiqué du gouvernement, on peut lire que cette mesure législative :
[...] supprimera les obstacles fédéraux au commerce intérieur et à la mobilité de la main-d’œuvre et fera avancer la réalisation des projets d’édification de la nation essentiels pour stimuler la croissance de la productivité de notre pays, développer son secteur de l’énergie et assurer sa sécurité ainsi que sa compétitivité économique.
Le sénateur Yussuff a déjà présenté en détail les deux volets de ce projet de loi, je vous épargnerai donc de devoir écouter tous ces détails une deuxième fois — il y aura probablement une troisième ou une quatrième fois, au fur et à mesure que la journée avancera.
Je tiens également à souligner qu’un nombre record de sénateurs ont assisté à la séance d’information du gouvernement sur ce projet de loi. Nous avons cumulé plus de 10 heures d’audiences en comité où nous avons entendu les témoignages de trois ministres et de 17 témoins, faisant ainsi ce que le Sénat fait le mieux. Je pense que la dernière chose dont nous avons besoin à ce stade-ci, c’est d’ajouter des renseignements; je tiens pour acquis que nous sommes tous assez bien informés sur la teneur du projet de loi. J’aimerais toutefois prendre quelques minutes de votre temps pour vous faire part de mes observations et de mes préoccupations à l’égard de cette mesure législative.
Tout d’abord, je reconnais que le projet de loi C-5 constitue un pas dans la bonne direction et que le Canada a besoin que cette initiative soit couronnée de succès.
Comme l’a souligné Jay Khosla en comité plénier, l’augmentation du PIB du Canada pourrait atteindre 4 % avec l’élimination des obstacles au commerce interprovincial et à la mobilité de la main-d’œuvre.
Le potentiel économique des projets d’exploitation des ressources prévus ou déjà en cours de réalisation représente plus de 600 milliards de dollars d’investissements potentiels et jusqu’à 1 100 milliards de dollars de croissance cumulée du PIB. Ce potentiel doit être exploité et mis à profit avec rigueur.
[Français]
Comme vous le savez, honorables sénateurs, le Canada se classe actuellement avant-dernier parmi tous les pays de l’OCDE en ce qui concerne la croissance réelle du PIB par habitant entre 2015 et 2024 — juste devant le Luxembourg. On occupe aussi l’avant-dernier rang au sein de l’OCDE en ce qui a trait au temps nécessaire pour obtenir un permis de construction général. Après cette décennie perdue, il est grand temps que le Canada reprenne le chemin de la prospérité.
(1550)
Toutefois, honorables sénateurs, le projet de loi C-5 nous aidera-t-il vraiment à y arriver? C’est loin d’être clair pour l’instant. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi, en commençant par la première partie du projet de loi.
[Traduction]
La partie 1 du projet de loi C-5 élimine les obstacles fédéraux au commerce interprovincial et favorise la mobilité de la main-d’œuvre au Canada. Elle reconnaît, dans la loi, que les biens, les services et les titres de compétences des travailleurs respectant les normes provinciales ou territoriales répondent également aux exigences fédérales comparables. Elle autorise aussi le gouverneur en conseil à prendre des règlements pour faciliter ce processus. C’est un objectif que nous pouvons tous appuyer, j’en suis certain.
Cependant, je manquerais à mon devoir de porte-parole pour ce projet de loi si je ne soulignais pas que cet effort ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan. Cela m’a surpris, puisqu’il s’agit du projet de loi vedette de ce gouvernement et qu’il a été présenté en grande pompe. Pendant la campagne électorale, le premier ministre Carney a fait croire aux Canadiens qu’il avait un plan. Il leur a dit que ce dont nous pouvons nous doter surpasse largement tout ce que Donald Trump ne pourra jamais nous enlever.
C’est vrai, bien sûr, mais on ne le voit pas vraiment dans la partie 1 du projet de loi C-5, qui présente une initiative d’une portée très limitée. En ce qui concerne les biens et services, elle ne touche que ceux qui sont assujettis à la fois à une exigence provinciale ou territoriale et à une exigence fédérale. De plus, l’exigence fédérale doit être liée au commerce interprovincial. Quand on leur a posé la question, les fonctionnaires ont donné l’exemple d’une machine à laver. Ils ont confirmé qu’il n’existe aucune liste des biens et services qui seront touchés par la loi; il sera donc très difficile d’en mesurer les retombées réelles.
Je ne sais pas s’il s’agit d’une simple caractéristique de cette mesure législative ou d’un défaut. Chers collègues, je ne suis pas d’un naturel cynique, mais d’après ce que j’ai pu voir jusqu’à présent, le gouvernement actuel préfère ne pas fournir de moyens de mesurer l’importance de ses promesses, le montant de ses dépenses ou les effets de ses mesures législatives.
Bref, la mesure proposée semble positive, mais nous n’avons d’autre choix que d’attendre pour voir quelle sera sa valeur réelle. C’est le bon vieux principe du « faites-nous confiance ».
Si nous n’arrivons pas à mesurer l’effet de cette mesure, c’est peut-être, je le crains, parce qu’elle n’en a pas vraiment. Pendant les réunions du comité, le gouvernement n’a malheureusement rien dit qui puisse me faire changer d’avis sur ce point, bien que j’aie posé la question à plusieurs reprises. Je continue de douter que le projet de loi C-5 ait un effet notable sur le commerce interprovincial des biens et des services.
Qu’en est-il de la mobilité de la main-d’œuvre? En établissant un cadre pour la reconnaissance fédérale des normes professionnelles provinciales et territoriales, le projet de loi C-5 cherche à réduire la redondance des processus réglementaires et à améliorer l’efficacité pour les entreprises et les travailleurs. Encore une fois, il s’agit d’un objectif louable, mais le projet de loi n’y changera pas grand-chose.
Permettez-moi de citer un fonctionnaire présent à la séance d’information :
La majorité des professions et des métiers sont réglementés par les provinces et les territoires. Très peu de professions sont réglementées par le fédéral, et encore moins sont soumises à la fois à des règlements fédéraux et provinciaux ou territoriaux.
Donc, le projet de loi C-5 n’aura pas d’incidence sur « la majorité des professions et des métiers ». Il n’aura même pas d’incidence sur le « très peu de professions » qui sont réglementées par le gouvernement fédéral. Il n’aura d’incidence que sur le petit nombre de professions et de métiers qui sont assujettis à la fois à la législation fédérale et à la législation provinciale ou territoriale. Vous n’avez pas à me croire sur parole, le gouvernement l’a admis lui-même : les effets sont minimes.
Cela soulève toutefois une question essentielle : pourquoi existe-t-il des accréditations distinctives en premier lieu?
Le gouvernement semble considérer qu’il n’y a pas de différence essentielle entre les accréditations, et qu’il se contentera donc de reconnaître les accréditations provinciales à partir de maintenant. Le gouvernement a donné l’exemple d’un arpenteur-géomètre et a indiqué ce qui suit :
[U]n arpenteur-géomètre agréé en Ontario qui souhaite travailler sur un projet fédéral n’aura pas besoin de nouveaux agréments pour le faire. Il pourra utiliser son titre ontarien pour obtenir un titre fédéral, ce qui réduira les délais et les formalités administratives.
Chers collègues, cela simplifie toutefois à l’extrême une réalité complexe et peut prêter à confusion. Même si un arpenteur agréé en Ontario peut utiliser son permis provincial dans le cadre du processus d’obtention d’un brevet d’arpenteur des terres du Canada, il doit tout de même suivre une formation supplémentaire et obtenir une certification auprès de l’Association des arpenteurs des terres du Canada afin de pouvoir arpenter légalement les terres du Canada. Cette exigence reflète les différences majeures entre les cadres juridiques, réglementaires et culturels des provinces et du gouvernement fédéral, qui ne peuvent être comblées par un simple transfert de permis.
Les techniques fondamentales d’arpentage, comme l’utilisation du système mondial de navigation par satellite, des tachéomètres électroniques et le traitement des données géospatiales, sont certes semblables sur les terres provinciales et fédérales. Cependant, les cadres juridiques, réglementaires et contextuels divergent considérablement, ce qui nécessite une formation spécialisée pour obtenir la certification fédérale.
Les arpenteurs provinciaux, agréés par des organismes comme l’Association des arpenteurs-géomètres de l’Ontario, sont principalement formés aux lois provinciales et ne sont autorisés à effectuer des levés que dans leur province. En revanche, les arpenteurs-géomètres canadiens, certifiés par l’Association des arpenteurs des terres du Canada, sont les seuls professionnels légalement autorisés par la Loi sur l’arpentage des terres du Canada à effectuer des levés sur les terres du Canada, y compris les réserves autochtones, les parcs nationaux, le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et les zones extracôtières.
La formation de l’Association des arpenteurs des terres du Canada porte spécifiquement sur la législation fédérale, notamment la Loi sur l’arpentage des terres du Canada, la Loi sur les Indiens et la Loi sur les terres territoriales, ainsi que sur les droits de propriété des Autochtones, les registres fédéraux comme les archives d’arpentage des terres du Canada et les processus d’administration des terres adaptés à la culture.
Ces domaines ne sont pas couverts par la formation provinciale, malgré l’inclusion de certaines notions des lois fédérales dans les programmes. Ces distinctions entre les systèmes d’octroi de permis garantissent que les arpenteurs sont aptes à traiter les définitions juridiques distinctes des limites, des types de titres et des modes d’occupation, ainsi que les processus de règlement des différends propres à chaque administration. Elles soulignent pourquoi les titres de compétence provinciaux et fédéraux ne sont pas interchangeables.
Pourtant, chers collègues, on peut lire ce qui suit à l’article 10 du projet de loi :
Sous réserve des règlements, tout organisme de réglementation fédéral est tenu, à la fois :
a) de reconnaître l’autorisation d’exercer une profession ou un métier délivrée par un organisme de réglementation provincial ou territorial comme comparable à une autorisation d’exercer cette profession ou ce métier qu’il peut délivrer;
b) de délivrer au titulaire de l’autorisation provinciale ou territoriale, sur demande de celui-ci, une autorisation d’exercer cette profession ou ce métier.
Sans formation supplémentaire, les fonctions et les permis correspondants ne sont tout simplement pas interchangeables; pourtant, le projet de loi insiste sur le fait qu’ils doivent l’être.
Chers collègues, il est possible que l’on puisse remédier à ces préoccupations par voie de règlements. Les gouvernements promettent toujours de régler tous les problèmes comme par magie grâce à la réglementation. Cependant, je trouve très préoccupant que le gouvernement ne semble pas réaliser que nos différents systèmes d’octroi de permis peuvent refléter des distinctions essentielles en matière de formation. Les conservateurs croient en la réduction des formalités administratives et des obstacles à la mobilité, mais nous devons veiller à procéder avec prudence, de manière responsable et coordonnée.
[Français]
Le dernier point que je veux soulever à propos de la partie I du projet de loi est le suivant : la mobilité de la main-d’œuvre est importante et même nécessaire, mais honnêtement, elle est bien secondaire par rapport à un problème beaucoup plus grave que le gouvernement ne traite pas : la pénurie criante de travailleurs qualifiés au Canada.
Il s’agit d’une vraie crise qui touche plusieurs secteurs, avec des impacts économiques et sociaux majeurs. Dans le domaine de la construction, par exemple, ConstruForce Canada prévoit une pénurie de 29 000 travailleurs d’ici 2027. La raison est que plus de 257 000 travailleurs prendront leur retraite d’ici 2029 et qu’il n’y a pas assez de nouvelles recrues pour les remplacer. Par conséquent, la crise du logement s’aggrave et les coûts grimpent.
Dans le secteur manufacturier, la situation est similaire. Selon Manufacturiers et Exportateurs du Canada, 85 % des entreprises ont du mal à recruter des travailleurs qualifiés. En 2022, cela a coûté 7,2 milliards de dollars à l’industrie en raison des livraisons en retard ou des contrats perdus.
On observe la même chose dans le secteur de la restauration. En mars 2023, Statistique Canada faisait état d’un taux de postes vacants de 7,6 %. Comme l’a dit Kelly Higginson, présidente de Restaurants Canada :
Il est très difficile de trouver des chefs qualifiés. S’il faut les payer plus cher pour les attirer, ça se reflète forcément sur les prix au menu.
Cette crise est alimentée par plusieurs facteurs : une population vieillissante, une baisse des taux de natalité et un système de formation qui n’arrive pas à garder le rythme. Il faut agir rapidement et adopter des politiques vigoureuses, qui vont bien au‑delà des modestes réformes sur la mobilité que propose le projet de loi C-5.
(1600)
Ironiquement, si on ne s’attaque pas à la pénurie de travailleurs qualifiés, ces changements risquent tout simplement d’intensifier la concurrence entre les provinces pour attirer les travailleurs des autres provinces. Je ne crois pas que ce soit l’intention de ce projet de loi. Cependant, cela pourrait très bien en être la conséquence.
[Traduction]
Chers collègues, la partie 1 de ce projet de loi part d’une bonne intention, mais représente en fin de compte un modeste geste symbolique au lieu des mesures audacieuses et complètes dont notre marché du travail a besoin et que nos défis économiques exigent. Ce projet de loi n’est pas ce qu’on prétendait qu’il serait, et c’est regrettable.
La partie 2 du projet de loi édicte la Loi visant à bâtir le Canada, qui simplifie le processus fédéral d’approbation des projets d’infrastructure et d’exploitation des ressources d’importance nationale. Elle permet au gouverneur en conseil de désigner les projets qui sont dans l’intérêt national, de les soumettre à un seul examen fédéral coordonné et de considérer que des autorisations ont été accordées en vertu des lois existantes, sous réserve des conditions établies dans un seul document sur les conditions délivré par un ministre désigné.
C’est là que cela devient intéressant, chers collègues. Les conditions mentionnées dans le document sont tirées des 12 lois fédérales et des 7 règlements énumérés dans l’annexe 2 du projet de loi C-5. Pourtant, la première version du projet de loi donnait au Cabinet le pouvoir unilatéral d’ajouter ou de modifier dans l’annexe, ou de supprimer de celle-ci, n’importe lesquels de ces lois et de ces règlements. Elle habilitait également le Cabinet à exempter tout projet d’intérêt national de toute partie de ces lois ou règlements. Au titre de l’article 23, le Cabinet pouvait aller encore plus loin en prenant des règlements pour déroger à toute disposition du projet de loi C-5 ou la modifier. Autrement dit, par l’entremise du projet de loi C-5, le gouvernement a tenté de se donner de vastes pouvoirs pour exempter les projets d’intérêt national de l’application de toute loi ou de tout règlement, ou pour modifier l’application des lois ou des règlements, y compris les dispositions de la Loi visant à bâtir le Canada.
Avant d’être amendé, le projet de loi n’était qu’un grand décret, qui donnait carte blanche au Cabinet pour faire ou ne pas faire à peu près tout ce qu’il voulait en vue d’autoriser un projet. Heureusement, chers collègues, le gouvernement libéral ne détient pas la majorité des sièges à la Chambre des communes. Comme le sénateur Yussuff l’a expliqué si bien dans son discours, 25 amendements ont été apportés par le comité et 3 ont été adoptés lors de la troisième lecture, rognant ainsi les ailes au gouvernement et restreignant les pouvoirs exécutifs excessifs qu’il voulait s’attribuer.
Un comité d’examen parlementaire est désormais tenu de faire rapport deux fois par an sur l’exercice, par le ministre et le Cabinet, des pouvoirs et des fonctions que leur confère cette loi. La notion d’« intérêt national » devra désormais être définie pour chaque projet, au lieu de rester vague et ambiguë. Avant qu’un projet d’intérêt national puisse être ajouté à l’annexe 1, une période de préavis de 30 jours est prévue, qui comprend la publication du nom et de la description du projet dans la Gazette du Canada. Des lignes directrices sur les conflits d’intérêts ont également été introduites. Un registre public doit être établi pour les projets nationaux, dans lequel on trouvera, entre autres renseignements, une description du projet, une estimation des coûts et l’échéancier envisagé pour la réalisation du projet. Un examen lié à la sécurité nationale a été rendu obligatoire en cas d’investissements provenant d’entreprises d’État étrangères ou d’investisseurs étrangers destinés à un projet d’intérêt national. Une consultation significative des peuples autochtones a une fois de plus été rendue obligatoire, et le processus ainsi que ses résultats doivent être mis à la disposition du public dans les 60 jours. Il n’est plus nécessaire de se contenter des non‑réponses des ministres à la période des questions pour savoir qui a été ou n’a pas été consulté et où est allé l’argent. Il est désormais interdit au gouvernement de contourner ou de modifier les exigences énoncées dans 17 lois du Parlement, dont la Loi sur les Indiens, la Loi sur les langues officielles et le Code criminel.
Quand on lit toute la liste, on voit à quel point il est bizarre que le gouvernement ait voulu se donner le pouvoir unilatéral de contourner les dispositions de ces lois et toute autre disposition législative. Les amendements ont enlevé au Cabinet le pouvoir d’exempter un projet d’intérêt national de certaines dispositions du projet de loi C-5. Ils ont enlevé au Cabinet le pouvoir de modifier les dispositions du projet de loi C-5 après leur adoption en « modifiant l’application de toute disposition de la présente loi [...] ». La dernière chose que je mentionnerai — même si j’aurais bien d’autres choses à dire —, c’est que le ministre devra maintenant publier un rapport annuel sur l’état d’avancement des projets d’intérêt national, indiquant les progrès réalisés par rapport aux échéanciers et aux budgets.
Honorables collègues, tous ces amendements étaient nécessaires. Ce sont des amendements raisonnables, mesurés et responsables, mais ils n’auraient jamais été proposés si on avait laissé au gouvernement le soin de le faire. On les a adoptés parce que, au bout du compte, la Chambre des communes a fait son travail. Le gouvernement avait l’intention de faire adopter un projet de loi qui lui aurait donné d’énormes pouvoirs exécutifs. Si vous avez une impression de déjà-vu, ce n’est pas le fruit de votre imagination. Ce n’est pas la première fois que le gouvernement agit de la sorte. Il semble croire qu’il devrait pouvoir gouverner sans être entravé par la surveillance parlementaire.
Vous vous rappellerez sans doute qu’il a essayé d’user de la même tactique en mars 2020, au début de la pandémie de COVID-19. Dans le cadre de son programme d’aide d’urgence initial, le gouvernement avait présenté un avant-projet de loi qui comprenait une disposition accordant au ministre des Finances des pouvoirs étendus pour dépenser les deniers publics, augmenter l’emprunt et modifier la fiscalité sans l’accord du Parlement jusqu’au 31 décembre 2021. Il voulait que nous lui donnions carte blanche afin de pouvoir contourner la surveillance parlementaire et le processus parlementaire pendant 21 mois.
Cette attitude et cet état d’esprit sont comme un cancer pour ce gouvernement : il entre en rémission peu avant les élections, puis la maladie resurgit dès qu’il pense que personne ne fait attention ou qu’il estime qu’une crise nationale ou une situation d’urgence est une raison valable. Rien ne vaut un gouvernement à la recherche d’une bonne crise.
Je crains que cela ne trahisse le profond malaise du Parti libéral à l’égard de la reddition de comptes et sa conviction que l’examen démocratique est un obstacle à gérer et non un principe à respecter. Si vous doutez de mes propos, chers collègues, j’attire votre attention sur le fait qu’en ce moment même, on nous demande d’approuver cette loi alors que le gouvernement n’a pas été en mesure de nous fournir le budget correspondant à sa mise en œuvre. Ces questions sont très sérieuses, chers collègues.
Cela ne serait peut-être pas alarmant en soi, mais il faut se rappeler, comme l’a fait remarquer la sénatrice Marshall au Sénat, que nous manquons déjà d’informations sur la santé financière du pays. Nous n’avons toujours pas reçu le rapport sur la gestion de la dette pour 2023-2024, ni le budget de cette année, ni la stratégie d’emprunt. Malgré cela, le gouvernement s’attend maintenant à ce que nous approuvions une mesure législative qui exigera encore plus de financement. C’est pour le moins préoccupant.
Chers collègues, je dois souligner l’éléphant dans la pièce. Le projet de loi est nécessaire pour une raison principale : les échecs du gouvernement au cours de la dernière décennie. Cela fait 10 ans que le gouvernement adopte des lois anti-développement, comme les projets de loi C-69 et C-48, au sujet desquels nous avons lancé maints avertissements en soulignant qu’ils freineraient les investissements, torpilleraient les projets et plomberaient la croissance économique. Il les a quand même adoptés et a poursuivi sa lancée. Ses politiques ont tellement compliqué le processus d’approbation des projets au Canada qu’il estime que la seule solution consiste à rédiger une nouvelle loi pour se soustraire aux règles qu’il a lui-même créées, car il serait trop embarrassant d’abroger les lois qui ont causé les dommages en premier lieu.
Le gouvernement a mis en place ces barrières réglementaires — et nous les avons adoptées au Sénat —, puis il a demandé un passe-partout pour imposer les conditions qui ont conduit à l’annulation de plus de 670 milliards de dollars de projets dans les secteurs de l’énergie et des ressources depuis 2015. Maintenant, avec le projet de loi C-5, le gouvernement fait de la gestion de crise et cherche désespérément à ramener des promoteurs et des investisseurs à la table des discussions afin d’atténuer les conséquences de l’immense gâchis qu’il a créé.
Soyons clairs, chers collègues : les conservateurs de la Chambre des communes ont appuyé le projet de loi C-5 parce que le Canada doit de toute urgence faire avancer de grands projets. J’ai également l’intention d’appuyer le projet de loi parce que les enjeux sont élevés et que les besoins sont importants. La responsabilité de mettre en œuvre le projet de loi de manière judicieuse, efficace, rapide et transparente incombe directement au gouvernement, mais aussi au Parlement. Les Canadiens veulent voir des progrès réels et ils en ont besoin. Ils ont besoin de résultats concrets qui ont une incidence réelle, et non de paroles creuses et de communiqués de presse. Ils en ont assez des belles promesses et du théâtre politique. Ils veulent des mises en chantier, de la création d’emplois et l’élimination des obstacles.
Chers collègues, en résumé, nous sommes en crise. Le sénateur Yussuff a tout à fait raison : le pays et le Parlement doivent se mobiliser. Cependant, je dois souligner que nous traversons une crise qu’a créée le gouvernement au cours des 10 dernières années. La crise actuelle est en grande partie attribuable à la création de tracasseries administratives, à l’enthousiasme du gouvernement pour l’environnement ainsi qu’à la mise en place de projets de loi comme les projets de loi C-69 et C-48 et d’autres mesures réglementaires qui ont découragé l’exploitation des ressources canadiennes. La stagnation économique du pays des 10 dernières années a permis à des gens comme Donald Trump de profiter de notre faiblesse et de notre docilité, et ce n’est qu’à ce moment-là que la situation s’est transformée en crise. Si nous avions libéré le potentiel de nos ressources naturelles et si nous nous étions souciés de créer de la richesse au cours de la dernière décennie, nous n’aurions pas une crise sur les bras à cause de Donald Trump.
(1610)
Au cours des 10 dernières années, nous avons eu un gouvernement qui, sous l’influence de Chrystia Freeland et de Steven Guilbeault, s’est montré très enthousiaste en matière d’environnement. Aujourd’hui, sous la direction du premier ministre Carney, nous sommes optimistes, mais sceptiques, car vous savez quoi? La ministre Freeland et le ministre Guilbeault sont toujours là.
La sénatrice Batters : Les mêmes.
Le sénateur Housakos : Je n’arrive pas à croire que, soudainement, tout ce beau monde a troqué son enthousiasme excessif pour l’environnement contre un enthousiasme excessif pour le développement énergétique. Nous verrons bien comment les choses évolueront. Au bout du compte, quand viendra le temps d’édifier la nation, nous verrons si ce nouveau gouvernement — avec son bon vieux Cabinet — s’engagera à mettre en œuvre les grands projets d’intérêt national et à développer le secteur de l’énergie avec le même zèle fanatique dont il a fait preuve pendant la dernière décennie à l’égard de l’environnement.
Sénateur Yussuff, lorsque vous dites que le gouvernement fera preuve de bon sens et qu’en fin de compte, il n’imposera pas de projets, je suis également préoccupé. Il respectera les Premières Nations et les lignes directrices en matière environnementale, mais il imposera des projets lorsque ce sera dans l’intérêt supérieur du pays. Lorsque j’entends une telle déclaration, cela m’inquiète un peu, car, je le répète, nous ne pouvons pas vraiment évaluer la direction que prendra le gouvernement. Va-t-il faire preuve d’une bonne volonté qui, comme nous le croyons et comme je le crois, a été imposée au premier ministre Carney par des élections générales, où des millions et des millions de Canadiens ont voté pour le changement? Le gouvernement veut-il tourner le dos à une décennie de tracasseries administratives et de faux-fuyants, tant pour les projets que pour les investissements étrangers et le développement énergétique, en utilisant cette crise comme prétexte? Je veux tourner la page en vertu du principe de l’édification de la nation. L’édification de la nation ne doit pas reposer sur une crise existentielle qui nous est imposée par un président trop zélé ou je ne sais qui. Elle doit reposer sur une volonté constante de progresser pour rendre ce pays plus fort et plus riche, pour jeter les bases sur lesquelles nous pouvons construire une nation dont les Premières Nations sont partie intégrante et des partenaires égaux, tout en respectant les lignes directrices en matière environnementale. Nous devons retrouver un semblant d’équilibre, que je pense avoir perdu au cours de la dernière décennie.
Je suis un porte-parole bienveillant de ce projet de loi, que nous allons appuyer. Nous abordons l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement avec beaucoup d’espoir — bien qu’on y retrouve encore les mêmes ministres —, parce qu’il faut répondre aux aspirations, que le pays est à un tournant de son histoire et qu’il n’est pas possible de revenir en arrière.
Soyons clairs : le projet de loi à l’étude n’est pas une mesure législative remarquable. Elle n’a rien de remarquable ni de législatif, en fait; elle est carrément politique. À l’approche de l’élection, le gouvernement a annoncé que certains changements seraient faits pour le 1er juillet, ce qui n’était qu’un exercice de relations publiques. Le premier ministre nous dit, en fait, de lui faire confiance, que l’objectif est de créer plus d’unité au sein du pays et qu’il va y arriver.
Je vais garder l’esprit ouvert. Le groupe de l’opposition va garder l’esprit ouvert. D’ailleurs, vous avez vu les députés de l’opposition voter et contribuer de manière constructive à l’élaboration du projet de loi à l’autre endroit. Ils ont l’esprit ouvert. Cependant, le succès ou l’échec de cette mesure législative repose sur les épaules du premier ministre. Aura-t-il la volonté politique de mettre en œuvre toutes les mesures prévues dans le projet de loi? Si oui, je serai le premier à grimper sur les toits pour le féliciter et crier dans un mégaphone : « Félicitations. Notre pays et le processus d’édification nationale sont sur la bonne voie. » S’il déçoit les Canadiens à ce stade, par contre, il y aura un prix politique à payer.
Chers collègues, nous allons adopter le projet de loi. Cela n’est pas nouveau. La Chambre élue nous a donné un mandat clair. Elle s’attend à ce que le projet de loi soit adopté, sans amendement, et à ce qu’il entre en vigueur d’ici le 1er juillet. Cela dit, nous revoilà aux prises avec une mesure législative de nature politique administrée par un premier ministre qui, nous l’espérons, fera ce qui est juste.
Je terminerai en disant ceci, chers collègues. J’ai étudié très attentivement le projet de loi. Je travaille avec bon nombre d’entre vous au sein de cette institution depuis de nombreuses années. Soyons clairs : si c’était un gouvernement conservateur qui présentait le projet de loi, bon nombre d’entre vous voteraient contre, déchireraient leur chemise avec indignation et l’amenderaient à n’en plus finir. Heureusement, c’est un gouvernement libéral qui le présente et nous l’appuyons sans réserve, de même que, je pense, la plupart des sénateurs présents dans cette enceinte. Merci, chers collègues.
Des voix : Bravo!
L’honorable Patrick Brazeau : Sénateur Housakos, je me préparais à aborder la rencontre avec les dirigeants autochtones en juillet, et j’avais l’intention de poser ma question au parrain du projet de loi tout à l’heure, mais je n’ai pas eu le temps. Permettez-moi d’utiliser le temps dont je dispose en faisant preuve de créativité.
Pensez-vous qu’il serait important que l’opposition au Sénat demande au parrain du projet de loi quel est l’objectif exact de cette rencontre avec les organisations autochtones? Je pose cette question parce que j’ai été à la tête de l’une des cinq organisations nationales, lesquelles sont toutes financées par le gouvernement du Canada. Nombre de ces organisations sont financées pour coopérer avec le gouvernement.
Ne serait-il pas important d’obtenir des éclaircissements sur la raison pour laquelle la rencontre sera fera avec elles, puisque ces cinq organisations autochtones canadiennes ne sont détentrices d’aucun droit et sont plutôt des organisations de lobbying politique? Hypothétiquement, que se passera-t-il si un projet du gouvernement du Canada touche le peuple algonquin? Eh bien, l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis, le Congrès des peuples autochtones, l’Inuit Tapiriit Kanatami et l’Association des femmes autochtones du Canada ne représentent pas le peuple algonquin. Pensez-vous qu’il est important que l’opposition au Sénat demande des éclaircissements sur la nature exacte du processus de consultation qui aura lieu le 17 juillet? Est-ce que cela contribue réellement au processus pour les vraies Premières Nations du Canada?
Le sénateur Housakos : Je vous remercie de votre question. Il est évident que le gouvernement est le mieux placé pour y répondre. La seule chose que je peux supposer, c’est que le gouvernement mène de vastes consultations. Je suis très déçu d’apprendre qu’il n’a invité que des associations et non des représentants des Premières Nations. Il s’agit probablement d’une manœuvre politique, mais, comme je l’ai dit, ce n’est qu’une supposition de ma part.
Comme on l’a vu dans les amendements apportés à l’autre endroit concernant la Loi sur les Indiens — et je soupçonne que quelques autres amendements seront proposés au Sénat —, les premiers peuples jouent un rôle central dans l’exploitation des ressources canadiennes et dans le respect des terres de notre pays. Il faut donc mener des consultations approfondies.
En examinant la structure actuelle du projet de loi C-5, on constate qu’il repose sur le bon vouloir du gouvernement d’en arriver à des ententes avec les diverses Premières Nations, selon la région du pays et le type de projet d’infrastructures dont il est question.
Vous siégez au Sénat depuis aussi longtemps que moi, c’est-à-dire depuis très longtemps. Peu importe l’allégeance politique, je suis toujours méfiant quand il faut compter sur le bon vouloir des gouvernements sans aucune pression législative ni aucun contrôle parlementaire. Je ne sais pas si cela répond à votre question. J’espère que le gouvernement fera mieux que moi à cet égard.
(La séance du Sénat est suspendue.)
(Le Sénat reprend sa séance.)
(1640)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je tiens à remercier tout le monde d’avoir agi rapidement, en particulier le personnel d’urgence et de sécurité.
Nous poursuivons le débat sur le projet de loi C-5.
L’honorable Marilou McPhedran : Le sénateur Housakos accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Housakos : Bien sûr.
La sénatrice McPhedran : Merci. Ma question porte sur l’analyse des risques que vous avez pu effectuer au sujet du projet de loi, sénateur Housakos, et elle est également liée à la lettre de garantie que nous avons reçue du ministre LeBlanc.
À mon avis, les différentes consolidations des pouvoirs décisionnels entraînent un risque majeur. Un seul ministre — dont le nom n’est pas encore connu —, dans la partie 1, puis à nouveau dans la partie 2, se voit conférer le pouvoir exclusif de publier un document autorisant un « projet d’intérêt national ». Par exemple, la publicité de ce document relève, là encore, de la seule décision du ministre. Cela risque donc d’empêcher l’accès à l’information par les citoyens, les contribuables canadiens et, sans doute, les parlementaires.
On nous demande d’adopter le projet de loi sans consultations sérieuses et sans savoir quel ministre en sera responsable. Ma question est la suivante : appuyez-vous également cette concentration des pouvoirs et l’absence de précision quant à la prise de décision par un ministre qui n’est pas désigné nommément?
Le sénateur Housakos : Je vous remercie de votre question, sénatrice McPhedran. C’est bien sûr quelque chose qui me préoccupe, comme je l’ai souligné dans mon discours.
Selon notre analyse de la situation, il semble que, du moins à l’heure actuelle, il existe une volonté politique de faire avancer les projets d’infrastructure et d’énergie, et ce, pour la première fois depuis dix ans.
Tout comme vous, nous trouvons excessif qu’une telle concentration de pouvoir décisionnel soit confiée à un seul ministre ou même à un petit groupe de ministres. En effet, la réussite de ces projets dépendra en grande partie de la capacité à rassembler des groupes très divers, allant des groupes environnementaux aux Premières Nations en passant par les investisseurs.
Au cours de la dernière décennie, nous avons vu à quel point les investisseurs peuvent être inflexibles. Selon un témoin que nous avons entendu, les investisseurs ne veulent aucune entrave à la croissance de leurs capitaux, sinon ils les investiront ailleurs.
Nous devons composer avec divers facteurs extrêmement différents et un gouvernement qui n’a pas réussi à les concilier depuis plus d’une décennie. Au contraire, il a réussi à creuser un fossé tel que la confiance à l’égard des investissements dans le secteur énergétique et dans les infrastructures est très faible au Canada.
Comme je l’ai dit, je suis optimiste, mais sceptique, quant à la capacité du premier ministre à mener à bien ce projet sans aucune surveillance parlementaire, ou presque. Il y en a maintenant, grâce aux amendements qui ont été apportés, mais au départ, il n’y en avait pratiquement pas. Nous partageons ces préoccupations, merci donc pour votre question.
(1650)
Je tiens également à remercier le sénateur Ravalia. Quelle chance nous avons dans cette assemblée d’avoir le Dr Ravalia parmi nous. Merci d’être toujours là pour nous tous.
Recours au Règlement—Report de la décision de la présidence
L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, j’invoque le Règlement concernant la mise aux voix du projet de loi C-5, et plus particulièrement, le processus par l’entremise duquel le Sénat sera appelé à se prononcer en définitive à l’étape de la troisième lecture.
Votre Honneur, après avoir consulté mes collègues parlementaires ainsi que des dirigeants autochtones et de la société civile, et grâce aux efforts déployés par l’équipe de mon bureau et le Bureau de la procédure et des travaux de la Chambre, je prends la parole aujourd’hui pour effectuer ce recours au Règlement et vous demander de déterminer la manière dont le Sénat devrait mettre aux voix ce projet de loi.
Je reconnais que le Président de l’autre endroit avait davantage de précédents sur lesquels s’appuyer lorsqu’il a pris la décision d’autoriser la tenue de deux votes à l’égard de ce projet de loi : l’un sur la partie 1, et l’autre sur la partie 2. Ce projet de loi constitue une proposition législative complexe composée de deux éléments distincts n’ayant aucun lien entre eux.
Dans sa présentation actuelle, le projet de loi oblige les sénateurs à se prononcer une seule fois pour ou contre l’ensemble de ses dispositions. Cette approche pose problème sur le plan procédural et place les sénateurs dans une situation intenable, en particulier ceux qui en appuient une partie, mais s’opposent à l’autre.
Votre Honneur, je vous demande de bien vouloir tenir compte du fait qu’une décision a été rendue le 5 novembre 2013 — il y a donc au moins un précédent au Sénat — en réponse à une demande officielle présentée par une sénatrice et que le Président s’est prononcé sur la possibilité de diviser la motion du gouvernement no 5 aux fins du vote. Ce faisant, le Président a confirmé qu’il existe, en procédure parlementaire, une pratique qui autorise la division d’une question complexe aux fins d’un vote sur les différents éléments de la motion. Cela permet de mieux sonder l’opinion de la Chambre, mais on ne peut procéder ainsi que si la motion renferme deux propositions distinctes ou plus qui, si elles font l’objet de décisions séparées, seront cohérentes.
Dans ce cas, le Président a exercé le pouvoir qui lui est conféré par l’article 1-1(2) du Règlement du Sénat, qui permet de recourir aux procédures employées dans d’autres Chambres parlementaires. Je demande donc respectueusement à la Présidente de déterminer si son pouvoir inhérent d’interpréter et d’assurer l’équité des travaux du Sénat lui permet, sur le plan procédural, d’autoriser la tenue de deux votes à l’étape de la troisième lecture, sur deux questions correspondant aux deux parties distinctes du projet de loi : la partie 1 et la partie 2.
Il ne s’agit pas ici de demander que le projet de loi soit scindé, ni de modifier ou retarder le processus législatif. Il s’agit plutôt de veiller à ce que la volonté de notre assemblée s’exprime clairement et sans ambiguïté au sujet de chaque partie d’une proposition complexe.
L’honorable David M. Wells : Chers collègues, je ne pense pas que l’on puisse considérer qu’il s’agit d’un recours au Règlement. Il serait peut-être plus approprié de voter sur le projet de loi de la manière suggérée par la sénatrice McPhedran dans le cadre d’une motion en troisième lecture, mais je ne pense pas que cela relève du Règlement.
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Je ne veux pas entrer dans les détails du rappel au Règlement. Comme le sénateur Wells, je ne pense pas qu’il y ait matière à invoquer le Règlement, Votre Honneur, car nous sommes encore au début de la deuxième lecture. Nous ne sommes pas encore à l’étape du vote. Il est prématuré d’invoquer le Règlement au sujet d’un vote qui n’a pas encore eu lieu.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : J’interviens au sujet du rappel au Règlement. Je crois que le changement proposé n’est pas approprié sur le plan procédural.
Selon la motion de programmation adoptée par le Sénat le 12 juin 2025, le projet de loi ne peut pas être renvoyé à un comité permanent. La motion proposait, en effet, qu’« aucune motion visant à renvoyer le projet de loi à un comité ne soit reçue ». Elle proposait aussi ce qui suit :
[que] sous réserve des dispositions des points 14 et 15, si le projet de loi est adopté à l’étape de la deuxième lecture, il soit inscrit à l’ordre du jour pour une troisième lecture à la prochaine séance du Sénat;
Comme l’a établi le cinquième rapport du Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, adopté par le Sénat le 6 avril 2017, et comme le Président Furey l’a souligné dans une décision rendue le 15 juin 2017, il faut procéder d’une manière spécifique quand on propose de diviser un projet de loi.
Comme le rappel au Règlement m’a pris par surprise, je dois organiser un peu mes idées, j’espère que vous me le pardonnerez. Il n’existe aucune règle au Sénat — à ma connaissance — concernant la division des projets de loi. Il existe toutefois des règles à la Chambre des communes, comme le rappel au Règlement le souligne à juste titre.
De plus, le Sénat, qui est maître de ses procédures, a adopté une motion prévoyant que le projet de loi fasse l’objet d’un vote final au plus tard le 27 juin à 17 h 15. Par conséquent, pour plusieurs raisons, la procédure proposée n’est pas la voie à suivre. Je m’oppose à ce rappel au Règlement, et j’estime qu’il est, en soi, irrecevable.
Son Honneur la Présidente : Je remercie le sénateur d’avoir soulevé cette question, et je vais certainement en tenir compte. Je remercie également nos collègues qui sont intervenus.
[Français]
Je vais prendre la question en délibéré et vous revenir sous peu.
[Traduction]
Deuxième lecture—Débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénatrice Petten, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada.
L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada. Toutefois, aujourd’hui, je prends la parole hantée, en quelque sorte, par le spectre d’un projet de loi que nous avons adopté au Sénat en 2019, soit le projet de loi C-69. On pourrait dire que, depuis que je siège au Sénat, je ressens la présence menaçante du projet de loi C-69.
La première fois que j’ai pris la parole au Sénat était le 16 octobre 2018, c’est-à-dire le jour de mon assermentation. Il est certainement inhabituel pour un sénateur de prendre la parole dès son premier jour au Sénat, mais le jour de mon assermentation coïncidait avec la présence d’Amarjeet Sohi, qui était alors ministre des Ressources naturelles, pour la période des questions avec un ministre. Je connaissais le ministre Sohi depuis des années parce qu’il était conseiller municipal d’Edmonton à l’époque où j’étais chroniqueuse urbaine à l’Edmonton Journal et je tenais, non seulement à le saluer, mais aussi à lui poser une question expressément sur le projet de loi C-69, qui modifiait la Loi sur l’évaluation d’impact et qui était extrêmement controversé en Alberta.
Quand j’ai dit à la greffière que je voulais poser une question — à peine quelques minutes après mon assermentation et avant de me joindre à un groupe —, elle a ri et m’a répondu que cela ne serait probablement pas possible. Toutefois, pour me faire plaisir, elle a inscrit mon nom tout en bas de la liste des sénateurs souhaitant poser des questions. J’ai été aussi surprise que ravie lorsque le Président, George Furey, m’a autorisée à poser la toute dernière question de l’après-midi. Je cherchais à savoir si la notion d’évaluation d’impact dans le projet de loi C-69 tiendrait compte des répercussions en aval de la consommation des combustibles fossiles.
Quand j’ai prononcé mon premier discours au Sénat trois semaines plus tard, je n’ai pas abordé un sujet personnel comme ma famille ou mon parcours professionnel. J’ai plutôt choisi de parler du projet de loi C-69.
Le projet de loi visait à rendre plus fiable l’approbation de nouveaux projets d’envergure, tels que les lignes de transport d’électricité interprovinciales, les pipelines, l’agrandissement des ports et les voies ferrées. Rappelons-nous qu’il y avait eu un problème avec des projets d’envergure qui avaient franchi la plupart des étapes du processus d’évaluation environnementale, mais qui avaient été bloqués à la dernière minute parce que ces évaluations avaient été contestées devant les tribunaux. Les promoteurs des projets demandaient de meilleures garanties dès le départ afin de ne pas se faire couper l’herbe sous le pied à la dernière minute. Parallèlement, les peuples autochtones et les groupes de défense de l’environnement réclamaient une meilleure consultation afin que leurs voix et leurs préoccupations soient prises en compte pendant le processus, et non à la toute fin.
Dans mon discours liminaire au Sénat, j’ai déclaré :
Il faut mettre en place un processus plus efficace, plus transparent et plus souple pour approuver les nouveaux projets de pipeline. Il faut aussi instaurer un régime de réglementation efficace et efficient, qui donne aux investisseurs une certaine assurance quant à la réalisation des projets.
(1700)
J’ai poursuivi ainsi :
Cela ne signifie toutefois pas qu’il faut faire fi des préoccupations environnementales ou bafouer la souveraineté autochtone. En effet, la seule manière de pouvoir créer un système de réglementation qui favorise la confiance des investisseurs est de mettre sur pied un modèle ouvert, global et compréhensible qui assure la protection de l’environnement et veille au respect des Premières Nations et des Métis, qui demeurent nos partenaires au sein de ce processus de collaboration.
C’était vrai en novembre 2018, et ce l’est tout autant aujourd’hui. Malheureusement, le projet de loi C-69, la Loi sur l’évaluation d’impact, n’est jamais devenu ce modèle. Et je crains fort que le projet de loi C-5 ne nous permette pas non plus d’atteindre cet objectif. Après tout, le projet de loi C-5 est censé faire ce que le projet de loi C-69 devait faire : donner d’emblée de la clarté aux promoteurs et donner véritablement voix au chapitre aux communautés des Premières Nations, inuites et métisses.
Mais je crains que dans notre empressement à « corriger » les dispositions découlant du projet de loi C-69 — qui, rappelons-le, était censé corriger la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012 du gouvernement Harper —, nous ne nous retrouvions finalement au point de départ, avec les voix autochtones marginalisées et les préoccupations environnementales mises de côté. Ce n’est pas seulement un problème pour l’honneur de la Couronne et l’avenir de l’environnement. Loin de donner des certitudes aux promoteurs de projets, cela pourrait simplement alimenter davantage de contestations judiciaires, de protestations et de confusion. Les raccourcis entraînent de longs retards. Le projet de loi C-5 pourrait mal tourner et bloquer des projets dont nous avons réellement besoin.
Le projet de loi C-69 n’a certainement pas été adopté à toute vapeur par le Sénat. Après en avoir longuement débattu, nous l’avons renvoyé au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles pour une étude approfondie. Nous avons entendu des centaines de témoins des secteurs de l’énergie, des mines et des transports, de groupes environnementaux, de nations et d’organisations autochtones, ainsi que des premiers ministres provinciaux, des universitaires et des analystes de l’industrie. Nous avons tenu des audiences publiques partout au pays : à Vancouver, Calgary, Fort McMurray, Saskatoon, Winnipeg, St. John’s, Halifax, Saint John et Québec.
Lorsque je dis « publiques », je veux vraiment dire « publiques ». À Calgary, nous avions été interrompus par des manifestants qui craignaient que le projet de loi ne paralyse l’économie énergétique de l’Alberta. À Winnipeg, des manifestants écologistes et autochtones avaient interrompu les audiences pendant un certain temps, défilant dans la salle de réception de l’hôtel où nous nous réunissions.
Puis, ce fut le moment des amendements. Je me rappelle avoir regardé avec un certain émerveillement, en tant que nouvelle sénatrice, les sénateurs Howard Wetston et Yuen Pau Woo mettre en pièces le projet de loi, qui était un véritable désastre, et le reconstruire avec une certaine logique.
En fin de compte, le Sénat a adopté 188 amendements au projet de loi, et le gouvernement en a accepté 99, en tout ou en partie. Même après ces amendements, la loi comportait encore de graves lacunes. La Cour suprême du Canada a déclaré inconstitutionnelles dans une large mesure les parties qui portaient sur les grands projets dans une seule province. Cette loi a été critiquée, à tort ou à raison, pour la rareté apparente des grands projets approuvés depuis son entrée en vigueur.
Le projet de loi C-5, bien sûr, tente de « corriger » cette situation en permettant au gouvernement de désigner à l’avance certaines propositions comme des projets d’intérêt national. Une fois qu’un projet est préalablement désigné comme projet d’intérêt national, le projet de loi permettrait d’en accélérer le processus d’approbation environnementale et réglementaire. Si les choses n’avancent pas assez vite, eh bien, le projet de loi donnerait au superministre responsable des projets d’intérêt national le pouvoir de passer outre aux exigences d’une longue liste de lois, comme la Loi sur les pêches, la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, la Loi maritime du Canada ou la Loi sur l’évaluation d’impact elle-même. Ce sont les lois mêmes qui visent à protéger notre environnement.
Comme l’a mentionné le sénateur Housakos, juste avant d’ajourner pour l’été, nos collègues de l’autre endroit ont adopté quelques amendements intelligents de dernière minute qui limitent le pouvoir du superministre de faire fi d’autres textes législatifs, notamment de la Loi sur les Indiens et du Code canadien du travail. Ils ont ajouté des amendements visant à améliorer la transparence du processus et à nous garantir que les provinces et les territoires seront pleinement consultés. Ils ont supprimé les éléments les plus problématiques et les plus manifestement abusifs de la disposition de délégation législative, qui auraient conféré au gouverneur en conseil des superpouvoirs considérables et inacceptables.
Cette version du projet de loi C-5 est donc meilleure que l’originale, mais elle reste profondément imparfaite. Le projet de loi déplace encore le processus d’autorisation en amont, en demandant une consultation et un accord avec les parties concernées pour désigner un projet comme étant d’intérêt national avant que les évaluations des effets sur l’environnement et des autres effets ne soient réalisées. Ce jugement préalable pourrait être problématique si un projet se voyait désigné comme projet d’intérêt national et que les experts apprenaient par la suite qu’il pourrait présenter un risque majeur pour une aire de mise bas des baleines, les aires de nidification d’un oiseau rare et menacé ou une nappe phréatique.
Je crains également que la désignation d’un projet comme projet d’intérêt national n’entache, en soi, l’indépendance de l’évaluation environnementale, puisque le projet jouirait d’un statut spécial.
Par ailleurs, la rapidité avec laquelle ce projet de loi a été adopté par le Parlement a, en soi, nui aux relations de confiance durement acquises avec les Premières Nations, les Inuit et les Métis. Au cours de la dernière décennie, nous avons déployé tant d’efforts pour favoriser la réconciliation. Or, cette mesure législative semble faire fi d’une grande partie de ces efforts.
Nous aurions dû être autorisés à débattre et à analyser davantage ce projet de loi. Nos audiences en comité plénier ont été utiles, mais nous aurions dû renvoyer une mesure législative aussi importante au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles et au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones pour qu’ils l’étudient comme il se doit. J’aurais au moins souhaité que nous ayons la possibilité, sans contrainte politique, d’apporter nos propres amendements. Au lieu de cela, on nous a acculés au pied du mur en nous renvoyant le projet de loi après l’ajournement de la Chambre des communes.
Le gouvernement dit qu’il souhaite qu’on ne se demande plus si on devrait réaliser des projets essentiels à l’édification de la nation, mais plutôt comment on pourrait les réaliser. Il est vrai que, parmi les nombreuses conditions préalables exigées par le projet de loi C-69, certaines semblaient avoir été délibérément conçues comme des excuses pour ne rien réaliser nulle part. Je crains cependant que nous soyons maintenant en train de surcorriger la situation en accélérant la réalisation de mégaprojets qui ne sont peut-être pas dans l’intérêt de la population locale, même s’ils sont d’intérêt national. Franchement, je crains que le sentiment d’urgence qui entoure le projet de loi C-5 ne crée des attentes irréalistes qui pourraient se retourner contre le nouveau gouvernement.
Une partie des beaux discours à propos de ce projet de loi a malheureusement donné l’impression erronée que le gouvernement allait financer lui-même un lot de projets d’intérêt national, qu’il allait utiliser cette loi pour régler le problème de l’isthme de Chignecto, construire un pipeline jusqu’à Prince Rupert, installer une nouvelle voie ferrée jusqu’à Churchill ou bâtir une nouvelle route toutes saisons jusqu’à Norman Wells. Quand il apparaîtra clairement qu’aucun financement fédéral n’accompagne ce projet de loi, je pense qu’il y aura probablement des déçus et un retour de manivelle politique.
Soyons clairs. Le père Noël n’existe pas. Il n’y a pas de « Pink Pony Club », comme dans la chanson, où nous allons tous « continuer à danser ». Ce projet de loi n’est pas une boîte à surprises remplie de projets d’infrastructures publiques. Il s’agit avant tout d’un projet de loi qui vise à offrir une plus grande certitude aux promoteurs qui utilisent leurs propres capitaux pour réaliser des projets adaptés aux conditions du marché. Et si ces promoteurs de projets privés estiment que le projet de loi C-5 ne leur apporte pas cette certitude, alors nous nous serons précipités ici pour rien, en foulant aux pieds les droits et les sensibilités des communautés autochtones.
Je voudrais terminer par un message à mes concitoyens albertains, en particulier à ceux qui ont fait du projet de loi C-69 le bouc émissaire pour toutes leurs ambitions contrariées.
Mes amis de l’Alberta, je veux m’adresser directement à vous et aux dirigeants politiques de notre province qui jouent avec le feu en échauffant les séparatistes et les racistes et en jetant de l’huile sur les flammes.
Aux Albertains qui veulent vraiment un pipeline, que ce soit vers le Pacifique ou vers l’est, vous devez accepter certaines réalités difficiles. Aucune entreprise privée ne va risquer des dizaines de milliards de dollars pour construire ce type d’infrastructures nationales si elle pense qu’il y a un risque que l’Alberta fasse sécession. Un pipeline ne sera construit que s’il existe un marché et que les investisseurs ont confiance. Le premier ministre Carney vous accorde ce que vous avez demandé : le rejet du projet de loi C-69. Si vous gaspillez cette occasion en menaçant de diviser le pays, vous le ferez à vos risques et périls.
Quand il s’agira d’édifier la nation, j’espère toutefois que l’imagination des Albertains ne se limitera pas aux pipelines. Que diriez-vous d’un réseau électrique dans l’Ouest qui permettrait à l’Alberta d’avoir un meilleur accès à l’énergie hydroélectrique verte de la Colombie-Britannique et à la Saskatchewan, à celle du Manitoba? Que diriez-vous d’un service ferroviaire de voyageurs reliant Edmonton et Calgary ou d’un réseau de pipelines d’hydrogène bleu permettant d’alimenter des trains, des autobus et des centrales électriques fonctionnant à l’hydrogène?
Il nous faut de nouveaux projets audacieux qui améliorent réellement notre avenir environnemental en rendant notre réseau électrique et nos réseaux de transport plus écologiques. Il nous faut des projets qui autonomisent, emploient et enrichissent les communautés autochtones et qui leur accordent le respect qu’elles méritent, tant sur le plan juridique que moral, comme partenaires à part entière de la Confédération. Il nous faut ces projets pour l’Alberta, pour le Canada et pour notre avenir collectif.
J’aurais aimé que nous ne précipitions pas l’adoption de ce projet de loi. J’aurais aimé qu’on laisse le Sénat procéder à un second examen objectif en bonne et due forme afin que les Canadiens aient l’assurance que le meilleur projet de loi possible a été adopté, de manière à susciter le consensus national qui sera nécessaire si nous voulons vraiment que ces mesures fonctionnent, car en cette période de crise mondiale où les vieilles alliances se défont et où les certitudes économiques sont ébranlées, il faut vraiment rêver grand, réaliser de grands projets et bâtir un pays uni dont la souveraineté s’inscrira dans la pérennité. Je ne sais tout simplement pas si le projet de loi C-5 nous permettra d’y arriver ou si, comme le spectre de l’ancien projet de loi C-69, il reviendra nous hanter en contrecarrant nos ambitions grandioses.
Merci. Hiy hiy.
(1710)
[Français]
L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin de participer au débat à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada. Mon intervention sera brève, mais je souhaite mettre en lumière certains points importants.
La première partie du projet de loi C-5, qui édicte la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada, est sans contredit très attendue. J’accueille favorablement cet important premier pas vers l’élimination de barrières au commerce interprovincial et à la mobilité des travailleurs. Dans ce contexte diplomatique incertain, nous avons une occasion unique de nous unir pour reprendre le contrôle de notre avenir économique. L’unité canadienne est la force que nous avons pour braver vents et marées, d’un océan à l’autre. Je félicite le gouvernement d’avoir proposé d’emblée cette vision pour notre pays et j’ose espérer que, dans un esprit de fédéralisme coopératif, d’autres barrières pourront tomber grâce à un leadership fédéral fort et à la collaboration continue des provinces et territoires.
La semaine dernière, la Chambre de commerce du Canada a fait paraître un document nous invitant à réfléchir aux grands projets sur lesquels notre pays pourrait se pencher pour renforcer sa sécurité et augmenter sa résilience économique. Ces projets passent par l’approvisionnement en minéraux et en matériaux critiques, la coordination stratégique du commerce, la sécurité de nos chaînes alimentaires, l’habilitation commerciale, l’adoption en accéléré de l’intelligence artificielle, l’interopérabilité de la réglementation numérique, les énergies renouvelables, abordables et sécuritaires, la mesure uniforme des émissions de carbone et de conformité, la santé mondiale, la résilience de nos infrastructures et la cybersécurité.
Ces projets sont importants pour la croissance et la productivité de notre pays, alors que nous nous trouvons à un moment décisif de notre avenir. Le projet de loi C-5 nous invite à faire preuve d’ouverture, mais aussi à poser un regard visionnaire quant à la prospérité que nous souhaitons donner au Canada.
Cela dit, je vais maintenant parler de la partie 2 du projet de loi, qui édicte la Loi visant à bâtir le Canada.
[Traduction]
L’objectif de cette loi — accélérer les projets en simplifiant les processus d’approbation — est à la fois louable et opportun. Je pense qu’il peut rallier tous les Canadiens.
Cela dit, la version initialement présentée au Parlement a suscité de vives inquiétudes. Elle accordait un large pouvoir discrétionnaire à l’exécutif pour désigner unilatéralement des projets comme étant d’intérêt national, sans contrôle ni garanties.
Les dispositions des articles 21 à 23 proposés auraient permis au gouvernement de passer outre toute loi et toute réglementation. Le projet de loi n’affirmait pas non plus de façon claire et sans équivoque l’obligation constitutionnelle de consulter les peuples autochtones et il ne faisait pas adéquatement état de la nécessité de respecter les domaines de compétence exclusive des provinces.
Les personnes susceptibles d’être touchées par les décisions doivent avoir leur mot à dire dans le processus. Compte tenu du rôle du Sénat, qui consiste à effectuer un second examen objectif et à protéger les minorités, l’absence de garanties et de contrôle ainsi que la concentration des pouvoirs appellent une attention particulière.
Selon l’interprétation constitutionnelle établie par la Cour suprême dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, nous devrions nous assurer que la proposition législative est conforme aux principes suivants : le fédéralisme, la démocratie, le constitutionnalisme et la primauté du droit, ainsi que le respect des minorités. Ces principes devraient guider notre évaluation globale des droits et obligations constitutionnels qu’implique ce projet de loi.
Dans le contexte du Canada et de notre démocratie, il est difficile d’envisager une situation contemporaine qui justifierait clairement l’octroi de pouvoirs quasi absolus à l’exécutif. En principe, la démocratie suppose un équilibre raisonnable entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Alors que la version initiale du projet de loi semblait soulever des inquiétudes quant à cet équilibre, les amendements ultérieurs représentent une avancée vers la résolution de celles-ci et reflètent un dialogue continu sur la répartition appropriée des pouvoirs dans une société démocratique, y compris en temps de crise.
Croire qu’une crise justifie toutes les mesures exceptionnelles peut créer des précédents dangereux. En tant que législateurs, nous devons rester vigilants et évaluer les propositions législatives au cas par cas. La première version du projet de loi reçue par le Parlement, qui a alimenté notre étude en comité plénier, fait ressortir l’importance pour un Parlement d’exercer ses pouvoirs législatifs avec rigueur et diligence, sans faire abstraction des principes inhérents à notre Constitution.
Les amendements proposés à l’autre endroit sont également rassurants à l’égard d’autres principes constitutionnels, notamment le fédéralisme et le respect des minorités.
[Français]
Je me réjouis de constater que les travaux menés à l’autre endroit ont porté leurs fruits, ce qui permettra d’accroître la surveillance, la transparence et les protections ayant trait à l’environnement, à la santé et aux droits des peuples autochtones dans le cadre de la mise en œuvre du projet de loi.
J’aimerais toutefois relever une omission particulière dans la série d’amendements proposés au sujet du registre public. Il importe d’en faire mention dans cette Chambre, afin que nos débats fassent état de ce constat. Je fais référence aux commentaires que le sénateur Woo a faits tout à l’heure.
La création de nouvelles exigences en vue d’établir un registre public et de divulguer des informations détaillées sur les projets est manifestement une bonne mesure. Toutefois, je prends note de l’omission du facteur environnemental dans le nouveau paragraphe 5(1.1), qui, pourtant, figure dans la liste au paragraphe 5(6). Ce paragraphe énumère les facteurs pertinents à la désignation d’un projet national par le gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre.
Malgré l’absence d’un langage contraignant à cet égard dans la loi, je m’attends tout de même à voir dans le registre public la mesure dans laquelle un projet « pourra » contribuer à la croissance propre et à l’atteinte des objectifs du Canada en ce qui a trait aux changements climatiques. À mon avis, l’ajout de ces informations au registre est nécessaire et constitue une bonne pratique qui est d’autant plus conforme à l’intention du législateur, compte tenu de la liste complète qui figure au paragraphe 5(6). J’aimerais d’ailleurs que le gouvernement s’engage formellement à intégrer ces informations au registre public.
Avant de conclure, je tiens à souligner un dernier point essentiel. Le projet de loi, tel qu’il a été modifié, renforce le rôle de surveillance du Parlement, notamment par l’entremise d’un comité parlementaire.
Chers collègues, notre travail ne fait donc que commencer. Nous devrons continuer de surveiller la mise en œuvre du projet de loi d’une manière conforme à nos obligations et à nos privilèges et en nous portant garants des principes sous-jacents à notre Constitution.
En somme, ce projet de loi offre au Canada l’occasion de se placer à l’avant-garde des grandes transformations économiques, environnementales et géopolitiques à venir. C’est pourquoi nous devons veiller à ce que l’exercice des pouvoirs qu’il confère soit cohérent avec une vision moderne du Canada, notamment en ce qui a trait aux normes en matière d’environnement et de santé. J’ai confiance en ce gouvernement. Toutefois, il serait, selon moi, imprudent de lui accorder une confiance aveugle. Étant donné que nous ne sommes pas soumis aux mêmes contraintes que les élus de la Chambre des communes, les privilèges et responsabilités que nous confère notre rôle de sénateurs exigent que nous exercions une vigilance soutenue et que nous fassions un examen rigoureux de chaque projet de loi, y compris ceux qui émanent du gouvernement.
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la partie 2 du projet de loi C-5, Loi visant à bâtir le Canada, dont le but avoué est d’accélérer l’approbation de grands projets d’infrastructures énergétiques et d’exploitation de ressources naturelles.
Je comprends tout à fait le contexte très particulier dans lequel le projet de loi a vu le jour. Le Canada a dû encaisser le choc d’une guerre tarifaire avec son voisin américain; ce conflit a créé beaucoup d’incertitude et a provoqué des mises à pied, l’économie canadienne est ébranlée et il faut trouver des remèdes pour relancer l’activité économique.
(1720)
Le but est louable. La méthode choisie est extraordinaire et pratiquement sans précédent : donner au gouvernement le pouvoir de suspendre des lois adoptées en bonne et due forme par le Parlement afin d’accélérer l’approbation de grands projets nationaux. Je suis l’actualité depuis longtemps, et je ne me souviens d’aucun gouvernement fédéral qui a suspendu des lois pour faire face à une récession.
L’ex-ministre conservatrice Lisa Raitt a bien résumé la situation en répondant à une question que je lui ai posée en comité plénier la semaine dernière. Elle a dit ceci :
Le libellé de la loi est très vague et donne effectivement carte blanche au ministre — quel qu’il soit — à bien des égards pour déterminer laquelle des lois s’applique.
[...] le gouvernement a manifestement jugé qu’il a besoin de ce pouvoir très étendu — qui est certes très large et aussi, probablement, terrifiant —, car, en substance, il demande aux Canadiens : « Accordez-nous votre confiance. Nous allons faire du bon travail. »
Certains des amendements adoptés par l’autre endroit exigent du gouvernement plus de transparence sur la nature exacte des projets et une plus grande surveillance par le Parlement. Les députés se sont aussi assurés que certaines lois ne pourraient pas être suspendues. Certes, ce sont des améliorations. Cependant, elles ne sont pas suffisantes pour calmer les craintes.
De plus, étant donné que le gouvernement était pressé, nous avons entendu nos témoins avant qu’ils puissent prendre connaissance des amendements de la Chambre des communes. Nous manquons donc d’expertise externe pour évaluer ces amendements. Voilà un processus d’étude trop rapide et approximatif pour une Chambre qui doit exercer un second examen attentif sur les textes législatifs qui lui sont soumis. Le recours au comité plénier — durant lequel les ministres se présentent devant tous les sénateurs — a de sérieuses limites. Il est difficile de poser des sous-questions plus directes ou d’interrompre un témoin qui ne répond pas vraiment aux questions, bref, d’obtenir des réponses approfondies, ce qu’on peut faire plus efficacement dans des réunions de comités sénatoriaux spécialisés où il n’y a que 12 sénateurs.
Ce n’est pas sans raison que l’étude de projets de loi complexes prend un certain temps. Pour dénicher les erreurs ou les conséquences inattendues de certains articles, il faut faire de la recherche, consulter, reformuler, et cetera. Je l’ai vécu par le passé : il a fallu plus d’un an de délibérations pour que des projets de loi importants, notamment le projet de loi C-11 sur les plateformes Web et le projet de loi C-18 sur la radiodiffusion, soient adoptés. Il y a parfois de l’obstruction. Toutefois, ce n’est pas la norme.
De toute façon, ce n’est pas la réalité devant laquelle les sénateurs sont placés. Les députés de la Chambre des communes ont terminé leur session parlementaire vendredi dernier. Ils ne sont donc plus à Ottawa. Il sera très difficile pour nous d’adopter des amendements et de demander à la Chambre des communes de se prononcer, car il faudrait sans doute rappeler les députés pendant l’été. Pourquoi n’a-t-on pas prolongé les travaux de l’autre endroit d’au moins une semaine, pour nous donner la possibilité de faire notre travail adéquatement? Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais depuis que le Sénat a acquis plus d’indépendance et propose des amendements aux projets de loi, nous entendons dire que cela agace profondément plusieurs membres du gouvernement. D’ailleurs, le parrain de ce projet de loi, notre collègue le sénateur Yussuff, nous a rappelé, à la fin de son discours, qu’il espérait que le projet de loi soit adopté, et ce, sans amendement.
Nous sommes donc coincés. Lorsque l’on propose des améliorations à un projet de loi, on se fait dire qu’on n’a pas la légitimité requise pour le faire, car nous ne sommes pas élus. Lorsqu’on adopte un projet de loi tel quel, à la va-vite, on se fait dire que cela prouve bien notre complète inutilité.
[Traduction]
Andrew Coyne, critique de longue date du Sénat, l’exprime ainsi dans son récent livre, que je suis en train de lire, intitulé The Crisis of Canadian Democracy :
Nous semblons pris dans un dilemme : un Sénat qui se contente d’approuver les projets de loi adoptés par la Chambre des communes est superflu, alors qu’un Sénat qui les rejette est une menace. Ce dilemme persistera tant que l’on ne parviendra pas à résoudre la contradiction fondamentale entre les immenses pouvoirs juridiques du Sénat et son absence totale de légitimité démocratique.
Il s’agit bien sûr de l’opinion d’Andrew Coyne. Je ne la partage pas entièrement.
[Français]
Voilà pour la procédure. Revenons maintenant au contenu du projet de loi C-5.
En comité plénier, le ministre Dominic LeBlanc a réitéré l’engagement du premier ministre Mark Carney en disant ceci :
Il est évident que le projet de loi n’est pas étudié par le Sénat et par le Parlement pour que l’on décide d’imposer quelque projet que ce soit aux peuples autochtones, à une province ou à un territoire.
On comprend de cet engagement qu’il n’est pas question de passer outre le consentement des Autochtones ou du gouvernement d’une province pour lancer un grand projet dans cette province. Cependant, l’amendement adopté au sujet des provinces par les Communes n’est pas très clair. Il précise que le gouvernement fédéral devra consulter le gouvernement de la province où le projet sera réalisé, et que le gouvernement fédéral devra obtenir le consentement écrit du gouvernement de la province lorsque le projet touchera des domaines de compétence provinciale exclusive. Que se passera-t-il si ce projet national a des conséquences sur l’environnement, qui est une compétence partagée par les deux ordres de gouvernement?
Par ailleurs, pourquoi n’a-t-on pas inscrit dans le projet de loi que le gouvernement fédéral pourrait se satisfaire d’une évaluation environnementale faite par une province, plutôt que d’allonger les délais en faisant également une évaluation environnementale fédérale? Le Centre québécois du droit de l’environnement note aussi qu’aucune indication claire n’est donnée quant à l’application continue des lois provinciales aux projets désignés.
À ce stade, il est difficile de se contenter de beaux discours. Ce qui compte doit être écrit dans le projet de loi. Au sujet de la protection de l’environnement, le pouvoir du gouvernement fédéral d’accélérer les choses et de choisir quels objectifs il souhaite atteindre m’inquiète tout particulièrement. La Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) et plusieurs autres peuvent être suspendues. Comme l’a expliqué ma collègue la sénatrice Simons, un projet national peut être préapprouvé sans connaître ses conséquences sur l’environnement.
Je comprends que les conséquences appréhendées à la suite de l’application du projet de loi C-69 que nous avons adopté sur les évaluations environnementales fédérales sont très — voire trop — lourdes et créent des délais inacceptables dans la réalisation de projets. Cependant, nous aurions pu viser cette loi en particulier plutôt que toutes les lois en faveur de l’environnement.
Une alternative qui a été proposée est tout aussi inquiétante. Par exemple, à l’alinéa 5(6)e) de la Loi visant à bâtir le Canada, on comprend que le gouvernement peut, mais n’a pas l’obligation de choisir des projets qui vont :
contribuer à la croissance propre et à l’atteinte des objectifs du Canada en ce qui a trait aux changements climatiques.
Cela veut dire que le gouvernement se donne le droit de choisir de grands projets qui contribuent à augmenter nos émissions de gaz à effet de serre, alors que les feux de forêt se multiplient sur notre territoire et que nous sommes déjà en retard dans l’atteinte de nos cibles climatiques.
En comité plénier, j’ai demandé au ministre LeBlanc si la construction de pipelines était vraiment un projet d’avenir, un projet du XXIe siècle, lorsque l’on pense à la survie de notre planète. Sa réponse se voulait rassurante :
Vous avez raison lorsque vous dites que l’on parle souvent de projets comme les pipelines. J’ai dit cela publiquement plusieurs fois à des journalistes, même en ondes. Lors de la réunion à Saskatoon avec les premiers ministres des provinces et des territoires, je dirais que moins de 5 % des conversations portaient sur des projets de pipelines.
Si l’on croit en une transition écologique, ne faudrait-il pas que les futurs projets nationaux contribuent à une économie sobre en carbone et respectueuse de la biodiversité? Doit-on faire confiance au gouvernement et lui accorder ces pouvoirs extraordinaires en espérant que l’on atteigne le bon équilibre? La sévérité de la crise avec notre principal partenaire commercial justifie-t-elle de pouvoir suspendre des lois? Il n’y a pas de réponses faciles à ces questions.
Pour ma part, je voterai contre le projet de loi C-5.
[Traduction]
L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, le gouvernement nouvellement élu a promis de nous rassembler pour défendre la souveraineté et les valeurs canadiennes en « jouant du coude ». Ainsi, on nous a informés que la partie 2 du projet de loi C-5 vise à favoriser les projets nationaux qui contribuent à l’édification du Canada. Malheureusement, le processus suivi jusqu’à présent en ce qui concerne cette mesure législative a suscité de vives inquiétudes parmi les Canadiens.
(1730)
Étant donné que le projet de loi franchit les étapes du processus législatif à toute vitesse, des projets risquent d’être préapprouvés de façon expéditive, ce qui aura des répercussions irréversibles sur la santé, les collectivités, les économies et l’environnement, qui se feront sentir pendant des générations. Tout cela, en dépit des protestations des gens les plus touchés et sans que l’on ait mené de recherches adéquates pour comprendre les risques, et encore moins que l’on ait obtenu le consentement des gens.
Les Canadiens estiment que le projet de loi C-5 risque de conférer un pouvoir sans précédent à quelques membres du Cabinet au lieu de nous donner à tous les moyens d’agir. Au lieu de nous rassembler pour faire face aux menaces de notre voisin du Sud, le projet de loi risque d’exacerber les inégalités et les divisions en imitant et en renforçant les tentatives d’accaparement du pouvoir.
Les dirigeants autochtones, qui ont des décennies d’expérience dans la défense des droits inhérents à la souveraineté et à l’autodétermination, ont été particulièrement clairs à ce sujet.
L’ancienne ministre de la Justice et procureure générale, Jody Wilson-Raybould, a évalué comme suit l’adoption du projet de loi C-5 à l’autre endroit :
Aujourd’hui, le Canada s’est affaibli.
Le projet de loi C-5 confère des pouvoirs incontrôlés à quelques représentants, il outrepasse des lois du Parlement et il bafoue des droits constitutionnels.
Notre économie ne se développera pas en créant de l’incertitude et des conflits [...] On ne peut pas protéger notre souveraineté en étant antidémocratique.
La semaine dernière, la cheffe nationale Cindy Woodhouse Nepinak nous a exhortés à faire ceci :
Nous savons ce que c’est que d’avoir Trump à la frontière. Ne faisons pas la même chose et n’adoptons pas des politiques à la Trump entre nous.
Notre regretté collègue le sénateur Sinclair a lancé un défi à chacun d’entre nous et à la nation canadienne en posant les quatre questions suivantes : D’où venons-nous? Où allons-nous? Pourquoi sommes-nous ici? Qui sommes-nous?
Le processus législatif et l’approche en matière d’édification nationale qui sont prévus au projet de loi C-5 contribuent à définir les valeurs défendues par le Canada et notre identité.
Les amendements apportés jusqu’à présent au projet de loi C-5 prévoient certaines mesures de sauvegarde positives. Toutefois, comme l’ont reconnu les députés de tous les partis à l’autre endroit, elles ne sont pas suffisantes. Le projet de loi C-5 accorde toujours au gouvernement le pouvoir discrétionnaire illimité de définir, de préapprouver et de désigner des projets d’intérêt national sans évaluer leurs risques au préalable.
Les cinq facteurs que le gouvernement peut utiliser pour déterminer les projets d’intérêt national restent facultatifs plutôt qu’obligatoires. L’article 5.1 proposé, qui oblige les gouvernements à rendre compte de la manière dont les projets répondront à ces facteurs, omet de manière déterminante l’obligation pour le gouvernement de faire rapport sur la manière dont les projets contribueront à la réalisation des objectifs suivants : « la croissance propre » et « l’atteinte des objectifs du Canada en ce qui a trait aux changements climatiques ».
Des amendements protègent désormais certaines lois, comme la Loi sur les Indiens, mais le projet de loi C-5 continue essentiellement de donner au gouvernement « le pouvoir illimité d’exclure ou de modifier » les lois.
La rapidité avec laquelle ce projet de loi a été adopté par le Parlement laisse sans réponse des questions importantes concernant la démocratie et le respect de la loi et des droits légaux.
La cheffe nationale Woodhouse Nepinak a insisté sur ce que cela signifie pour les Premières Nations et, en fin de compte, pour l’ensemble des Canadiens, lorsqu’elle nous a exhortés à prendre notre temps et à faire les choses correctement, à prendre l’été pour discuter, pour travailler sur le projet de loi, pour le renforcer et pour s’attaquer aux parties préjudiciables aux droits des Premières Nations. Elle a été claire en disant ceci :
[...] faire adopter quelque chose à toute vapeur en 7 ou 14 jours n’est pas la façon canadienne de faire les choses. Tout ce que nous vous demandons, c’est de suivre vos propres règles, de respecter vos propres lois et de tenir compte du chemin parcouru. Nous ne devrions pas retourner plusieurs années en arrière et nuire à ces relations très fragiles que nous devons entretenir maintenant. Les gens essaient de travailler là-dessus ensemble. Les Premières Nations font aussi des efforts en ce sens.
Elle a poursuivi : « Ces mesures auront une incidence sur ces gens, sur leurs enfants et sur leurs petits-enfants. »
Les Premières Nations intéressées par les possibilités économiques qu’offre le projet de loi C-5 ont néanmoins été troublées de le voir adopté à toute vapeur, sans véritable consultation.
L’Assemblée des Premières Nations a clairement indiqué qu’une partie du travail significatif et des consultations que le gouvernement fédéral doit entreprendre auprès des détenteurs de droits des Premières Nations doit inclure, à tout le moins, l’intégration dans le projet de loi C-5 du principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, qu’exige la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Au comité de l’autre endroit, un amendement en ce sens a malheureusement été rejeté.
Bien que le ministre LeBlanc ait répété, notamment dans sa récente lettre à notre intention, qu’une « consultation complète » aurait lieu, beaucoup de gens sont encore préoccupés par ce que cela signifiera concrètement.
Comme l’Assemblée des Premières Nations l’a souligné en comité plénier, bien que le préambule du projet de loi C-5 fasse référence à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et au devoir de consulter comme ayant « une valeur interprétative », « ces normes ne sont pas incluses concrètement dans le projet de loi » et « ne semblent pas y être mises en œuvre », tout comme le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.
Le conseil consultatif autochtone qui doit être créé est qualifié de réponse aux obligations de consulter du gouvernement, mais « on ne fournit aucune information sur les intentions réelles du gouvernement » ni sur la manière dont il prévoit respecter la norme du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. À juste titre, l’Assemblée des Premières Nations nous avertit qu’en vertu de l’article 19 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, un conseil consultatif composé de personnes nommées par le gouvernement, même si elles sont autochtones, ne peut pas être l’entité auprès de laquelle le gouvernement mène des consultations ou obtient un consentement.
Comme nous l’a rappelé Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, sans l’intégration claire du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause dans le projet de loi C-5, nous risquons de tomber dans le même piège et de n’exprimer que des vœux pieux pour les peuples autochtones. Il a déclaré aux sénateurs que :
Le Canada a toujours eu pour faiblesse de se féliciter d’être un grand défenseur des peuples autochtones, de la primauté du droit et du respect des droits des Autochtones, tout en adoptant des lois et des pratiques très différentes à ces égards. Je pense que ce comportement découle non seulement de l’ignorance, mais aussi d’un choix sans équivoque quant aux gens qui méritent de voir leurs droits respectés et à ceux qui ne le méritent pas, et quant à la manière d’atteindre un objectif qui permet au Canada de se donner bonne conscience tout en continuant à bafouer les droits qu’il prétend défendre.
Compte tenu d’une consultation insuffisante, les peuples autochtones sont naturellement préoccupés par les références vagues à la déclaration des Nations unies dans le projet de loi C-5.
À peine quelques jours après que le discours du Trône eut réaffirmé que :
Tout en mettant de l’avant ses projets d’intérêt national, le Gouvernement restera résolument guidé par le principe du consentement libre, préalable et éclairé.
L’Assemblée des Premières Nations a déclaré que, au moment de déterminer les risques importants pour les droits collectifs des Premières Nations qui découleraient du projet de loi C-5, la Couronne n’a respecté ni ses obligations constitutionnelles et juridiques ni ses responsabilités reconnues à l’échelle internationale pour ce qui est de mener des consultations approfondies en vue d’obtenir le consentement des peuples autochtones.
Les détenteurs de droits des Premières Nations ont plutôt obtenu :
[...] un délai déraisonnablement court — tant avant qu’après le dépôt du projet de loi — et peu de possibilités d’avoir des discussions de fond.
Les peuples autochtones subissent déjà de façon disproportionnée le fardeau de la dégradation environnementale causée par des politiques canadiennes irresponsables. Des consultations insuffisantes à propos du projet de loi C-5 et des projets d’exploitation des ressources naturelles qui en découleront ne feront qu’aggraver cette parodie. Pourquoi 34 Premières Nations ont-elles perdu tout espoir d’avoir leur mot à dire sur le projet de loi C-5? C’est parce que pendant toute la période où nous avons examiné ce projet de loi, elles luttaient contre des incendies de forêt causés par les changements climatiques attribuables à l’activité humaine, qui menacent la vie et l’univers de leurs communautés.
À l’instar des appels à la justice lancés dans le cadre de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, le président de l’ITK, M. Obed, nous a rappelé que parmi « les effets néfastes de l’exploitation des ressources naturelles au sein des communautés autochtones » figure « la violence fondée sur le sexe dans les projets d’exploitation des ressources naturelles ».
Cet aspect du projet de loi C-5 n’a pratiquement pas été abordé.
Comme l’a dit Jody Wilson-Raybould, « il faut dire clairement que cette nouvelle économie ne doit pas se bâtir sur le dos des peuples autochtones dans leurs communautés ni sur les territoires qu’ils protègent depuis des générations ».
Par le passé, il est arrivé trop souvent que le Canada manque à ses responsabilités et laisse aux peuples autochtones la tâche de contester des normes environnementales inadéquates et de protéger l’air, la terre et l’eau dont nous dépendons tous. Tout cela a coûté cher aux peuples autochtones, et ce, de mille et une façons, qui vont des frais judiciaires jusqu’à la criminalisation de personnes qui tentaient de remédier au fait que le Canada ne respectait pas des lois autochtones et le droit à l’autodétermination des Autochtones.
Le projet de loi C-5 oblige les jeunes leaders des communautés autochtones à se préparer une nouvelle fois à contester — et donc à assumer — ce fardeau injuste. Les jeunes Autochtones ont manifesté contre le projet de loi C-5 sur la Colline du Parlement, ce qui a marqué le début de ce que Ramon Kataquapit, conseiller jeunesse auprès des Chefs de l’Ontario et de la nation Nishnawbe Aski et membre de la Première Nation d’Attawapiskat, dans le Nord de l’Ontario, décrit comme « un mouvement » visant à protéger leurs cultures et leurs terres.
Terra Roy, une autre conseillère jeunesse auprès des Chefs de l’Ontario, se souvient que sa mère l’emmenait aux manifestations Idle No More il y a plus de 10 ans et déclare :
C’est frustrant que j’aie fait cela à 11 ans et que je le fasse encore à 23 ans [...] Si je suis fatiguée d’avoir à me battre à nouveau, je ne peux qu’imaginer ce que ressent ma grand-mère.
(1740)
L’Assemblée des Premières Nations a également souligné que, lorsqu’il s’agit de projets d’édification du pays :
[...] nous voulons parler d’emplois, d’économie et de croissance, mais cela ne sera pas possible tant que nous n’aurons pas comblé le fossé en matière d’infrastructures dans les communautés des Premières Nations.
Elle a également déclaré :
Sans mesures concrètes pour l’accès à l’eau potable, pour les infrastructures de traitement des eaux usées et pour des écoles adéquates, les Premières Nations seront exclues de l’économie canadienne unifiée.
Les investissements proposés par l’Assemblée des Premières Nations concernant l’eau potable, les écoles et d’autres nécessités auraient d’importantes retombées positives sur l’économie canadienne. La correction de ces inégalités et de ces héritages du colonialisme devrait sans aucun doute s’inscrire dans l’édification du pays que vise le projet de loi C-5. La cheffe nationale Woodhouse Nepinak nous a parlé directement de nos devoirs dans le contexte du projet de loi C-5 :
Je pense qu’il incombe à vous tous [...] de faire le gros du travail pendant que vous étudiez le projet de loi dans cette enceinte. En même temps, je pense que nous jouissons d’une excellente occasion de faire les choses différemment au Canada, de travailler ensemble et de nous unir. Invitons tout le monde à la table : le premier ministre, tous les membres du Cabinet, les sénateurs et les membres des Premières Nations.
Elle a poursuivi en disant :
Il y a beaucoup de gens visés par des traités, des gens qui ont des droits inhérents, d’un océan à l’autre, qui veulent venir ici et vous parler. Vous devriez les écouter. Accordez-leur ce respect.
Chers collègues, si le projet de loi C-5 propose d’entreprendre un nouveau chapitre dans l’histoire du Canada, nous pouvons et devons insister pour que cette initiative repose sur des bases solides. Cela signifie qu’il faut défendre les principes d’égalité, de justice et de démocratie; protéger l’air, la terre et l’eau qui nous maintiennent en vie; et respecter la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ainsi que la souveraineté et l’autodétermination inhérentes des Premières Nations, des Métis et des Inuit. En cette période où il est urgent d’agir, on ne doit pas faillir à la tâche. Meegwetch. Merci.
L’honorable Salma Ataullahjan : Merci, sénatrice Pate. Les représentants du gouvernement ont indiqué avoir envoyé des lettres à 66 groupes autochtones, mais les chefs ontariens ont déclaré que tout était fait dans la précipitation. Est-il vrai que le gouvernement fédéral a empêché les Premières Nations de l’Ontario de s’exprimer devant le comité?
La sénatrice Pate : Il semble que c’est ce qu’on a affirmé, alors je crois que c’est vrai.
L’honorable Mary Jane McCallum : Sénatrice Pate, seriez-vous d’accord pour dire que, lorsque vous consultez des groupes, vous n’avez pas besoin de consulter des gens qui sont d’accord avec vous, puisqu’il n’y a alors personne à accommoder? Vous devez vous adresser à ceux qui ne sont pas d’accord, car vous pouvez alors faire des accommodements liés à ce que vous proposez. En convenez-vous?
La sénatrice Pate : Eh bien, selon mon expérience, la consultation se fait auprès des personnes qui s’intéressent aux questions que l’on soulève. Parfois, elles sont d’accord avec une mesure proposée, et parfois elles ne le sont pas. Évidemment, l’idée n’est pas de consulter exclusivement les personnes qui sont d’accord avec nous.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénatrice Pate, merci. Êtes-vous au courant des initiatives suivantes — qui ne sont qu’un début —, à savoir que le premier ministre organisera des réunions d’une journée entière avec les détenteurs de droits des Premières Nations le 17 juillet, des réunions avec les Inuit à la fin du mois de juillet, et des réunions avec les Métis par la suite? Ces réunions se dérouleront dans les communautés et seront l’occasion d’un dialogue ouvert sur la voie à suivre. Il y a plus de 700 Premières Nations, et plus de 125 détenteurs de droits seront donc inclus. Cette démarche s’ajoutera aux activités de sensibilisation menées au niveau régional. Le gouvernement travaillera également avec le conseil consultatif autochtone qui sera créé dans le cadre d’un bureau de gestion des grands projets, afin d’élaborer des protocoles de consultation qui tiennent compte de ces discussions.
Sénatrice, le projet de loi prévoit des consultations avec les groupes autochtones tant au moment où l’on déterminera si un projet est dans l’intérêt national qu’à celui où l’on fixera les conditions de sa mise en œuvre. Il s’agira d’un processus continu. Le premier ministre a également indiqué clairement qu’il estimait que le Canada était tenu de respecter le principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Convenez-vous qu’il s’agit là de mesures positives qui vont dans la bonne direction?
Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice Pate, je suis désolé, mais le temps prévu pour le débat est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?
La sénatrice Pate : Si telle est la volonté des sénateurs, oui.
Son Honneur le Président intérimaire : Le consentement est-il accordé, sénateurs?
Des voix : D’accord.
La sénatrice Pate : Oui, je suis tout à fait d’accord pour dire que les engagements pris par le premier ministre constituent un très bon pas dans la bonne direction. Le problème demeure toutefois que de nombreuses Premières Nations s’inquiètent du fait qu’il faille maintenant attendre de voir si ces engagements seront respectés. Le projet de loi sera adopté avant que ces mesures ne soient prises, et c’est ce que je voulais souligner. Ces engagements sont sans aucun doute importants.
Comme je l’ai dit à toutes les personnes qui m’ont contactée par téléphone et par... Pour être claire, je n’ai pas répondu à tous les courriels. Je m’excuse auprès des personnes qui m’ont envoyé un courriel, mais maintenant elles savent ce que j’aurais répondu : ces engagements sont importants. S’ils ne sont pas respectés, cela nous impose à tous une obligation supplémentaire de veiller à ce qu’ils le soient.
Je pense que la lettre du ministre LeBlanc a été utile. Il serait encore plus utile que le premier ministre publie un communiqué similaire.
[Français]
L’honorable Danièle Henkel : Honorables sénateurs, le projet de loi C-5 traduit un engagement majeur : relancer l’économie canadienne après des années de sous-investissement.
Notre Chambre de second examen objectif dispose d’une occasion unique de veiller à ce que ce projet de loi crée de la valeur pour toute l’économie.
Je souhaite remercier et féliciter tous les collègues qui ont déjà participé au débat et qui ont permis d’éclairer les enjeux essentiels que soulève ce projet de loi.
Au cours du comité plénier, des préoccupations légitimes ont été soulevées en matière environnementale, de droits ancestraux des peuples autochtones, ou encore sur la portée du concept de « projet d’intérêt national ».
Permettez-moi cependant de soulever un paradoxe troublant : on ne peut prétendre relancer l’économie sans y associer pleinement celles qui en sont le moteur au quotidien : nos PME.
Le projet de loi C-5 ne peut ignorer les PME et nous ne pouvons pas laisser passer cela.
[Traduction]
Forte de plus de 30 ans d’expérience en tant qu’entrepreneure, j’ai acquis une compréhension aussi profonde qu’intime du rôle central que jouent les petites et moyennes entreprises, les PME, dans notre économie. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles j’ai choisi de siéger au Sénat. Je veux être la voix des PME et m’assurer qu’elles ont leur place à la table où se prennent les grandes décisions économiques.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les PME représentent 98 % de toutes les entreprises au Canada et 54 % de l’emploi total, en plus de contribuer à près de la moitié de notre PIB.
[Français]
Pourtant, elles semblent désespérément invisibles dans les appels à projets et les marchés publics gouvernementaux.
D’après les chiffres publiés par Services publics et Approvisionnement Canada, en 2008, la part des contrats fédéraux accordés à des petites et moyennes entreprises était de 38 %, de 32 % en 2022, de 24 % en 2023 et de 20 % en 2024.
Il est à noter que, durant cette période, il se peut que des PME aient été absorbées par de plus grandes entreprises ou rachetées à l’international. Pourtant, le nombre de PME a continué d’augmenter, ce qui rend ces chiffres encore plus alarmants.
Cette chute n’est pas un accident et résulte d’obstacles systémiques identifiés depuis des années.
Plusieurs rapports parlementaires de grande qualité — notamment ceux du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires (OGGO) publiés en 2009 et en 2018 — ont mis en lumière certains obstacles majeurs.
Parmi ces obstacles, le comité de l’autre endroit a notamment soulevé les suivants : premièrement, la complexité excessive des processus d’approvisionnement et le volume important de documents à fournir. Qu’attend-on pour simplifier ces procédures et les adapter aux réalités des PME?
Deuxièmement, l’accès inégal à l’information et la complexité du langage utilisé. Comment se fait-il que les dossiers d’appels d’offres ne soient pas toujours identiques en français et en anglais? De plus, pourquoi le vocabulaire employé est-il si complexe?
(1750)
Troisièmement, le manque de ressources humaines au sein des PME pour répondre aux appels d’offres. Comment peuvent-elles le faire quand le coût de participation est parfois supérieur à la valeur des contrats visés?
Quatrièmement, la priorité accordée systématiquement au prix le plus bas, au détriment de la qualité ou de l’innovation.
Finalement, les délais de paiement trop longs, qui pèsent lourdement sur la trésorerie de nos PME.
Ces obstacles systémiques touchent toutes les PME, mais leurs effets sont encore plus marqués lorsqu’il s’agit de groupes sous-représentés, comme les entreprises à propriété féminine.
[Traduction]
Le gouvernement est clairement au courant du problème. Il a déjà fixé à 15 % le taux cible pour la participation des entreprises détenues par des femmes aux marchés publics. Entre 2023 et 2024, cette cible a été atteinte en ce qui concerne le nombre de marchés, mais aucune donnée n’a été publiée concernant la valeur de ces marchés. Il est essentiel que les entreprises détenues par des femmes ne soient pas confinées à des marchés de faible valeur, en particulier dans les secteurs à forte valeur ajoutée.
[Français]
Un autre biais systémique qui freine encore, en 2025, le développement des PME détenues par des femmes est l’accès au financement. Les prêteurs posent aux femmes des questions subjectives qu’ils n’oseraient jamais poser à un homme. J’ai moi-même vécu cette expérience, comme bien d’autres.
Alors qu’on interroge un homme sur le potentiel de croissance de son entreprise, on demande à une femme de justifier ce qu’elle a déjà accompli et de détailler ses plans d’expansion. Puis, on lui pose des questions comme : « Comment comptez-vous concilier vie familiale et projet entrepreneurial? » ou encore : « Quelqu’un peut-il se porter garant pour vous? »
On demande fréquemment aux femmes, entrepreneures et de minorités visibles, si elles ont déjà essayé d’obtenir des contrats publics. La plupart répondent que non, pas par manque de volonté ou de compétence, mais parce qu’on ne leur a pas encore donné cette chance. À force d’exclusion, elles finissent par ne plus essayer.
Ces questions n’ont rien à voir avec la capacité et la crédibilité de leur entreprise. Pourtant, les mêmes doutes persistent. Sont-elles vraiment capables de répondre aux exigences des contrats? Peuvent-elles répondre au cahier des charges?
Pense-t-on vraiment qu’une PME investirait du temps et de l’argent pour soumettre une candidature si elle n’en avait pas les capacités? Ce raisonnement est totalement obsolète en 2025.
À tout cela s’ajoutent le manque d’accès aux réseaux d’investisseurs et la sous-représentation des femmes dans les comités de décision. Les données parlent d’elles-mêmes : selon le rapport de 2024 du Portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat, les entreprises détenues par des femmes ne reçoivent que 4 % des fonds de capital de risque au Canada.
[Traduction]
Malgré les efforts considérables déployés pour informer les petites et moyennes entreprises, ou PME, pourquoi les résultats sont-ils encore insuffisants? Nous savons que le Bureau des petites et moyennes entreprises, la Banque de développement du Canada et de nombreux organismes régionaux ont investi massivement dans des séances de formation et des activités d’information. Pourtant, l’accès aux marchés publics demeure un défi de taille pour la plupart des PME.
Si l’information est facilement accessible et largement répandue, il ne s’agit pas d’un problème de communication; c’est le processus d’appel d’offres lui-même qui doit faire l’objet d’une refonte complète.
[Français]
Voici quelques exemples de leviers concrets susceptibles de déclencher un véritable changement positif.
J’ai choisi de comparer deux plateformes d’achats gouvernementaux. D’un côté, la plateforme américaine GSA Advantage, qui centralise l’information et permet aux agences fédérales d’acheter à partir d’un guichet unique, à la manière d’un catalogue en ligne. De l’autre, la plateforme canadienne AchatsCanada, lancée en 2022, qui se contente de publier des appels d’offres, sans offrir de fonction transactionnelle directe. Le système canadien impose à nos PME beaucoup plus de lourdeurs administratives.
Je propose donc que le gouvernement fédéral exige des grandes entreprises et des sociétés d’État qui obtiennent des contrats publics qu’elles collaborent avec des PME, en fixant des quotas ou un pourcentage minimal de sous-traitance qui leur seraient réservés.
Je propose aussi l’inclusion de clauses comprenant des indicateurs pour mesurer les retombées réelles pour les PME et des incitatifs, fiscaux ou autres, qui pourraient être mis en place afin d’encourager activement ces partenariats.
Le gouvernement peut aussi s’inspirer d’exemples positifs tels que WEConnect ou Aéro Montréal, qui renforcent déjà les réseaux de fournisseurs et soutiennent un approvisionnement bien plus inclusif.
Enfin, pour que ces changements donnent des résultats positifs, les appels d’offres doivent valoriser davantage la qualité et l’innovation, au-delà du seul critère du prix le plus bas. Cette ouverture permettrait aux PME innovantes de mieux se positionner. On éviterait aussi que les contrats ne profitent toujours qu’aux mêmes soumissionnaires.
[Traduction]
Honorables collègues, le projet de loi C-5 pourrait être une occasion en or de transformer les marchés publics fédéraux en un véritable moteur de prospérité nationale. Les marchés publics comptent pour 13 à 20 % du PIB du Canada. Les gouvernements ont un puissant levier pour stimuler l’économie nationale de façon à ce que personne ne soit laissé pour compte.
Nous avons besoin d’une nouvelle approche qui tient compte à la fois du rendement économique et de la responsabilité sociale. J’aimerais une économie florissante qui n’exclut personne, qui peut croître sans qu’on oublie les PME, et qui peut prospérer en soutenant ceux qui innovent tous les jours, souvent dans l’ombre.
[Français]
Il est grand temps de regarder dans les coulisses de notre économie et de reconnaître celles et ceux qui la soutiennent discrètement. Derrière chaque PME, il y a un visage, une histoire, une volonté. Nous avons la responsabilité de leur tendre la main pour bâtir une prospérité qui soit à la fois durable et partagée.
Ce défi nous touche tous. Utilisons le projet de loi C-5 comme un véritable tremplin pour nos PME et nos communautés.
Merci de m’avoir écoutée. Meegwetch.
[Traduction]
L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, après avoir consulté des dirigeants autochtones et des leaders de la société civile — je remercie d’ailleurs l’équipe de mon bureau de son soutien —, je prends la parole aujourd’hui pour exprimer mes inquiétudes par rapport au contenu de ce projet de loi et à l’approche qu’il propose. J’ai l’intention de présenter des amendements en mon nom et en celui de la sénatrice Anderson.
J’aimerais d’abord faire une mise en contexte concernant les amendements qui seront proposés à l’étape de la deuxième lecture. Voici ce qu’on peut lire à l’article 2 de la Déclaration du Sommet de La Haye, qui a été publiée aujourd’hui :
Unis face à des menaces et défis de sécurité majeurs, en particulier face à la menace que la Russie fait peser pour le long terme sur la sécurité euro-atlantique et à la menace persistante que constitue le terrorisme, les Alliés vont, pour 2035, porter à 5 % la part du PIB consacrée chaque année au financement des besoins ayant trait à la défense proprement dite et aux dépenses liées à la défense et à la sécurité au sens large, afin d’honorer les obligations individuelles et collectives qui sont les leurs au titre de l’article 3 du traité de Washington.
(1800)
Le premier ministre Carney a confirmé plus tôt aujourd’hui que le nouvel objectif de dépenses militaires de l’OTAN obligera le Canada à dépenser 150 milliards de dollars par an pour des postes liés à la défense. Demandez-vous d’où viendront ces milliards de dollars destinés à la militarisation si la prospérité promise ne se concrétise pas aussi rapidement que prévu.
Ici, le lien, c’est l’argent : l’argent pour la militarisation et l’argent pour la justice climatique. Je viens du territoire du Traité no 1, patrie de la nation métisse de la rivière Rouge au Manitoba, une province où quelque 21 000 personnes ont été déplacées en raison d’incendies de forêt. Un nombre disproportionné d’entre elles sont des Autochtones. Je remercie la sénatrice Pate de son analyse approfondie de l’injustice inhérente au projet de loi C-5, et je ne répéterai pas ce qu’elle a dit.
Comme l’a souligné le Globe and Mail ce matin :
Des millions de Canadiens vivent actuellement sous un dôme de chaleur, où la haute pression atmosphérique emprisonne l’air étouffant et transforme les villes en bains de vapeur. Toronto, Montréal et Ottawa viennent de battre des records météorologiques : les températures sont supérieures de 10 degrés Celsius par rapport à la normale pour cette période du mois de juin [...]
J’ai autrefois dirigé le bureau Ville-santé de Toronto. Dans notre rapport de 1991 sur l’état de la ville, nous tirions la sonnette d’alarme sur la qualité de l’air et la hausse des températures. À l’époque, Toronto comptait en moyenne moins de 10 jours par an où les températures quotidiennes dépassaient 30 degrés Celsius. Les scientifiques prévoient aujourd’hui 55 jours avec des températures supérieures à 30 degrés Celsius d’ici 2050.
Alors que le gouvernement américain a pratiquement supprimé toutes les lois sur la protection de l’environnement, le gouvernement canadien, bien sûr, adopte une approche plus subtile avec le projet de loi C-5. Il s’agit tout de même d’un mastodonte législatif qui écrasera les dirigeants autochtones et le reste d’entre nous qui préfèrent et croient encore au respect de la souveraineté autochtone et à des options plus écologiques que l’industrie extractive pour faire tourner l’économie.
Tous les sénateurs ont reçu des lettres de Canadiens inquiets qui nous demandent de faire notre travail, de prouver que nous faisons un véritable second examen objectif du projet de loi C-5 et d’être honnêtes en reconnaissant qu’un second examen objectif ne peut être effectué dans le temps et selon le processus qui nous sont accordés pour examiner ce projet de loi susceptible de changer le pays.
Le projet de loi C-5 repose sur le principe que les Canadiens méritent que l’on investisse dans des projets ambitieux qui servent notre identité unique, notre autonomie et notre sécurité et qui tracent une voie durable vers un avenir sain et juste pour les générations à venir. Honorables collègues, nous avons prêté serment de servir le pays, et notre démocratie est au cœur de celui‑ci. La résilience démocratique est essentielle pour que tous les Canadiens — et pas seulement ceux qui sont déjà riches — puissent connaître la croissance économique, la prospérité et le bien-être.
Le processus dans lequel nous sommes plongés pour faire adopter à la hâte ce projet de loi au Sénat affaiblit notre démocratie, sans oublier que le processus décisionnel secret et sans obligation de rendre des comptes qui subsiste dans ce projet de loi est l’antithèse d’une démocratie qui fonctionne bien.
Le jour même où le premier ministre Mark Carney a prêté serment, j’ai publiquement remis en question son passé corporatiste et son idéologie. Dans les pays où les dirigeants ont misé sur la peur pour opérer des changements radicaux afin de « sauver » le pays, un grand nombre d’hommes riches et d’entreprises puissantes se sont exponentiellement enrichis et les inégalités de revenus ont été exacerbées. Au final, ces changements ont consisté à supprimer des lois et à prendre des décisions irresponsables — malgré l’admiration de nombreux citoyens qui croyaient en un nouveau dirigeant capable de les sauver et malgré le discours du dirigeant sur la confiance nécessaire en temps de crise — qui ont enrichi les riches et rendu très difficile la promesse d’une richesse commune, de l’accès à la prospérité et à la sécurité pour les citoyens moins fortunés.
Dans son livre intitulé La Stratégie du choc, Naomi Klein nomme cette idéologie le « capitalisme du désastre », c’est-à-dire considérer les crises comme offrant des possibilités stimulantes pour les marchés. Le projet de loi C-5 a peut-être une disposition de caducité de cinq ans, mais c’est amplement suffisant pour éroder et éradiquer les services publics dans les domaines de la santé et de l’éducation, affaiblir la protection contre le racisme environnemental et faire disparaître certaines espèces. Par ailleurs, cela laisse amplement de temps pour détruire la confiance et le respect acquis au cours de la dernière décennie auprès des peuples autochtones et de leurs dirigeants, les contraignant à recourir aux tribunaux.
Permettez-moi de citer la lettre de la cheffe Claire Sault, adressée aux sénateurs, que nous avons reçue hier :
La Première Nation des Mississaugas de Credit ne s’oppose pas à la croissance économique ni au développement national. Nous aspirons à notre propre prospérité, mais aussi à celle de nos voisins et partenaires, tant autochtones que non autochtones. Toutefois, nous rejetons toute pratique qui reflète cette tendance colonialiste consistant à exclure les Premières Nations des décisions qui touchent leurs territoires. Pour être véritablement unifiée, l’économie canadienne doit reposer sur le respect mutuel et la prospérité commune.
On nous demande pourtant d’adopter ce projet de loi malgré des consultations préalables réduites à la portion congrue, sans même savoir quel ministre en sera responsable. Nous savons qu’une telle concentration du pouvoir et du processus décisionnel donne des résultats médiocres. D’ailleurs, le projet de loi C-5 vise justement à renforcer notre souveraineté et notre indépendance face au chaos qu’a semé un unique décideur au pouvoir consolidé, au sud de la frontière. Nous ne devons pas ignorer ce précédent et nous devons nous en prémunir.
Je termine par une citation tirée de l’éditorial du Hill Times d’aujourd’hui :
[...] considérant que la confiance dans les gouvernements s’érode dans le monde entier et que des abus de pouvoir demeurent impunis, le recours à un projet de loi omnibus est, à tout le moins, décourageant et contre-productif.
Ne manquez donc pas mes propositions d’amendement à l’étape de la troisième lecture. Merci, meegwetch.
L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-5, la Loi sur l’unité de l’économie canadienne.
J’aimerais rappeler aux sénateurs et aux Canadiens qui suivent nos travaux aujourd’hui les conséquences désastreuses des effets négatifs de l’extraction des ressources sur les territoires et sur la vie des Premières Nations, une situation qui se produit sans relâche depuis plus de 60 ans. Pendant de nombreuses années, les Premières Nations ont présenté à divers comités du Sénat et de la Chambre des communes des preuves solides des dommages graves et irréversibles que les projets d’extraction de ressources causent à leurs territoires, à leurs ressources et à leur mode de vie.
Au cours de la dernière législature, les témoignages des Premières Nations et d’autres communautés racisées qui ont vécu ces préjudices de première main ont contribué à l’adoption de la Loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale, qui a reçu la sanction royale en juin 2024. Les Premières Nations continuent de faire les frais du racisme environnemental, qui se traduit par leur morbidité et leur mortalité prématurées. Cette violence lente au fil des ans s’apparente à un génocide.
Honorables collègues, les correctifs à l’égard des mesures d’assainissement prises par les sociétés d’extraction des ressources n’ont pas été appliqués rigoureusement. La faillite de Sequoia Resources est maintenant réglée, mais le nombre de puits orphelins a doublé pour atteindre 3 200. Le nombre de bassins de résidus provenant de l’extraction du pétrole et du gaz continue d’augmenter, et aucun de ces bassins n’a fait l’objet de mesures d’assainissement.
Dans la baie Burrard, Rueben George, de la nation Tsleil-Waututh, a dit que la collectivité devait prendre de vastes mesures pour atténuer les répercussions des activités d’extraction dans sa région. Après 40 ans de travail, ces gens ont enfin pu pêcher la palourde. Toutefois, pendant que la collectivité prenait des mesures pour éliminer les produits toxiques issus des activités pétrolières et gazières, les sociétés d’extraction continuaient de détruire d’autres parties de son territoire à un rythme qui dépassait celui des mesures d’assainissement.
Non seulement les sociétés d’extraction des ressources naturelles abandonnent leurs responsabilités en matière d’assainissement — elles ne sont par ailleurs pas forcées de se conformer au principe du pollueur-payeur et au principe de précaution de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement —, mais elles ont également reçu des subventions du gouvernement fédéral. En effet, les subventions et le financement directs au secteur pétrolier et gazier se sont élevés à 29,6 milliards de dollars en 2024, et à 18,6 milliards de dollars en 2023.
(1810)
Au cours des cinq dernières années, le soutien financier à l’industrie a atteint 74,6 milliards de dollars. Qui en profite? Les entreprises étrangères et les riches actionnaires.
Honorables sénateurs, le modèle d’exploitation de ces sociétés du secteur de l’extraction n’est pas compatible avec le droit à une bonne vie — mitho–pimatisiwin — des Premières Nations.
Pour l’industrie, il y a toujours eu une tension fondamentale entre deux mandats concurrents : la pression de contribuer à l’objectif social d’atténuation des effets sur l’environnement, et la nécessité d’obtenir de bons résultats financiers et de remplir des obligations envers les actionnaires, les propriétaires et les provinces au moyen d’activités qui contribuent directement aux changements climatiques. Bien entendu, les intérêts des actionnaires, des propriétaires et des provinces l’ont toujours emporté.
Les faits montrent que les grandes sociétés pétrolières ont fait pression sur les gouvernements pour qu’ils ne réglementent pas les émissions et ont brouillé le débat public sur les preuves scientifiques des changements climatiques anthropiques, tout en continuant à tirer profit de leurs activités polluantes. Ce que nous demandons, ce sont des changements dans le mode de fonctionnement de l’industrie pétrolière, afin que celle-ci s’engage à améliorer la durabilité et la conscience sociale de ses activités. Les fortes émissions de gaz à effet de serre de l’industrie pétrolière lui confèrent un rôle décisif dans la réussite de l’atténuation des changements climatiques.
Honorables sénateurs, la prévention est désormais absolument cruciale. Elle constitue la seule solution pour les Premières Nations à l’heure actuelle, car les tentatives d’atténuation des émissions se sont révélées insuffisantes. D’ailleurs, dans un article publié hier et intitulé « Alberta’s oilsands to hit record production high in 2025 », c’est-à-dire « Les sables bitumineux de l’Alberta atteindront un niveau de production record en 2025 », la CBC souligne la croissance continue non seulement des activités liées aux sables bitumineux, mais aussi des émissions qu’elles produisent.
On ne sait pas avec certitude quels projets seront énumérés à l’annexe 1 du projet de loi, mais on sait que le gouvernement prévoit laisser de côté des parties essentielles des lois conçues pour protéger l’environnement. Il est donc impossible de nier que le projet de loi C-5 aura pour conséquence que les entreprises extractives produiront plus d’émissions toxiques qui affectent négativement l’air, l’eau, la terre ainsi que la qualité de vie des Premières Nations.
Chers collègues, bien qu’un environnement sain soit essentiel à la vie, à la santé et au bien-être des êtres humains, les projets d’extraction de ressources ont toujours eu des conséquences environnementales qui nuisent manifestement aux Premières Nations. En 2022, le droit à un environnement sain a pourtant été reconnu par l’Assemblée générale des Nations unies, 161 pays, dont le Canada, ayant voté en sa faveur.
Le Canada a ensuite reconnu le droit à un environnement sain pour la première fois à l’échelon fédéral en 2023, au moyen de modifications apportées à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999. Ce droit est également reconnu de différentes façons en Ontario, au Québec, au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut.
Par suite de ces modifications fédérales, le gouvernement doit élaborer, d’ici juin 2025, un cadre de mise en œuvre qui précisera la portée et la réalisation, à l’échelle fédérale, du droit à un environnement sain. Il ne s’agit pas d’une mesure discrétionnaire, mais le premier ministre Carney semble avoir clairement fait part de son intention d’ignorer ou de mettre de côté unilatéralement la responsabilité légale du gouvernement à l’égard du droit à un environnement sain.
Il s’agit là d’une nouvelle menace brandie par le premier ministre Carney dans l’annexe 2 du projet de loi C-5, qui vise à supprimer des mesures de protection essentielles prévues dans diverses lois fédérales qui protègent l’environnement de multiples façons. Il s’agit notamment de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, la seule loi qui traite du droit à un environnement sain au Canada.
J’ai entendu dire que le projet de loi C-5 était pour le bien de tous. Voici une citation de Jakub Bożydar Wiśniewski, membre de l’institut Mises :
« Pour le bien de tous » : le syntagme qui précède toujours le pire des maux.
Nous, membres des Premières Nations, avons été sacrifiés pour le bien de tous pendant toute notre vie.
Chers collègues, je maintiens qu’il n’y a pas lieu d’adopter ce projet de loi, car les industries d’extraction des ressources ont déjà obtenu le pouvoir de continuer à causer des dommages catastrophiques, à polluer et à détruire, en dépit des lois fédérales et provinciales.
Comme nous allons le voir, la notion de compromis entre l’économie et l’environnement est un mythe. Dans son ouvrage intitulé The Right to a Healthy Environment: Revitalizing Canada’s Constitution, l’auteur David R. Boyd affirme :
[...] tout un tas d’études prouvent sans l’ombre d’un doute que le Canada est à la traîne par rapport à d’autres pays en matière de performance environnementale [...] Le très conservateur Conference Board du Canada […] [a déclaré que] les pays scandinaves [la Suède, la Finlande et la Norvège] devancent également le Canada en matière de compétitivité économique et d’innovation, ce qui met à mal le mythe selon lequel forte protection environnementale et prospérité économique ne peuvent aller de pair.
L’auteur poursuit :
Un projet de recherche collaboratif mené par l’Université Yale, l’Université Columbia et le Forum économique mondial a classé 45 pays devant le Canada en matière de performance environnementale. Neuf des pays classés parmi les quinze premiers du Forum économique mondial pour leur performance environnementale figurent également parmi les quinze premiers en matière de compétitivité mondiale, ce qui remet une nouvelle fois en cause l’idée d’une incompatibilité entre économie et environnement.
Lors d’une entrevue de fin d’année en 2006, le premier ministre Harper a reconnu que, « quelle que soit la mesure choisie, la performance du Canada sur le plan de l’environnement est une des pires du monde développé. Nous avons de graves problèmes. »
En 1969, le premier ministre Trudeau a déclaré :
Il est impossible dans notre État fédéral de lutter efficacement contre la pollution de nos rivières et de nos lacs, de notre campagne et de nos forêts, sans apporter à notre constitution certaines modifications ou précisions.
En 1978, l’Association canadienne du droit de l’environnement a conclu que le silence de la Constitution :
[...] a conduit les gouvernements fédéral et provinciaux à se renvoyer la balle et a abouti à une incapacité d’adopter les lois nécessaires, à une application inconstante et arbitraire de la législation existante et à des paradis de la pollution.
En 1984, J.P.S. MacLaren a fait valoir que « le spectre d’une contestation constitutionnelle a empêché Ottawa de mettre en œuvre ou de faire appliquer efficacement les lois environnementales ».
En 1992, la Cour suprême a statué que l’environnement est :
[...] une matière obscure qui ne peut être facilement classée dans le partage actuel des compétences, sans un grand chevauchement et une grande incertitude.
Voici une autre citation :
L’incertitude constitutionnelle entraîne un autre problème majeur : les entreprises contestent souvent les lois environnementales canadiennes — tant les lois provinciales que fédérales — sous prétexte qu’elles dépassent la compétence du gouvernement qui les a adoptées. Par exemple, la Cour suprême du Canada a invalidé une loi du Manitoba qui tenait les pollueurs industriels responsables des rejets de mercure nuisant aux pêches.
(1820)
Dans les années 1990, Ottawa a été à un cheveu de perdre sa capacité de réglementer la pollution toxique à cause d’une contestation constitutionnelle. L’affaire s’est produite quand Hydro-Québec a été accusée d’avoir déversé des biphényles polychlorés, ou BPC, dans la Saint-Maurice, en violation de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.
Hydro-Québec s’est défendue contre l’accusation de déversement de BPC en affirmant que la Loi canadienne sur la protection de l’environnement était inconstitutionnelle, et que le gouvernement fédéral n’avait pas le pouvoir nécessaire pour réglementer les substances toxiques. Selon Hydro-Québec, la pollution était une question locale relevant de la compétence exclusive du gouvernement provincial.
Les trois principaux ordres de tribunaux au Québec ayant donné raison au pollueur, l’affaire a finalement été portée devant la Cour suprême. En l’absence d’un mandat constitutionnel clair pour les lois fédérales sur l’environnement, les avocats défendant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement ont fait de leur mieux avec les quelques options médiocres dont ils disposaient : a) le pouvoir en matière de commerce du gouvernement fédéral; b) son pouvoir en matière de droit criminel; et c) le pouvoir du Parlement de légiférer sur les questions d’intérêt national en raison de sa compétence résiduelle relative au vague pouvoir concernant « la paix, l’ordre et le bon gouvernement », qui est prévu dans le paragraphe d’introduction de l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Par la plus faible des marges possible — cinq contre quatre —, cinq juges de la Cour suprême ont confirmé la constitutionnalité de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Pour ce faire, ils ont toutefois dû faire preuve d’une certaine créativité judiciaire, car ils ont invoqué les pouvoirs du gouvernement fédéral en matière de droit pénal. En effet, à cause de l’absence de protections environnementales dans la Constitution, les tribunaux et Ottawa sont contraints de faire des acrobaties juridictionnelles pour valider...
Son Honneur la Présidente : Sénatrice McCallum, votre temps de parole est écoulé. En demandez-vous davantage?
La sénatrice McCallum : Oui.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
La sénatrice McCallum : Certains invoquent également le vide constitutionnel du Canada pour retarder, bloquer ou édulcorer les mesures législatives et les règlements proposés en matière d’environnement. La loi fédérale qui régit la protection des espèces en voie de disparition en est un exemple classique.
En 2012, il est en effet devenu évident que le gouvernement conservateur dirigé par le premier ministre Stephen Harper misait sur une interprétation très étroite des compétences constitutionnelles afin de délester le gouvernement fédéral de ses responsabilités en matière de protection de l’environnement au Canada.
Je pose la question suivante à mes collègues : le gouvernement libéral actuel s’engage-t-il sur la même voie? Cherche-t-il à délester le fédéral de ses responsabilités en matière de protection de l’environnement?
Je vous laisse sur cette réflexion pour aujourd’hui et j’ai hâte de poursuivre mes observations lors du débat à l’étape de la lecture demain.
Kinanâskomitinâwâw.
L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, je vous remercie de me donner l’occasion de prendre la parole ce soir. Veuillez m’excuser, j’ai l’habitude d’utiliser des documents papier, mais je vais utiliser mon ordinateur ce soir.
J’ai rédigé des observations sur la partie du projet de loi C-5 qui traite de la mobilité de la main-d’œuvre. J’aimerais toutefois aborder ce soir les questions de fond qui méritent d’être examinées, à savoir la partie 2 du projet de loi C-5, qui porte sur l’édification du pays. Le préambule stipule « qu’il est urgent [...] de faire progresser [des projets] dans tout le Canada, y compris dans le Nord ».
Pourquoi a-t-on pris la peine de mentionner le Nord, et qu’est-ce qui constitue le Nord? Il se peut que les rédacteurs juridiques aient été invités à inclure ce passage afin de signaler l’attention que le gouvernement accorde à l’Arctique canadien, ce qui n’est pas non plus défini. Si, comme c’est souvent le cas, l’intention est de faire référence aux trois territoires du Nord, je trouve ce passage profondément troublant.
Les habitants des 10 provinces du Canada et les peuples autochtones du pays sont reconnus dans la Constitution canadienne. Le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut émanent chacun d’une loi du Parlement. Le Parlement peut modifier ces lois. Les trois lois ne figurent pas dans l’annexe et pourraient donc être modifiées par le gouverneur en conseil en vertu de cette mesure législative.
Certains pourraient dire de manière condescendante ou typiquement coloniale : « Ne vous inquiétez pas. »
Certains d’entre nous se souviennent de la réunion des premiers ministres des provinces et des territoires, en 1985, où le premier ministre de l’Ontario s’est montré peu accueillant envers le chef dûment élu du gouvernement du Yukon, Tony Penikett. La première chose que j’aie faite après mon élection en 2000 a été de signer officiellement l’accord sur les revendications territoriales des Ta’an Kwäch’än. La ligne où le Yukon devait signer, sur ce document qui avait été préparé par Ottawa, portait la mention « chef du gouvernement ».
Après mon élection, la première question que les médias m’ont posée a été : « Utiliserez-vous le titre de première ministre? » Ce à quoi j’ai répondu oui. Ottawa a mis beaucoup de temps à modifier son vocabulaire. Mes collègues à la réunion des premiers ministres étaient beaucoup plus généreux; ils ont accepté le terme et l’utilisaient. C’était il y a 25 ans seulement. La Loi sur le Nunavut a été adoptée en 1999.
La reconnaissance des territoires au sein de la famille de la Confédération du Canada n’en est qu’à ses balbutiements. En tant que parlementaires, vous devez penser aux plus jeunes et assumer vos responsabilités avec sérieux. Le monde nous observe, et tous convoitent ce que vous avez.
Veuillez noter que je n’ai pas l’intention de susciter un débat constitutionnel, ni de présenter un amendement à l’annexe du projet de loi. J’ai trop de respect pour les députés provinciaux et fédéraux, ainsi que pour les Premières Nations et les Inuit, pour emprunter cette voie, ce qui prolongerait le débat. Je vous demande de témoigner votre respect aux trois territoires et d’être conscients de la responsabilité qui vous incombe, au Sénat et à l’autre endroit, à l’égard de ces trois lois du Parlement qui définissent leur place au sein de la Confédération.
Il y a une expression selon laquelle ceux qui ne connaissent pas leur histoire sont condamnés à la répéter. Il existe également un vieil adage qui dit que l’on peut et que l’on doit tirer les leçons de notre histoire afin de ne pas répéter les erreurs du passé.
C’est particulièrement évident à l’article 7, qui porte sur la consultation. Comme je l’ai souligné dans mes questions pendant la séance de comité plénier, la consultation menée par le ministre est mal définie, elle n’est pas bien comprise par tous les gouvernements et il n’existe pas de définition commune des personnes qui devraient être consultées.
Permettez-moi de vous parler de l’expérience du Yukon.
En 1942, face à la menace japonaise, notamment après l’attaque des îles Aléoutiennes, au large de l’Alaska, le corps de génie militaire des États-Unis a construit la route de l’Alaska, qui relie Dawson Creek, en Colombie-Britannique, à Fairbanks, en Alaska. La majeure partie de cette route se trouve au Yukon. La contribution du gouvernement canadien a consisté à fournir les droits de passage.
Le ministère des Travaux publics a assumé cette responsabilité, et les États-Unis ont continué de financer l’entretien de cette route qui traverse le Canada en donnant de l’argent au gouvernement du Yukon jusqu’aux années 2000. L’oléoduc CANOL, qui faisait également partie de l’effort de guerre, a été construit pour transporter le pétrole de Norman Wells, dans les Territoires du Nord-Ouest, jusqu’à une raffinerie à Whitehorse. La raffinerie a été fermée, et les véhicules ayant servi à la construction, maintenant rongés par la rouille, ont été abandonnés sur le bord de la route. Le Canada a-t-il contribué à ce projet étatsunien? Pas tellement. Encore une fois, on voulait passer par notre territoire. On a aussi construit un oléoduc de Haines, en Alaska, jusqu’à Fairbanks, en Alaska, en passant par la route de l’Alaska et par Haines Junction, au Yukon.
Honorables sénateurs, vous avez peut-être entendu parler du Tordon 101, une substance toxique que les États-Unis ont utilisée comme défoliant pendant la guerre du Vietnam. Des documents révèlent que les États-Unis ont fait l’épandage de Tordon et d’autres produits défoliants au Canada, au-dessus de l’oléoduc dont je viens de parler. Une revendication particulière fait toujours l’objet de discussions entre les Premières Nations yukonnaises de Champagne et d’Aishihik et le gouvernement du Canada. On me dit que l’information sur ce dossier de revendication en suspens et non résolu se trouvait dans les archives de la division de l’ancien ministère des Affaires indiennes qui était responsable des revendications de l’Ouest.
Ce sont là trois projets étatsuniens réalisés en sol canadien — en grande partie au Yukon — qui ont eu d’importantes répercussions environnementales et sociales et qui, à part l’infrastructure de la route de l’Alaska, n’a offert pratiquement pas de retombées économiques durables pour le Canada ou les Canadiens.
Elijah Smith a consulté toutes les Premières Nations du Yukon pour rédiger son document intitulé Together Today for our Children Tomorrow, qui est par la suite devenu le fondement des revendications territoriales. Les consultations et ce document ont servi de base à l’accord-cadre définitif.
(1830)
L’accord-cadre définitif comporte un chapitre qui exige que le Yukon procède à une évaluation des activités de développement. La Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon est une loi conçue au Yukon pour répondre aux besoins des Premières Nations et des autres Yukonnais. Elle ne ressemble à aucun autre processus d’évaluation au Canada. La Loi a constitué l’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon, un organisme indépendant chargé d’effectuer des évaluations environnementales et socioéconomiques.
Les sept membres qui composent cet office sont nommés par le Canada d’après les candidatures proposées par le Conseil des Premières Nations du Yukon, ainsi que par les gouvernements du Yukon et du Canada. Le travail de l’office est régi par la loi. Comme je l’ai indiqué, cette loi a été signée et élaborée par le gouvernement du Canada, le gouvernement du Yukon et les Premières Nations du Yukon.
L’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon peut recommander qu’un projet soit permis, permis sous réserve de certaines conditions, refusé ou renvoyé pour examen à un niveau d’évaluation plus élevé si nécessaire, y compris un comité d’experts fédéral. Les décideurs sont le gouvernement du Yukon, les Premières Nations du Yukon et le gouvernement du Canada. La participation du public au processus n’est pas seulement souhaitée : elle est encouragée.
Chers collègues, cet office a été créé en 2003. La loi elle-même est entrée en vigueur en 2005. Elle est loin d’être parfaite. C’est un travail en cours, tout comme le Sénat indépendant est un travail en cours. Ce travail prend du temps. Tout le monde n’est pas satisfait du résultat, mais nous y travaillons ensemble.
Je vous parle de ce travail difficile et exigeant pour plusieurs raisons. L’histoire inclut les répercussions historiques, dans une région du Canada, de notre proximité avec nos voisins américains, ainsi que le manque de considération dont le Canada a fait preuve dans le passé envers les Premières Nations et notre incapacité à faire valoir notre souveraineté économique et sociale au Yukon en particulier. Nous devons tirer des leçons de l’histoire du Yukon afin de ne pas répéter les erreurs du passé, notamment dans le cadre du projet de loi C-5. L’histoire nous apprend comment élaborer une mesure législative sur l’évaluation qui fera l’envie des autres. Le Yukon est une région qui montre la voie à suivre grâce à ses Premières Nations.
Il existe également une expression selon laquelle le diable est dans les détails. Les détails se trouveront dans la mise en œuvre du projet de loi C-5. On ne sait pas encore clairement comment le projet de loi fonctionnera avec les lois existantes. D’autres ont fait remarquer qu’un projet jugé d’intérêt national pourrait bénéficier d’un statut privilégié par rapport à une évaluation environnementale. Je vois les choses différemment. Je considère cela comme une occasion pour le Canada de partager, de bâtir notre pays et d’inclure le Nord.
Les investisseurs seront l’élément clé pour tous les projets. Outre le gouvernement, les Premières Nations auront l’occasion d’investir, d’unir leurs forces et de financer, par exemple, la ligne de transport d’électricité dont il est question actuellement. La Colombie-Britannique a enfin reconnu nos besoins dans ce domaine et a convenu qu’il serait peut-être possible de prolonger une ligne de transmission. En tant que Canadiens, nous devons partager les uns avec les autres et nous devons bâtir notre pays. Nous devons le bâtir ensemble, selon moi.
Le projet de loi C-5 est porteur de possibilités non seulement pour le Yukon et les Premières Nations du Yukon, mais pour l’ensemble du Canada. Je suis certes sensible aux observations qui ont été faites, mais j’encourage vivement mes collègues à reconnaître qu’il y a, au pays, des endroits où on collabore, où on fait des progrès et où on crée une société qui s’efforce de bâtir un pays meilleur pour nous tous. Merci.
[Français]
Décision de la présidence
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je veux revenir au rappel au Règlement soulevé par la sénatrice McPhedran. L’on m’a demandé d’exercer le pouvoir de la présidence pour séparer les votes sur le projet de loi C-5. Au Sénat, il n’y a eu qu’un seul cas connu où la présidence a agi de cette façon, tel qu’énoncé dans une déclaration faite par le Président Kinsella le 5 novembre 2013. À ce moment, le Sénat étudiait une motion de fond très complexe qui traitait de diverses questions distinctes. La motion était rédigée de façon à permettre des votes distincts.
Le Règlement du Sénat ne prévoit pas de disposition pour la séparation de votes sur les projets de loi, ni à la deuxième ni à la troisième lecture. La situation est très différente à la Chambre des communes, où une disposition du Règlement traite de façon explicite de votes distincts sur des dispositions de projets de loi du gouvernement dans certaines circonstances. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé à la Chambre des communes, vendredi dernier.
Je tiens à rappeler aux sénateurs que la motion tendant à la lecture de ce projet de loi est très simple : « Que le projet de loi soit lu la deuxième (ou la troisième) fois ». Cette motion simple, à première vue, ne peut pas faire l’objet de décisions séparées.
Si le Sénat rendait une décision sur une motion tendant à la deuxième ou à la troisième lecture d’un projet de loi en votant plus d’une fois, et s’il rejetait un de ces votes, ce serait l’équivalent d’y apporter un amendement. Notre Règlement et nos procédures ne permettent pas des amendements au texte d’un projet de loi à l’étape de la deuxième lecture. Mais, contrairement à la Chambre des communes, nos procédures permettent aux sénateurs de proposer des amendements au texte d’un projet de loi à l’étape de la troisième lecture. Cela offre aux sénateurs un moyen plus direct et plus clair de proposer des amendements, ce qui a de plus l’avantage d’être conforme à la procédure établie.
À titre de résumé : la question portant à la lecture du projet de loi n’est pas complexe, des votes distincts sur la motion tendant à la deuxième lecture ne sont pas possibles, et, en dernier lieu, les procédures et pratiques normales peuvent être utilisées pour proposer des modifications au texte du projet de loi lors du débat à l’étape de la troisième lecture. Cela donne amplement d’opportunités aux sénateurs de raffiner le projet de loi C-5, s’ils le souhaitent.
Pour toutes ces raisons, s’il y a demande de vote par appel nominal, il ne sera pas séparé, ni à l’étape de la deuxième lecture ni à l’étape de la troisième lecture.
Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénatrice Petten, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(La troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
[Traduction]
Projet de loi de crédits no 1 pour 2025-2026
Deuxième lecture
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-6, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2026, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je suis heureuse de présenter le projet de loi C-6, Loi de crédits no 1 pour 2025-2026, qui prévoit des crédits pour le Budget principal des dépenses.
J’ai déjà prononcé une version de ce discours à maintes reprises, mais chaque fois, il y a de nouveaux collègues au Sénat. J’espère donc que ceux d’entre vous qui l’ont déjà entendu me pardonneront de faire un bref rappel du processus avant que j’entre dans les détails de ce que contient ce budget des dépenses.
Les projets de loi de crédits constituent un élément fondamental du cycle financier annuel du Parlement. Il y a quelques semaines, le gouvernement a présenté ses prévisions de dépenses pour l’année à venir, mais les prévisions de dépenses doivent être approuvées par le Parlement, et des projets de loi comme celui-ci sont le mécanisme pour le faire. Une fois approuvés, ces fonds permettront aux ministères et aux organismes fédéraux de continuer à offrir des programmes et des services aux Canadiens.
Les prévisions des dépenses se font généralement en quatre documents annuels. Il y a le Budget principal des dépenses, sur lequel porte ce projet de loi. Le Budget principal des dépenses présente l’essentiel des dépenses fédérales prévues pour l’exercice à venir. Cependant, pour diverses raisons, ce ne sont pas toutes les dépenses qui peuvent être comptabilisées dans le Budget principal des dépenses. Il arrive que des initiatives soient encore en cours d’élaboration au moment où le Budget principal des dépenses est présenté, et, dans certains cas, de nouveaux besoins se manifestent au cours de l’année.
(1840)
Pour ces raisons, le gouvernement présente des budgets supplémentaires des dépenses au Parlement pour que ce dernier les examine.
Le Budget supplémentaire des dépenses (A) est présenté au printemps. Celui de cette année a été présenté au début du mois de juin, quelques semaines seulement après le Budget principal des dépenses. Nous l’examinerons sous peu dans le cadre de l’étude du projet de loi C-7. Le Budget supplémentaire des dépenses (B) est présenté à l’automne, et le Budget supplémentaire des dépenses (C), à l’hiver, au besoin.
C’est pourquoi je prononce ce discours quatre fois par an depuis que j’occupe ce poste. C’est de plus en plus intéressant chaque fois. Toutefois, c’est un exercice vraiment essentiel pour le fonctionnement du gouvernement fédéral, alors je vais maintenant parler de certains détails du Budget principal des dépenses 2025-2026.
Le Budget principal des dépenses de cette année présente de l’information concernant 222,9 milliards de dollars de dépenses votées, c’est-à-dire des dépenses qui doivent être approuvées par le Parlement, et 264 milliards de dollars de dépenses législatives, c’est-à-dire des dépenses qui ont déjà été autorisées en vertu de lois existantes. Les dépenses budgétaires prévues totalisent donc 486,9 milliards de dollars pour 130 organismes. Ce montant comprend 294,8 milliards de dollars en paiements de transfert à d’autres ordres de gouvernement, à des organismes et à des particuliers; 143,1 milliards de dollars en dépenses de fonctionnement et d’immobilisations; et 49,1 milliards de dollars pour payer les intérêts et les frais d’administration de la dette publique.
Dans l’ensemble, les dépenses totales prévues dans le Budget principal des dépenses de cette année représentent une légère augmentation de 230 millions de dollars par rapport au montant total de l’année dernière. Cette augmentation reflète la mise à jour des prévisions de dépenses législatives qui ont été publiées dans L’Énoncé économique de l’automne 2024 pour des éléments tels que les transferts aux provinces et aux territoires pour les soins de santé.
Évidemment, comme le Budget principal des dépenses couvre à peu près toutes les dépenses fédérales pour l’année, je ne peux pas entrer dans les détails de chaque dépense, mais je vais mentionner certains des postes les plus importants.
Les dépenses votées les plus importantes du Budget principal des dépenses sont proposées pour le ministère de la Défense nationale, pour un total de 33,9 milliards de dollars. Je pense que nous comprenons tous que nous sommes entrés dans une nouvelle ère, avec de nouvelles considérations en matière de défense et de sécurité. Nous devons être forts chez nous et prêts à affirmer notre souveraineté, en particulier dans l’Arctique et les régions nordiques. Nous devons également être des partenaires fiables et compétents pour nos alliés, en particulier dans les régions euro-atlantique et indo-pacifique. En outre, les forces armées restent une ressource vitale lorsque les Canadiens sont confrontés à des catastrophes naturelles ou à d’autres situations d’urgence.
Les dépenses de défense prévues comprennent 12,3 milliards de dollars pour assurer la disponibilité opérationnelle des forces armées, 9,5 milliards de dollars pour les achats militaires et 4,9 milliards de dollars pour assurer la durabilité des bases, des systèmes informatiques et des infrastructures.
Je vous signale que le Budget supplémentaire des dépenses (A) propose des dépenses de défense supplémentaires, comme le savent les membres du Comité des finances nationales, mais j’en parlerai bientôt dans le cadre du projet de loi C-7.
Le deuxième poste le plus important de ce budget des dépenses concerne le ministère des Services aux Autochtones, avec un total de 25,2 milliards de dollars. Si elles sont approuvées, ces sommes serviront à financer des initiatives importantes, notamment la prestation de soins de santé, la construction et l’entretien d’infrastructures communautaires, les Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, ainsi que la poursuite des travaux avec les Premières Nations en vue d’établir une nouvelle relation financière plus prévisible et plus souple avec le gouvernement fédéral.
Sur une note personnelle, j’ai récemment eu l’occasion de rencontrer la nouvelle ministre des Services aux Autochtones, Mme Gull-Masty, la première personne autochtone à occuper ce poste, et je l’ai félicitée pour cette nomination. Je suis ressortie de cette rencontre inspirée par son ambition et sa détermination, et j’ai hâte d’en savoir plus à son sujet, notamment lors de ses interventions, sans doute nombreuses, devant le Comité des peuples autochtones, alors qu’elle pilotera la mise en œuvre des initiatives rendues possibles par ces investissements.
Le dernier poste budgétaire que j’aborderai dans ce budget des dépenses, c’est celui du ministère de l’Emploi et du Développement social, pour lequel 13,1 milliards de dollars sont proposés. Ce ministère offre toute une gamme de programmes et de services essentiels, notamment une sécurité de revenu de base aux aînés, du soutien aux chômeurs, de l’aide aux étudiants pour financer leurs études postsecondaires et de l’aide aux parents qui élèvent de jeunes enfants.
Le Budget principal des dépenses prévoit notamment 107,1 millions de dollars pour la Stratégie canadienne de formation en apprentissage du ministère de l’Emploi et du Développement social, qui fait la promotion des métiers spécialisés comme choix de carrière et aide les Canadiens à découvrir les programmes d’apprentissage et à s’y épanouir.
Un autre montant de 64,3 millions de dollars est réservé au programme Nouveaux Horizons pour les aînés d’Emploi et Développement social Canada, qui finance des projets visant à impliquer les aînés dans leurs collectivités, notamment en tant que mentors et bénévoles.
Il ne s’agit là que de quelques exemples d’initiatives d’Emploi et Développement social Canada qui sont financées dans le présent budget des dépenses et qui peuvent véritablement changer les choses dans la vie des gens un peu partout au Canada.
Enfin, voici quelques autres points saillants du Budget principal des dépenses de cette année : 7,6 milliards de dollars pour les prestations aux anciens combattants; 6,3 milliards de dollars pour le logement; 1,9 milliard de dollars pour la gestion des frontières, avec 513 millions de dollars supplémentaires pour l’application de la loi à la frontière.
Quiconque souhaite examiner ces propositions de dépenses ou d’autres propositions plus en détail peut consulter le site Web du Conseil du Trésor ou la transcription des récentes réunions du Comité des finances nationales. Le Comité sénatorial des finances a étudié les prévisions budgétaires depuis leur dépôt il y a quelques semaines. Je remercie les membres du comité pour leur travail.
Avant de conclure, j’aimerais aborder un élément particulier au budget des dépenses de cette année en raison des élections qui ont eu lieu au printemps. Comme le Parlement ne siégeait pas, la gouverneure générale a donné des mandats spéciaux afin de financer les activités du gouvernement pendant la période intérimaire. Le montant total des deux mandats spéciaux s’élevait à 73,4 milliards de dollars. Le premier, d’un montant de 40,3 milliards de dollars, couvrait la période du 1er avril au 15 mai. Le second, d’un montant de 33,1 milliards de dollars, fournissait des crédits supplémentaires pour la période du 16 mai au 29 juin. Les dépenses autorisées par ces mandats spéciaux sont incluses dans les totaux du Budget principal des dépenses, et les montants indiqués pour chaque organisation tiennent compte de ces dépenses
Chers collègues, je vous invite à vous joindre à moi pour appuyer le projet de loi C-6 et approuver les plans de dépenses du gouvernement pour 2025-2026. Comme le montre ce budget des dépenses, le gouvernement propose des investissements qui permettront de relever les défis et de saisir les occasions qui se présentent dans la conjoncture actuelle, tout en répondant aux priorités des Canadiens d’une manière responsable et équitable du point de vue financier.
Merci.
Son Honneur la Présidente : Sénatrice Batters, avez-vous une question?
L’honorable Denise Batters : J’en ai quelques-unes.
Tout d’abord, au début de votre discours de ce soir, sénatrice LaBoucane-Benson, vous avez dit que l’objet du projet de loi C-6, le Budget principal des dépenses, faisait partie de notre cycle financier annuel. Récemment, la sénatrice Marshall, porte-parole de l’opposition extrêmement compétente pour ce projet de loi et de nombreux autres projets de loi financiers dont le Sénat est saisi, a déclaré que certaines autres parties du cycle financier annuel brillaient par leur absence.
Pourriez-vous nous parler des éléments que le gouvernement n’a pas présentés dans ce cycle financier annuel et nous expliquer pourquoi il ne l’a pas fait?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Tout d’abord, je conviens que la porte-parole pour le projet de loi est très compétente et j’ai hâte d’entendre la sénatrice Marshall.
Vous avez parlé de « parties manquantes », mais ce n’est pas très précis. Pouvez-vous me dire précisément ce que vous demandez?
La sénatrice Batters : Merci. Commençons par le budget. Où est-il? Où sont les nombreux autres documents d’emprunt et ce genre de choses, que je ne connais certainement pas aussi bien que la sénatrice Marshall? Je suis sûre qu’elle en parlera dans son discours. Je parle du genre d’éléments qui vont généralement de pair avec le cycle annuel.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci, sénatrice, pour cette question.
En ce qui concerne le budget, le premier ministre nous a dit qu’il serait présenté à l’automne. Je pense que, compte tenu de tout ce qui se passe actuellement dans le monde, un budget présenté à l’automne sera très probablement beaucoup plus détaillé. Il nous fournira davantage de détails dans quelques mois, lorsque des dossiers comme le nouvel accord avec l’UE seront réglés et que nous connaîtrons les prévisions en matière de dépenses. Ce sera donc à l’automne.
Par exemple, l’un des points soulevés par ma collègue concerne le service de la dette. En réalité, la sénatrice Marshall a précisément demandé la date de la publication de la stratégie de gestion de la dette.
La Loi sur la gestion des finances publiques exige la publication dans les 30 jours suivant le début de l’exercice financier. Le ministère des Finances prépare en ce moment la stratégie de gestion de la dette. La date limite prévue par la loi est le 26 septembre, mais on est en train de la préparer et elle sera présentée en temps et lieu.
(1850)
En plus du budget et de la stratégie de gestion de la dette, je sais que la sénatrice Marshall a demandé les plans ministériels, qui ont déjà été publiés.
La sénatrice Batters : Vous avez ensuite donné quelques détails. Vous avez notamment mentionné que les dépenses votées les plus importantes du Budget principal des dépenses sont proposées pour le ministère de la Défense nationale, soit 33,9 milliards de dollars. Vous avez fourni des ventilations peu détaillées. Cependant, puisqu’il est question d’une somme de 33,9 milliards de dollars, vous avez affirmé que vous parlerez davantage de ces dépenses de défense dans le cadre du projet de loi C-7, qui porte sur le Budget supplémentaire des dépenses (A). D’après ce que j’ai pu comprendre, on parle d’une somme d’environ 9 milliards de dollars. Cependant, ce sont là des dépenses supplémentaires, et non les 33,9 milliards de dollars en question. Revenons sur ces 33,9 milliards de dollars. Étant donné l’importance de cette somme, j’aimerais obtenir plus de détails sur les types de dépenses qui y sont incluses. L’une des principales dépenses est peut-être celle pour les achats militaires qui, selon vous, s’élèvent à environ 9 milliards de dollars.
Auriez-vous la bienveillance de nous fournir plus de détails à ce sujet? Je sais que beaucoup de Canadiens aimeraient en entendre plus sur ces dépenses proposées. Étant donné qu’il est question de 34 milliards de dollars, ils méritent d’en savoir davantage.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci beaucoup pour la question.
Le plan ministériel du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes est divisé en six responsabilités essentielles. La première responsabilité essentielle vise les opérations. Les résultats recherchés sont : les Canadiens sont protégés contre les menaces, les personnes en détresse bénéficient d’une intervention efficace de recherche et sauvetage, la souveraineté du Canada dans l’Arctique est préservée, l’Amérique du Nord est défendue contre les menaces et les attaques, et les Forces armées canadiennes contribuent à un monde plus stable et paisible.
Pour ce faire, le ministère compte pourvoir les Forces armées canadiennes d’un personnel adéquat doté de matériel adéquat.
Pour la deuxième responsabilité essentielle, on parle de forces prêtes au combat. Le ministère établira des priorités et dirigera les activités de défense afin de s’assurer que les Forces armées canadiennes sont prêtes à exécuter des opérations complexes. Il s’agira notamment d’améliorer l’état de préparation en s’appuyant sur quatre piliers clés : le personnel, l’équipement, l’entraînement et le maintien en puissance.
La troisième responsabilité essentielle est l’équipe de la défense. Le ministère s’attachera à renforcer son programme pluriannuel visant à améliorer la capacité d’attirer, de recruter et de maintenir son personnel, ainsi qu’à faire progresser les efforts visant à constituer une équipe qui soutient les vastes perspectives, la diversité culturelle et linguistique, de même que l’équilibre entre les sexes, l’âge et d’autres caractéristiques de la société canadienne.
La quatrième responsabilité essentielle est le concept de force de l’avenir. Le ministère souhaite faire en sorte que ses capacités soient conçues pour répondre aux menaces futures, et que les défis en matière de défense et de sécurité soient abordés par des solutions innovantes.
La cinquième responsabilité essentielle est l’acquisition de capacités, alors que la sixième porte sur les bases, les systèmes de technologie de l’information et les infrastructures durables.
Les plans ministériels fournissent des détails assez précis sur les six responsabilités essentielles, et c’est là qu’une grande partie de cet argent est allouée.
La sénatrice Batters : Merci.
Revenons-en donc à la partie du projet de loi qui concerne les acquisitions militaires. Comme vous l’avez dit, il faut veiller à ce que les très compétents membres des Forces armées canadiennes soient mieux équipés. Concernant les 9 milliards de dollars consacrés aux acquisitions militaires dans ce projet de loi — je ne parle pas du projet de loi C-7, dont vous parlerez plus tard —, quels types d’acquisitions militaires sont visées? Y a-t-il un montant prévu pour l’achat d’avions de chasse?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Au sujet de la responsabilité essentielle 5, l’acquisition de capacités, les dépenses prévues s’élèvent à 9,5 milliards de dollars. Les ressources humaines prévues sont de 3 064 personnes. Les résultats du ministère sont évalués par rapport à la rationalisation des achats dans le domaine de la défense, la bonne gestion de l’acquisition des technologies de l’information dans le domaine de la défense et la disponibilité et la saine gestion des fournitures. Le ministère examine attentivement la manière dont il procède aux achats et il veille à ce que les ressources soient utilisées judicieusement afin qu’elles soient bien gérées.
Pour relever ces défis, le ministère de la Défense élaborera une stratégie industrielle de défense qui visera à garantir que les Forces armées canadiennes puissent obtenir un accès rapide et fiable aux capacités essentielles tout en soutenant les assises de l’industrie de la défense au Canada.
Les plans ministériels comptent donc un plan complet des capacités d’approvisionnement, mais il ne s’agit que d’une vue d’ensemble.
La sénatrice Batters : Certains d’entre eux concernent des détails sur les éléments précis dont on prévoit de faire l’acquisition, mais je vais passer à autre chose.
Pouvez-vous nous donner plus de détails sur les principaux éléments compris dans ces mandats spéciaux? Vous avez indiqué que le total s’élevait à 73,4 milliards de dollars. Le premier mandat s’élevait à 40,3 milliards de dollars, et le second, à 33,1 milliards de dollars pour les derniers mois. Pourriez-vous nous indiquer quelles étaient les plus grosses dépenses au titre de ces mandats spéciaux?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci pour votre question.
Je n’ai pas sous les yeux la ventilation des mandats spéciaux. Ils étaient basés sur des fonds déjà approuvés qui étaient nécessaires au fonctionnement du gouvernement.
Pour ce qui est des détails, mon bureau pourra vous les fournir. Je n’en suis pas capable pour l’instant.
La sénatrice Batters : D’accord. Je vous inviterais simplement à inclure ces renseignements dans votre discours à l’étape de la troisième lecture, parce qu’il s’agit de 73,4 milliards de dollars. Recevoir simplement un document ou devoir assister à des heures de réunions du comité… Je pense que nous devons connaître ces chiffres avant de devoir voter sur une somme de 73 milliards de dollars.
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, il est 19 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?
Des voix : D’accord.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non ».
Honorables sénateurs, le consentement n’a pas été accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je quitterai le fauteuil jusqu’à 20 heures.
(La séance du Sénat est suspendue.)
(Le Sénat reprend sa séance.)
(2000)
L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, je tiens à remercier la sénatrice LaBoucane-Benson de ses observations. À l’instar de la sénatrice, qui a donné un peu de contexte historique au sujet de certaines parties du Budget principal des dépenses, je vais retourner un peu en arrière en parlant de la dette, car il y a bon nombre de nouveaux sénateurs parmi nous. Je ne sais pas s’ils vont aimer cela, mais cela pourrait au moins les éclairer. Je sais que bien des gens perdent tout intérêt lorsque je prends la parole au sujet du budget des dépenses.
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-6, Loi de crédits no 1 pour 2025-2026. Ce projet de loi, qui porte sur le Budget principal des dépenses 2025-2026, qu’on appelle aussi le livre bleu, demande au Parlement d’approuver des dépenses de 149 milliards de dollars pour l’administration publique fédérale. Le Budget principal des dépenses 2025-2026 propose des dépenses totales de 488 milliards de dollars pour l’exercice en cours. Sur ces 488 milliards de dollars, 265 milliards ont déjà reçu l’autorisation du Parlement en vertu d’autres dispositions législatives, comme la Loi sur la gestion des finances publiques. En outre, des dépenses d’un peu plus de 73 milliards de dollars ont été autorisées au moyen de mandats spéciaux en raison des élections générales de 2025. Il reste donc des dépenses de 149 milliards de dollars à autoriser, et c’est ce que vise le projet de loi.
Je veux simplement dire que, dans mon bureau, nous procédons à une analyse très approfondie du projet de loi, qui est assez long. L’annexe inclut les sommes accordées à chacun des ministères. Nous les passons en revue, nous les vérifions toutes et nous nous assurons que le Conseil du Trésor a bien utilisé sa calculatrice pour déterminer ce qui doit figurer dans le projet de loi.
Le Budget principal des dépenses pour 2025-2026 a été déposé au Sénat le 28 mai et renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales le 29 mai.
Le Budget principal des dépenses pour 2025-2026 prévoit des dépenses de 486 milliards de dollars. Il s’agit d’une augmentation de 8 % par rapport aux 449 milliards de dollars prévus dans celui de l’an dernier. Cela dit, il est prématuré de tirer des conclusions en comparant les budgets principaux des dépenses de ces deux exercices financiers, car le gouvernement demandera l’autorisation du Parlement pour des dépenses supplémentaires dans des projets de loi de crédits à venir, dans le budget et peut-être même dans une mise à jour économique. De plus, le gouvernement demande souvent des fonds supplémentaires dans divers projets de loi.
À titre d’exemple, le Budget principal des dépenses de 2023-2024 prévoyait des dépenses de 433 milliards de dollars, mais les dépenses réelles pour cette année-là se sont élevées à 513 milliards de dollars, soit une augmentation substantielle de 80 milliards de dollars.
Nous ne sommes qu’en juin, et comme il reste neuf mois avant la fin de l’exercice financier, le gouvernement dispose encore de beaucoup de temps et d’occasions pour obtenir l’autorisation de dépenser davantage.
Le Budget principal des dépenses fournit uniquement des renseignements sur les dépenses estimées du gouvernement. En l’absence de budget, nous ne connaissons pas les recettes estimées du gouvernement pour cette année, et rien n’indique le déficit prévu. Cependant, nous savons que les prévisions de recettes pour cette année présentées par le gouvernement précédent dans son Énoncé économique de l’automne 2024 ne sont plus valables. Le nouveau gouvernement a déjà annoncé des initiatives qui entraîneront une baisse des recettes.
De plus, le gouvernement précédent avait estimé qu’il percevrait 3,3 milliards de dollars en recettes supplémentaires au cours du présent exercice grâce aux modifications apportées à l’impôt sur les gains en capital. Étant donné que cet impôt ne sera plus augmenté, ces recettes de 3,3 milliards de dollars ne seront pas perçues.
Nous pouvons constater dans le Budget principal des dépenses 2025-2026 que les dépenses augmentent et nous savons que les recettes diminuent. Par conséquent, nous pouvons nous attendre à un déficit plus important pour cette année.
Étant donné que le gouvernement prévoit enregistrer un déficit cette année, on peut s’attendre à ce qu’il augmente ses emprunts. Cependant, la stratégie de gestion de la dette pour 2025-2026 n’a pas encore été présentée, ce qui signifie que nous ne savons pas combien d’argent le gouvernement prévoit emprunter.
Le plafond de la dette fixé par la loi est d’un peu plus de 2 billions de dollars; il s’applique à la dette fédérale et à la dette contractée sur les marchés par les sociétés d’État. Cette limite est établie en vertu de la Loi autorisant certains emprunts. Cette loi a été promulguée en 2017 afin de conférer au ministre des Finances le pouvoir d’emprunter et de fixer un montant maximal d’emprunt. Le gouvernement ne peut emprunter au-delà du plafond d’endettement sans l’autorisation du Parlement.
Le plafond initial, fixé en 2017, était légèrement supérieur à 1 billion de dollars. Au cours des huit dernières années, le plafond de la dette a donc doublé pour atteindre un peu plus de 2 billions de dollars. Notre dette réelle était de 918 milliards de dollars en 2015. Elle est passée à un peu plus de 1 billion de dollars lorsque la Loi autorisant certains emprunts a été promulguée, en 2017, et elle était de 1,7 billion de dollars il y a 15 mois. Non seulement le plafond de la dette a doublé, mais la dette réelle a également doublé depuis 2015.
Les comptes publics pour l’exercice se terminant le 31 mars 2024 indiquent que la dette totale par rapport à ce plafond s’élève à 1,7 billion de dollars. Cependant, il s’agit des emprunts contractés il y a 15 mois, et nous ne disposons pas de chiffres actuels. C’est l’une des limites imposées par le gouvernement actuel, qui se montre réticent à fournir des renseignements financiers à jour.
Je tiens à faire ici une distinction : il y a quelques minutes, je parlais de la stratégie de gestion de la dette, qui est tournée vers l’avenir, mais je parle maintenant des rapports sur la gestion de la dette, qui portent sur le passé. Les rapports sur la gestion de la dette du 31 mars 2024 et du 31 mars 2025 n’ont pas encore été déposés. Aucune stratégie de gestion de la dette n’a été présentée pour 2025-2026. Encore une fois, cela démontre la réticence du gouvernement à fournir aux Canadiens et aux parlementaires des renseignements financiers à jour.
Le mois dernier, l’agence de notation Fitch a mis en garde le gouvernement fédéral contre tout excès de dépenses déficitaires. L’agence a déclaré que le Canada avait connu une détérioration budgétaire rapide et importante en raison de perspectives économiques nettement plus faibles et de l’augmentation des dépenses publiques.
Elle a ajouté :
Les atouts du Canada en matière de crédit offrent une marge de manœuvre importante pour faire face à un choc budgétaire ou économique, mais des déficits structurels accrus exerceraient une pression sur son profil de crédit.
L’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, a déjà indiqué que l’économie mondiale se dirigeait vers un ralentissement et que l’Amérique du Nord serait la plus durement touchée. Dans un rapport publié début juin, l’OCDE indique que le Canada sera l’une des économies les plus durement touchées du monde développé cette année et l’année prochaine. Elle indique en outre que les risques financiers s’accroissent. La dette publique est déjà élevée dans de nombreuses économies avancées et émergentes, et les pressions sur les dépenses augmentent dans des domaines tels que la défense, la transition écologique et le vieillissement de la population. Le coût du service de la dette augmente également, ce qui exerce des pressions supplémentaires sur les finances publiques. Le coût du service de la dette augmente également, ce qui exerce une pression supplémentaire sur les finances publiques. Le Canada peut certainement se sentir concerné par ces risques accrus.
Les données actuelles sur les frais d’intérêt font également défaut. Le Budget principal des dépenses indique des frais d’intérêt de 49 milliards de dollars. Cependant, l’Énoncé économique de l’automne 2024 prévoyait des frais de 54 milliards de dollars au titre du service de la dette publique pour le présent exercice, qui passeraient à près de 70 milliards de dollars d’ici 2029-2030. Toutefois, compte tenu des dépenses prévues dans le programme électoral des libéraux et du récent discours du Trône du gouvernement, ces frais d’intérêt projetés ne sont pas à jour. Par conséquent, je m’attends à une augmentation des coûts du service de la dette pour financer la dette existante et les nouvelles dettes, et nous pouvons nous attendre à voir ces coûts dans les prochains budgets des dépenses, dans le budget et peut-être dans un énoncé économique de l’automne.
Dans son rapport sur le Budget principal des dépenses, le directeur parlementaire du budget a indiqué que les frais de la dette publique ont considérablement augmenté au cours des trois dernières années en raison d’une forte hausse de l’encours de la dette publique, conjuguée aux taux d’intérêt en vigueur élevés par la suite.
Les coûts liés au service de la dette sont passés de 24 milliards de dollars en 2014-2015 à 35 milliards en 2022-2023, puis à 47 milliards en 2023-2024. Selon les projections, ils devraient atteindre 70 milliards en 2029-2030.
(2010)
Durant son témoignage sur le Budget principal des dépenses, le directeur parlementaire du budget nous a dit qu’en l’absence d’un budget, il est difficile de connaître les prévisions du gouvernement en matière de recettes. Il a ajouté qu’on demande aux parlementaires d’autoriser des dépenses sans savoir ce que le gouvernement prévoit faire — à long ou, même, à moyen terme — après avoir présenté le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses (A).
J’ai été surprise lorsque M. Champagne, le ministre des Finances, a dit qu’aucun budget ne serait présenté cette année. Certains considèrent peut-être que la promesse d’un budget cet automne constitue un progrès, mais je ne partage pas leur avis. Le budget est le plan financier du gouvernement. Comme l’a déclaré le premier ministre pendant la campagne électorale, « il vaut mieux avoir un plan que pas de plan du tout ». Or, à l’heure actuelle, nous n’avons pas de plan. Présenter un plan à l’automne, alors que l’exercice est déjà bien entamé, n’est ni utile ni informatif.
Nous avons besoin d’un budget pour informer les Canadiens du programme financier et politique du gouvernement pour l’exercice. Il nous indiquera combien d’argent le gouvernement prélèvera sur nos impôts et sur d’autres sources de revenus. La plupart des recettes publiques proviennent des taxes et des impôts qu’on nous fait payer. Un budget nous indiquerait également comment le gouvernement prévoit dépenser notre argent et combien il prévoit emprunter.
Le gouvernement empruntera certainement des milliards de dollars cette année, sur lesquels il devra payer des intérêts en utilisant l’argent des contribuables. Ces milliards de dollars empruntés seront remboursés par nos enfants, nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants. Puisque ce sont les contribuables, dont nous faisons partie, qui financent ces emprunts, le gouvernement devrait présenter un budget dès maintenant et nous dire combien il prévoit emprunter et quels seront les intérêts sur ces emprunts. Nous avons besoin d’une feuille de route budgétaire dès maintenant.
En réponse aux questions concernant la décision de reporter la présentation du budget, la vérificatrice générale du Canada nous a dit qu’il était inhabituel de commencer un exercice financier sans budget, car celui-ci favorise la transparence globale. Elle a également évoqué l’importance de la transparence et de la reddition de comptes en matière de prévisions budgétaires, ainsi que les avantages des audiences. Elle a conclu en affirmant que le budget est la source d’information la plus claire pour tous.
Les Comptes publics du Canada constituent le document financier le plus fiable produit par le gouvernement fédéral. Je le décris comme le plus fiable parce que les états financiers du gouvernement, qui y figurent, sont vérifiés par le vérificateur général du Canada. Les Comptes publics du Canada se composent de trois volumes et, bien que les états financiers soient vérifiés par le vérificateur général, une grande partie des autres renseignements ne le sont pas. Je considère néanmoins que les volumes 1, 2 et 3 des Comptes publics contiennent les informations les plus fiables dont nous disposons.
Le problème en ce qui concerne les Comptes publics du Canada, c’est que le gouvernement tarde à les déposer. Même si la Loi sur la gestion des finances publiques prévoit que leur dépôt doit se faire au plus tard le 31 décembre si le Parlement siège, voire plus tard si le Parlement ne siège pas, déposer les Comptes publics neuf mois après la fin de l’exercice financier n’est pas utile pour les parlementaires et les Canadiens.
L’an dernier, pour l’exercice se terminant le 31 mars 2024, nous avons attendu jusqu’au 17 décembre pour que le gouvernement dépose les Comptes publics, soit la dernière journée de séance du Parlement. Ni la Chambre des communes ni le Sénat n’ont eu l’occasion d’en discuter.
Le Rapport sur la gestion de la dette pour le même exercice financier, 2023-2024, n’a toujours pas été déposé. La Loi sur la gestion des finances publiques prévoit que ce rapport doit être déposé dans les 30 jours de séance suivant le dépôt des Comptes publics. Étant donné que les Comptes publics de 2023-2024 n’ont été déposés que le 17 décembre 2024, 30 jours de séance à compter de cette date nous amènent au 26 septembre 2025, c’est-à-dire dans trois mois. Autrement dit, nous pouvons nous attendre à recevoir le rapport de 2023-2024 sur la gestion de la dette pas moins de 18 mois après la fin de l’exercice financier.
Comme je l’ai indiqué dans mes observations préliminaires, le Budget principal des dépenses 2025-2026 a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales le 29 mai aux fins d’étude. Les plans ministériels sont les plans de dépenses de chaque ministère et organisme. Ils décrivent les priorités, les résultats stratégiques, les programmes, les résultats attendus et les besoins en ressources connexes de chaque organisation. Ils couvrent une période de trois ans, à compter de l’année indiquée dans le titre du rapport. Ces plans jouent un rôle essentiel dans notre examen des budgets des dépenses. Selon le site Web du gouvernement, le plan ministériel « répond à la volonté du gouvernement d’accroître sa reddition des comptes aux Canadiens au moyen de rapports améliorés ».
Les plans ministériels de cette année n’ont été présentés que le 18 juin, soit un jour avant la fin de notre étude du budget principal des dépenses. Nous avons besoin des plans ministériels pour faciliter notre étude du budget principal des dépenses. Le fait que ces plans aient été présentés le 18 juin, soit un jour avant la fin de notre étude, montre une fois de plus la réticence du gouvernement à nous fournir l’information dont nous avons besoin pour surveiller les dépenses publiques.
Le ministère de la Défense nationale demande près de 34 milliards de dollars par rapport aux 29 milliards de dollars demandés dans le budget principal de dépenses de l’année dernière. La majorité de cette augmentation est destinée aux dépenses en capital, qui s’élèvent à 10,9 milliards de dollars cette année par rapport à 7,2 milliards de dollars l’année dernière.
L’an dernier, lors des réunions du Comité des finances, le ministère de la Défense nationale a fourni une liste des projets inclus dans les 7,2 milliards de dollars. Cette année, nous ignorons comment le gouvernement prévoit dépenser les 10,9 milliards de dollars demandés dans le Budget principal des dépenses pour les projets d’immobilisations. Les fonctionnaires du ministère se sont engagés à fournir ces renseignements, mais nous ne les avons toujours pas reçus.
Par le passé, l’un des défis auxquels le ministère de la Défense nationale a été confronté concernait l’approvisionnement et l’utilisation des fonds approuvés pour l’acquisition d’immobilisations, notamment des avions, des navires, des véhicules, des munitions et divers autres projets d’immobilisations. L’année dernière, le gouvernement précédent a augmenté ses dépenses d’immobilisations prévues, les faisant passer de 164 milliards de dollars sur 20 ans à 257 milliards de dollars. Par contre, peu de détails ont été donnés sur les projets inclus dans ces 257 milliards de dollars. À l’époque, le ministère avait indiqué que les dépenses militaires prévues atteindraient 1,76 % du PIB en 2029-2030, alors que l’objectif de l’OTAN est de 2 %.
Cependant, le directeur parlementaire du budget a publié un rapport indiquant que le ministère de la Défense nationale avait du mal à dépenser les fonds approuvés par le Parlement. À l’époque, le directeur parlementaire du budget avait indiqué qu’entre 2017 et 2023, on constatait un manque à gagner cumulé de près de 12 milliards de dollars entre ce que le gouvernement avait réellement dépensé pour des projets d’immobilisations et les dépenses prévues. Le Budget supplémentaire des dépenses (A) prévoit de nouvelles dépenses de 9 milliards de dollars, ce qui porterait les dépenses de défense du Canada à 2 % du PIB. Je présenterai de plus amples observations sur le ministère de la Défense nationale lorsque je prendrai la parole au sujet du projet de loi C-7.
Le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord demande 13 milliards de dollars, alors qu’il avait demandé 10,8 milliards dans le Budget principal des dépenses de l’année dernière. Près de la moitié des fonds demandés serviront à régler des revendications particulières négociées par le Canada ou accordées par le Tribunal des revendications particulières à des groupes autochtones afin de régler des revendications spéciales. Lors de l’examen des demandes de financement pour des revendications particulières et des ententes de règlement, il est difficile de suivre l’affectation des fonds pour ce type de dépenses. Le processus n’est pas transparent.
Le financement de revendications particulières ou d’ententes de règlement peut être demandé dans plus d’un projet de loi de crédits au fil de plusieurs années, mais les dépenses peuvent être comptabilisées dans un exercice différent. À moins que les revendications ne soient clairement identifiées dans les documents budgétaires et les comptes publics, avec indication du montant en dollars, il est impossible de suivre l’affectation des fonds.
Étant donné que les demandes de financement pour le règlement des revendications sont appréciables, elles font souvent l’objet de discussions au Comité des finances. Lors d’une précédente réunion du comité sur le sujet, le directeur parlementaire du budget nous a dit que la forte augmentation du règlement des revendications était préoccupante. Selon lui, il y a donc lieu de se demander dans quelle mesure le gouvernement maîtrise le règlement de ces revendications. Il a ajouté que le processus des revendications particulières est très complexe.
Le règlement des revendications représente des sommes considérables qui sont demandées dans de nombreux projets de loi de crédits. Ces sommes sont comptabilisées dans les comptes publics en tant que dépenses et, dans de nombreux cas, sont incluses dans la provision pour passif éventuel dans les états financiers du gouvernement. Les problèmes liés au suivi du règlement des revendications ont récemment été mis en lumière quand le gouvernement a publié les comptes publics 2023-2024 en décembre dernier et a révélé que le déficit cette année-là n’était pas de 40 milliards de dollars, comme on le pensait jusque-là, mais de 61,9 milliards de dollars.
Le gouvernement a attribué, en partie, l’augmentation appréciable du déficit à un montant de 16,4 milliards de dollars lié aux passifs éventuels au titre de revendications autochtones, que le gouvernement a qualifiés de dépenses « ponctuelles » ou « exceptionnelles ». Cette explication me laisse perplexe, car le gouvernement a enregistré des augmentations des passifs éventuels au titre des revendications autochtones au cours des années précédentes, et certainement pour des montants supérieurs aux 16,4 milliards de dollars mentionnés.
(2020)
Par exemple, au cours de l’exercice précédent, 2022-2023, le gouvernement a enregistré une augmentation de 26 milliards de dollars de ses passifs éventuels, ce qui est clairement expliqué aux pages 8 et 12 du volume I des Comptes publics 2022-2023. D’autres augmentations des passifs éventuels au titre des revendications autochtones ont également eu lieu avant 2022-2023, de sorte que ces transactions ne sont ni ponctuelles ni exceptionnelles.
Comme je l’ai déjà indiqué, le problème rencontré lors de l’examen des passifs éventuels au titre des revendications autochtones est le manque de transparence dans la divulgation des transactions dans ce compte.
Les 16,4 milliards de dollars ont fait augmenter le déficit l’an dernier et ont également fait augmenter les passifs éventuels au titre des revendications autochtones. Malgré cette augmentation de 16,4 milliards de dollars des passifs éventuels au titre des revendications autochtones, à la fin de l’exercice, ces passifs éventuels avaient en fait diminué, mais nous ne pouvons pas déterminer pourquoi — ou du moins, moi, je ne le peux pas, et j’ai littéralement passé des centaines d’heures à chercher.
Un examen des fonds inutilisés en 2023-2024, la dernière année pour laquelle ces données sont disponibles, indique que 26,5 milliards de dollars ont été approuvés pour le ministère en 2023-2024, mais que 10 milliards de dollars, soit 38 %, de ces fonds approuvés n’ont pas été utilisés. Il y a lieu de se demander quelle part des fonds n’a pas été utilisée en 2024-2025 et s’il s’agit d’un problème récurrent. Je suppose que nous devrons attendre un bon moment avant de le savoir.
Le Budget principal des dépenses de 2025-2026 prévoit 26 milliards de dollars pour les services de consultants, ce qui représente une augmentation considérable par rapport aux 19 milliards de dollars demandés dans le Budget principal des dépenses de 2024-2025.
Le budget de 2023 proposait de réduire les dépenses consacrées aux services de consultation, aux autres services professionnels et aux déplacements d’environ 15 % des dépenses discrétionnaires prévues pour 2023-2024 dans ces domaines, ce qui se traduirait par des économies de 7,1 milliards de dollars sur 5 ans à compter de 2023-2024 et de 1,7 milliard de dollars par la suite. Le gouvernement s’était engagé à cibler ces réductions sur les services professionnels, en particulier les services de consultation en gestion.
Alors que le gouvernement précédent s’était engagé à réduire les coûts liés aux consultants, ceux-ci sont en réalité en hausse.
Cependant, le discours du Trône indiquait ceci :
[...] le budget de fonctionnement du gouvernement, [a] augmenté de 9 % chaque année. Le Gouvernement va adopter des mesures pour rétablir cette croissance à moins de 2 %.
D’après les discussions que nous avons eues avec des représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et de plusieurs ministères lors de l’examen du Budget principal des dépenses, rien n’indique que cette initiative ait été lancée. Le Budget principal des dépenses de 2025-2026 est supérieur de 8 % à celui de l’exercice précédent, et les services professionnels et spéciaux demandés dans le Budget principal des dépenses sont passés de 19 milliards de dollars l’année dernière à 26 milliards de dollars.
Bien qu’on ne sache pas très bien quelles dépenses sont incluses dans le budget de fonctionnement, dont l’augmentation sera plafonnée à 2 %, j’ai utilisé les charges de programmes directes qui figurent dans La revue financière de mars 2025 pour déterminer l’ampleur des économies possibles. Les charges de programmes directes ont augmenté de 8,5 % en 2024-2025 par rapport à 2023-2024. Si elles n’avaient augmenté que de 2 % au lieu de 8,5 %, les économies auraient été de 13 milliards de dollars.
Mes dernières remarques concernent Emploi et Développement social Canada. Le Budget principal des dépenses indique que 8,5 milliards de dollars seront versés cette année aux provinces et aux territoires pour soutenir le programme national de garde d’enfants, lancé en 2021 à un coût estimé de 30 milliards de dollars.
L’un des objectifs du programme consistait à créer 250 000 places additionnelles en garderie pour 2026. Dans son plan ministériel de 2025, publié la semaine dernière, le ministère indique qu’il est en bonne voie d’atteindre cet objectif. Par contre, l’énoncé économique de l’automne publié en décembre 2024, il y a tout juste six mois, indique que seulement 60 000 places additionnelles ont été créées ou sont en cours de création. Autrement dit, les 60 000 places mentionnées n’ont pas toutes été créées.
Il s’agit d’une divergence importante entre deux documents gouvernementaux : l’un indique que 250 000 places additionnelles seront créées d’ici l’année prochaine alors qu’en décembre dernier, un peu moins de 60 000 places avaient été créées. Cette divergence doit être résolue.
Avant de conclure, je tiens à dire que je suis déçue par la réticence du gouvernement à nous fournir, en temps opportun, l’information dont nous avons besoin pour assurer une surveillance des dépenses publiques.
Le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses (A) de 2025-2026 ont tous les deux été renvoyés au Comité des finances nationales pour qu’il les étudie. Les plans ministériels de 2025-2026, qui expliquent comment les ministères et les organismes dépenseront ces fonds, ne nous ont pas été fournis pour nous aider dans notre étude. En outre, nous attendons toujours de recevoir toutes les données pour les Rapports sur les résultats ministériels de 2023-2024.
Je siège au Comité des finances nationales depuis 15 ans. Au cours des dernières années, j’ai remarqué que le gouvernement est devenu plus cachottier et plus lent à fournir des renseignements qui devraient être accessibles à tous en temps opportun. Les renseignements fournis en réponse aux questions posées au comité ne sont souvent plus communiqués librement. Les rapports, tels que les comptes publics, sont généralement déposés en retard.
La Loi sur la gestion des finances publiques est très généreuse en ce qui a trait aux échéances obligatoires. En effet, le gouvernement a attendu le 17 décembre, soit près de neuf mois après la fin de l’exercice, pour rendre publics les comptes de 2023-2024.
De même, nous attendons toujours le Rapport sur la gestion de la dette de 2023-2024, qui porte sur un exercice terminé il y a 15 mois, car le libellé de la Loi sur la gestion des finances publiques est si généreux qu’il permet au gouvernement de retarder la publication de ce rapport pendant 30 jours de séance après le dépôt des comptes publics.
J’espère que ce nouveau gouvernement reconnaîtra les problèmes et les corrigera afin que les parlementaires puissent examiner les dépenses publiques, comme il se doit.
Je remercie mes collègues de leur intérêt et de leur attention. Voilà qui conclut mes observations sur le projet de loi C-6.
Des voix : Bravo!
L’honorable Peter Harder : Sénatrice Marshall, j’ai toujours hâte d’entendre vos observations sur les dépenses.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Harder : J’ai quelques questions. Étant donné que vous vous concentrez sur le déficit, une priorité que j’appuie, seriez-vous d’accord avec moi pour dire que la TPS devrait être augmentée?
La sénatrice Marshall : Je vous remercie de poser cette question. C’est un sujet dont le sénateur Harder et moi-même avons déjà discuté, notamment au cours des deux derniers mois, puisque nous avons participé à une initiative qui visait à examiner l’économie et différents problèmes.
Je dirais que c’est effectivement une option. Je crois que la meilleure façon pour moi de répondre à cette question est de dire que je ne serais pas surprise que le gouvernement augmente la TPS. Il faut dire que je travaille avec ces documents depuis plusieurs années. La pression qui s’exerce sur les dépenses est très élevée. Même si le gouvernement se dit résolu à faire preuve de retenue, je doute que cela se concrétise vraiment. Je sais que les gens disent qu’il faudrait que les riches paient plus d’impôt mais, dans les faits, il n’y a pas assez de personnes riches pour combler l’énorme écart qu’il faut combler. C’est l’une des options que le gouvernement devra explorer.
Le sénateur Harder : Sur des questions plus générales, quelle serait votre réaction à l’idée de séparer, dans nos rapports sur le cadre financier, les dépenses de fonctionnement et les dépenses d’immobilisations, ce qui me semble plutôt judicieux, pour donner aux Canadiens une idée claire de ce que nous consommons et de ce que nous acquérons?
La sénatrice Marshall : Merci pour cette question. La meilleure réponse que je puisse vous donner est peut-être que l’on peut faire dire n’importe quoi aux chiffres. Je suis très méfiante. Quelqu’un l’a dit tout à l’heure — c’était peut-être la sénatrice Moncion et je m’excuse de vous pointer du doigt — que ce sont les détails qui posent problème. J’aimerais bien voir, mais je suis très méfiante. Je pense qu’on s’efforce simplement de présenter les chiffres autrement pour tenter de les rendre compréhensibles, mais vous verrez les emprunts augmenter.
(2030)
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Sénatrice Marshall, je vous remercie de votre discours très étoffé. Bien sûr, l’une des options proposées par le sénateur Harder consiste à augmenter la TPS. Comme la plupart des bons libéraux, il aime augmenter les taxes et les impôts, notamment les gains en capital et la TPS. Il s’agit là d’une solution pour accroître les recettes.
Croyez-vous comme moi que la réduction des dépenses publiques serait une autre solution?
La sénatrice Marshall : Je vous remercie de votre question. Oui, je pense que le gouvernement doit faire plus d’efforts pour réduire les dépenses.
Depuis plusieurs années, sous le gouvernement précédent et sous le gouvernement actuel, il y a chaque année une grande initiative comme quoi le gouvernement prévoit de faire quelque chose pour économiser des milliards de dollars. Le nouveau gouvernement a même présenté une initiative de ce type dans son discours du Trône.
Cependant, lors des réunions du Comité des finances nationales, j’ai demandé aux représentants du Conseil du Trésor quelles directives ils avaient données aux ministères pour réduire les dépenses de fonctionnement de 2 %, et je pense qu’ils n’avaient même pas entendu parler de l’initiative, car on n’a pu fournir aucune information.
Ensuite, j’ai demandé à plusieurs ministères quelles étaient les instructions qu’ils avaient reçues et s’ils faisaient quelque chose pour se préparer à cette réduction des dépenses. Toutefois, quand on leur parle des projets de loi de crédits, ils prennent un air absent.
Je pense qu’il y a une grande marge de manœuvre pour réduire les dépenses, sénateur Housakos, mais, vu la façon dont le gouvernement dépense et la façon dont le gouvernement précédent dépensait, je n’ai pas bon espoir que le gouvernement réduise ses dépenses. Je n’en suis pas convaincue.
L’honorable Lucie Moncion : Puisqu’on parle de questions hypothétiques et de questions fiscales, j’ai une autre question à vous poser. Il y a peut-être là matière à réflexion.
Le sénateur Housakos a dit que le gouvernement aime augmenter le fardeau fiscal. J’ai une suggestion. C’est une hypothèse, mais cela pourrait se faire. Que penseriez-vous si le gouvernement décidait d’appliquer une taxe sur l’achat d’actions?
Par exemple, si on imposait une taxe de 2 % sur l’achat d’actions, la personne qui achète des actions pourrait payer une taxe applicable à la transaction. Encore une fois, ce n’est qu’une hypothèse, mais, de cette façon, on percevrait des recettes auprès de personnes qui ont plus d’argent que les gens qui ne peuvent pas acheter d’actions. J’aimerais savoir ce que vous pensez de cette idée.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup de la question, sénatrice Moncion. Parlez-vous d’actions de sociétés cotées en bourse?
La sénatrice Moncion : Oui.
La sénatrice Marshall : J’aimerais voir une analyse sur une telle approche. Je ne suis pas favorable à cette idée. Nous cherchons à attirer davantage d’investissements au Canada. Si on commence à taxer ces transactions, je pense qu’il y aurait probablement des répercussions très néfastes.
Je serais curieuse d’entendre les points de vue de l’Institut C.D. Howe et de divers groupes de réflexion, mais ma première réaction est que nos efforts seraient ainsi freinés. Nous voulons que les gens investissent au Canada. Je pense que cette idée pourrait avoir un effet quelque peu dissuasif.
L’honorable Marty Deacon : Accepteriez-vous de répondre à une autre question?
La sénatrice Marshall : Oui.
La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup. J’ai hâte d’entendre votre point de vue. Il est toujours essentiel au travail que nous accomplissons et j’apprends énormément grâce à votre participation au Comité national des finances.
L’équilibre est un sujet dont nous discutons depuis des années et je ne peux m’empêcher d’y revenir ce soir. Quand on y réfléchit, quels renseignements de 2023-2024 nous manque-t-il encore? Quels sont les cycles des sujets abordés dans nos rapports, et comment pouvons-nous prendre de bonnes décisions sans les informations X, Y et Z et avec toutes ces lacunes? Je pense à la façon dont nous gérons nos entreprises et nos propres familles. Nous ne pourrions pas agir ainsi.
Ma question est la suivante : comment pouvons-nous trouver le juste milieu entre le processus de réduction de l’information à l’essentiel et l’arrêt du processus? Comment déterminer, sur un calendrier annuel, ce qui fonctionne le mieux pour établir des rapports et obtenir des informations financières utiles à la planification tout en retardant le travail du gouvernement?
Nous devons décortiquer cette question. Vous le savez bien, vous le demandez depuis des années. Cependant, comment pouvons-nous trouver le juste milieu entre cela et l’arrêt du processus afin de commencer à le corriger tout au long de l’année civile?
La sénatrice Marshall : Je vous remercie de votre question. Un bon point de départ serait que le gouvernement commence à fournir en temps opportun l’information qu’il est tenu de fournir actuellement.
L’un des plus gros problèmes en ce qui concerne les rapports financiers du gouvernement, c’est que l’ensemble du processus budgétaire est tellement déroutant que n’importe quel membre du Comité des finances nationales doit être très perplexe quand il commence à examiner le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses, puis qu’il tente de les faire correspondre au budget et aux comptes publics.
Il s’agit d’une vaste initiative. Je ne pense pas qu’elle sera menée à bien pendant mon mandat. Selon moi, il s’agit probablement d’une initiative sur 10 ans.
Un bon début serait que le gouvernement fournisse l’information qu’il est obligé de fournir actuellement, mais en temps opportun.
L’honorable Percy E. Downe : Merci, sénatrice Marshall. Comme toujours, ce fut un plaisir.
Étant donné que votre bureau semble se pencher constamment sur des questions financières, j’aimerais vous demander ce que vous avez découvert au sujet de la Sécurité de la vieillesse. Ce programme est quelque peu controversé car, contrairement au Régime de pensions du Canada, qui est financé, il ne l’est pas.
Malgré les dispositions de récupération, des Canadiens que beaucoup considéreraient comme assez bien nantis — des couples gagnant jusqu’à 300 000 dollars, si j’ai bien compris — continuent de recevoir une aide financière. Il s’agit là d’un coût énorme pour le Trésor. Savez-vous si des examens ou des études sont en cours pour évaluer les effets de ce programme sur notre budget?
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup pour cette question. Je ne me suis pas penchée sur ce genre de dépenses.
Il s’agit de dépenses législatives, donc elles sont incluses dans le Budget principal des dépenses, et je ne me souviens même pas que l’on ait posé une question à ce sujet pendant l’étude effectuée par le Comité des finances nationales, quoique le directeur parlementaire du budget ait mentionné ces dépenses plusieurs fois dans ses rapports.
J’ai déjà suggéré au Comité des finances nationales d’étudier certaines de ces dépenses législatives, car elles sont plutôt considérables et nous en savons très peu à leur sujet.
Cela dit, ces dernières années, je me suis intéressée au système de paiement utilisé pour certains de ces programmes. Il se trouve que les paiements s’effectuent à partir d’un système qui se fait très vieux et qu’on est en train de remplacer. Vous n’êtes pas sans savoir que le système Phénix a engendré des problèmes.
En ce qui concerne le remplacement du système qu’utilise Emploi et Développement social Canada, je n’arrive pas à connaître l’état d’avancement des travaux. Par exemple, lorsque je cherche à savoir si les coûts estimés ont augmenté, quelle est la date d’achèvement prévue et quelle est la date de déploiement prévue, le Conseil du Trésor me renvoie au ministère, qui, lui, ne répond pas à mes questions, donc je tourne en rond. La vérificatrice générale a effectué une vérification à ce sujet il y a quelques années.
En ce qui concerne le coût du programme, non, je n’ai rien fait. Pour être honnête avec vous, je ne me rappelle pas avoir vu d’étude à ce sujet, mais c’est une bonne suggestion.
Le sénateur Harder : Je vais passer à une question de comptabilité. Il y a plus de 25 ans, à la demande du vérificateur général, le gouvernement du Canada est passé à la comptabilité d’exercice. Je remets en question la sagesse de cette décision — bien que j’en sois en partie responsable —, car la comptabilité d’exercice dans l’administration publique ne permet pas de saisir correctement les engagements de dépenses importantes que les gouvernements prennent au moment où ils les prennent. Nos obligations internationales — en matière de défense, par exemple — sont statiques.
(2040)
Pensez-vous comme moi qu’il faudrait abandonner la comptabilité d’exercice et revenir à la comptabilité plus traditionnelle que les gouvernements employaient auparavant?
La sénatrice Marshall : Sénateur Harder, c’est une excellente question — la façon de faire traditionnelle du gouvernement.
Non, je tiens à la comptabilité d’exercice. Je crois que toutes les méthodes comportent des lacunes, mais j’ai été formée sur la comptabilité d’exercice. Juste à l’idée d’une transition vers la comptabilité de caisse, disons que je suis contente de prendre ma retraite l’an prochain.
L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, je pense que la sénatrice Marshall est la seule dans cette salle à être heureuse de son départ à la retraite l’an prochain. Qu’en dites-vous, sénatrice? Au moins, on vous fera évaluer deux budgets d’ici là puisque ce budget est en retard.
Je vais moi aussi parler du projet de loi C-6, la Loi de crédits, pour le prochain exercice financier fédéral. La sénatrice Marshall a ratissé assez large et a tout couvert. J’aimerais parler d’une partie de ces dépenses. Je tiens d’abord à remercier nos collègues du Comité des finances nationales qui ont passé beaucoup de temps la semaine dernière à examiner le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses.
Mon discours d’aujourd’hui vise à commenter les priorités du gouvernement pour l’avenir, en particulier en ce qui concerne les dépenses de 8,6 milliards de dollars que le projet de loi C-6 autorise par l’intermédiaire de ce qui est, encore une fois, appelé le ministère de l’Industrie.
S’appuyant sur les travaux de Statistique Canada, notre bureau a estimé qu’environ la moitié de ce montant est consacré à ce qu’on appelle les programmes de soutien à l’innovation et à la croissance des entreprises. Je vais parler de deux types de programmes d’innovation en entreprise, à savoir les programmes conçus pour rendre l’entrepreneuriat plus inclusif au Canada et les programmes conçus expressément pour soutenir l’innovation au Canada, créer de nouvelles possibilités, des emplois et de la richesse à partir d’idées.
Commençons par les programmes visant à rendre l’entrepreneuriat plus inclusif. Dès 2020, mon bureau s’est penché sur les obstacles auxquels se heurtent les entrepreneurs noirs lorsqu’ils créent et développent des entreprises. Notre rapport a été publié en 2021 en collaboration avec le Groupe canado-africain du Sénat ainsi que des chefs d’entreprise noirs. Nous avons constaté que les entrepreneurs noirs font face à d’importants obstacles sur le marché canadien.
Plus récemment, la sénatrice Gerba et moi avons collaboré à la rédaction d’un rapport sur la réussite de ces programmes et sur les obstacles que rencontrent ces entrepreneurs. Ce travail reflète notre souci constant de veiller à ce que le gouvernement comble les lacunes réelles du marché lorsque c’est possible, et à ce qu’il fasse appel à la diligence raisonnable du secteur privé pour y parvenir. Tous nos rapports sont disponibles sur notre site Web, si cela vous intéresse.
À cette fin, j’ai été ravi que le Budget principal des dépenses annonce le maintien du financement du Programme pour l’entrepreneuriat des communautés noires et du Carrefour du savoir pour l’entrepreneuriat des communautés noires. Ces programmes visent à lever les obstacles systémiques qui limitent l’accès aux capitaux et aux ressources, à mobiliser la diversité et les talents partout au pays, et à élaborer des politiques fondées sur des données probantes.
À présent, je souhaite me concentrer sur les programmes destinés à stimuler l’innovation dans notre économie, en particulier par la commercialisation des fruits de la recherche effectuée au Canada, un secteur de classe mondiale où le gouvernement fédéral investit de toutes sortes de façons.
Nous avons examiné certaines parties des plans ministériels et nous nous sommes principalement concentrés sur les dépenses et les efforts visant à stimuler l’innovation au Canada. Les gouvernements successifs ont toutefois mis en place de nombreux programmes destinés à stimuler l’innovation partout au pays. En fait, nous pensons que le gouvernement fédéral a créé des centaines de programmes. L’été dernier, mon bureau a entrepris d’examiner l’étendue et la réussite de ces programmes fédéraux en matière d’innovation, et nous avons recensé plus de 140 programmes rien qu’au cours de l’été, avec l’aide d’un étudiant. Je suis certain qu’il reste encore du travail à faire. Ces programmes relèvent de 28 ministères et sociétés d’État. Nous avons rédigé un document de travail intitulé Programmes fédéraux pour l’innovation en entreprise, qui est disponible sur mon site web.
En bref, nous avons trouvé beaucoup de rapports sur les fonds dépensés, sur les activités menées et les entreprises soutenues, mais nous avons eu beaucoup de mal à trouver des preuves tangibles des avantages réels en termes de résultats commerciaux, ce qui est très préoccupant. Nous ne sommes pas les seuls à avoir ces préoccupations. Dans son rapport sur l’innovation intitulé 2024 Innovation Report Card, le Conference Board du Canada a attribué la note C au Canada et nous a classés 15e sur 20 pays, malgré les milliards de dollars consacrés à la promotion de l’innovation dans les entreprises.
Par conséquent, avec un nouveau premier ministre, un nouveau greffier du Conseil privé et un nouveau gouvernement, nous avons l’occasion de repenser notre façon de faire les choses. Si nous voulons bâtir l’économie la plus forte du G7, nous devons repenser la manière dont le gouvernement fédéral contribue à favoriser l’innovation dans l’ensemble de l’économie.
Alors que le gouvernement se prépare pour l’examen estival des dépenses et le budget de l’automne, le moment est venu de trouver des moyens de nous libérer des processus désuets qui, trop souvent, ont permis à une culture d’inertie et à l’aversion au risque de s’enraciner. La devise de mon bureau est qu’une économie innovante a besoin d’un gouvernement innovant. Le Canada n’a pas eu de gouvernement innovant.
Vous savez que je parle beaucoup d’innovation. C’est parce que, très franchement, le gouvernement ne l’a pas toujours traitée comme une priorité. Il ne s’agit pas d’innover pour le plaisir d’innover ou de dépenser de l’argent pour des choses considérées comme avant-gardistes. Il s’agit plutôt de créer des débouchés, d’accroître la compétitivité à l’échelle mondiale, d’améliorer l’efficacité opérationnelle, d’offrir de meilleurs services, d’améliorer la santé et d’accroître la sécurité des Canadiens. Si nous voulons vraiment obtenir ces résultats, nous devons commencer à mesurer l’incidence des politiques et des programmes pour savoir lesquels en ont le plus. Il faut donc créer des indicateurs de rendement clés et en assurer le suivi. Trop souvent, les indicateurs de rendement clés sont vagues, incohérents ou portent sur des activités, comme les dépenses engagées ou les entreprises participantes, plutôt que sur les résultats obtenus.
Dans notre rapport, qui porte sur plus de 140 programmes d’innovation, nous avons conclu qu’il est possible et nécessaire d’obtenir un bien meilleur rendement des investissements dans l’innovation. En bref, nous avons constaté que les données relatives aux indicateurs de rendement clés ne s’accompagnaient trop souvent d’aucun élément de comparaison ou de référence permettant de prouver que l’investissement avait produit des résultats différenciés. En l’absence de telles preuves, les fonds devraient être réaffectés à des programmes qui en fournissent.
Je me permets d’utiliser une métaphore pour illustrer mon propos. Nous avons tous vu des publicités d’écoles privées vantant les bourses d’études obtenues par leurs diplômés et leurs autres réussites universitaires, surtout à cette période de l’année. Elles méritent nos félicitations. Bravo. En revanche, ces mêmes écoles ont trop souvent des critères d’admission très stricts. Ainsi, lorsqu’elles admettent un élève qui obtient des A et que celui-ci décroche son diplôme en obtenant encore des A, je me demande si c’est vraiment impressionnant.
Personnellement, je préfère de loin soutenir et favoriser les écoles qui acceptent les élèves qui obtiennent des C et des D — simplement parce que j’étais l’un d’entre eux — pour les aider à décrocher leur diplôme en obtenant des A. Ces écoles transforment des élèves.
Les indicateurs clés de performance des programmes doivent montrer des résultats différenciés. Lorsqu’il s’agit de favoriser l’innovation, les fonds publics doivent servir de catalyseur, et non de béquille. Tous les programmes d’innovation doivent viser à faire en sorte que la propriété intellectuelle du Canada, qui est compétitive à l’échelle mondiale, soit commercialisée de manière à créer des débouchés, des emplois et de la richesse au Canada. Or, trop souvent, ce n’est pas le cas de nos jours.
Selon des données récentes tirées d’un rapport publié en 2024 par le Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale, plus de la moitié des brevets de l’industrie qui découlent de la propriété intellectuelle canadienne appartiennent à des intérêts étrangers. Des données de nos bureaux universitaires de transfert de technologie montrent que les revenus cumulatifs résultant de l’octroi de licences associées à la propriété intellectuelle canadienne des universités canadiennes ne représentent qu’un rendement de 1,5 % par rapport au financement annuel que nous accordons à ces universités pour la recherche. Ce n’est pas viable. Si nous n’obtenons pas un rendement sur l’investissement qui assure la viabilité et la compétitivité de nos universités à l’échelle mondiale, nous verrons une réduction du financement de ces universités. Je pense que c’est déjà le cas. Nous devons donc faire tout ce que nous pouvons pour que le fruit de nos recherches soit détenu et commercialisé chez nous. Je pense que c’est ce que visent bon nombre de ces programmes d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, mais ce n’est pas ce qui se passe.
Il faut donc revoir notre façon de soutenir l’innovation au Canada. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe déjà des programmes éprouvés qui peuvent transformer nos idées en actifs stratégiques.
Je vais vous en donner un exemple. Nous avons des programmes d’incubateurs et d’accélérateurs qui contribuent à la commercialisation de la science, de la technologie et de l’innovation au Canada et qui aident à créer et à développer des entreprises qui excellent sur des marchés mondiaux hautement concurrentiels en matière de ventes et d’investissements. Ils obtiennent un succès jamais vu dans des programmes gouvernementaux d’innovation offerts par Innovation, Sciences et Développement économique Canada.
Je mets au défi les 28 ministères qui offrent des programmes visant à stimuler l’innovation de fournir au premier ministre et au greffier du Conseil privé des données démontrant que chacun de leurs programmes donne des résultats différenciés qui sont comparables à ceux des meilleurs incubateurs et accélérateurs.
Permettez-moi de vous donner un exemple de ce qui peut être accompli. Le Creative Destruction Lab, ou CDL, basé à la Rotman School of Management de l’Université de Toronto, est l’un des meilleurs au monde. Il est loin d’être le seul, mais comme j’y ai passé la journée hier et que certains de nos collègues y ont passé un après-midi juste avant la reprise des travaux du Parlement, je pense que nous devrions nous y intéresser un instant.
(2050)
Le Creative Destruction Lab est un programme unique au monde. Sa mission commune, née et développée à Toronto, où elle connaît aujourd’hui un grand succès, est d’améliorer la commercialisation de la science pour le bien de l’humanité. Il compte cinq sites au Canada et huit autres à travers le monde.
Hier, sa « super séance » mondiale a réuni à Toronto des centaines de mentors et de fondateurs venus de plus de 20 pays, à leurs propres frais. Ils étaient là pour célébrer l’excellence du Creative Destruction Lab et certaines de ses entreprises au succès incroyable.
Les mentors comprenaient des experts universitaires dans tous les domaines imaginables, allant de la compréhension de la culture au fond des océans jusqu’aux confins de l’espace. Parmi eux figuraient également des entrepreneurs qui avaient transformé une idée en possibilités, en emplois de grande valeur et en prospérité.
Quand le Creative Destruction Lab a été fondé en 2012, son rêve était de créer une valeur nette de 50 millions de dollars. Aujourd’hui, les entreprises du Creative Destruction Lab ont généré plus de 50 milliards de dollars de valeur nette. Il s’agit là, par définition, d’un indicateur de rendement clé compétitif à l’échelle mondiale. Cela montre que l’on saisit les occasions qui se présentent sur le marché et que l’on en fait bénéficier le Canada.
Le CDL n’est pas le seul incubateur à connaître un tel succès mondial. Par conséquent, pourquoi utilisons-nous une mesure de réussite inférieure à cela pour les programmes fédéraux d’aide à l’innovation, en particulier en cette période de crise économique et géopolitique? C’est là que le Canada a le plus de chances d’accélérer sa croissance et sa réussite et d’obtenir vraiment un bon rendement sur son investissement de quelque 4 milliards de dollars dans ces programmes, comme le montre le dernier budget des dépenses.
Il faut arrêter de saupoudrer des fonds. Le Canada ne peut pas continuer de faire fi des conseils d’experts mondiaux et d’experts du domaine qui comprennent vraiment les sciences, et ceux d’entrepreneurs qui ont déjà prouvé qu’ils étaient capables de trouver des idées et de les concrétiser.
Il faut examiner en profondeur chaque programme d’aide à l’innovation et se questionner sur sa raison d’être. Il faut tirer parti des programmes qui démontrent qu’ils permettent de façon constante de créer des entreprises concurrentielles à l’échelle mondiale et de profiter des débouchés considérables et de plus en plus nombreux sur le marché mondial, comme nous avons déjà démontré notre capacité à le faire.
Le Canada est le pays le plus généreux au monde quand vient le temps de faire cadeau de ses idées. Nous investissons dans la recherche, puis nous cédons nos découvertes. Nous ne pouvons plus nous permettre d’agir ainsi. C’est formidable d’investir dans la recherche, mais, malheureusement, d’autres sont en train de commercialiser nos idées et de créer de la richesse à partir d’elles.
Nous étions des chefs de file dans les domaines de l’intelligence artificielle et de l’informatique quantique. Nous avons perdu notre avance parce que nous n’avons pas soutenu la commercialisation. Nos programmes d’innovation n’ont pas soutenu la commercialisation de manière concurrentielle des découvertes scientifiques canadiennes sur les marchés internationaux.
Le gouvernement prévoit un examen des dépenses cet été. J’espère que le premier ministre, le nouveau greffier et leurs équipes s’attacheront à repenser la manière dont nos programmes actuels en matière d’innovation créent une valeur durable et concurrentielle à l’échelle mondiale pour les Canadiens.
Je dirais que les programmes sans indicateurs de rendement clés ne sont pas des programmes, mais des aspirations. Et les aspirations, bien qu’importantes, ne suffisent pas pour construire l’économie la plus forte du G7. Nous avons aujourd’hui l’occasion de créer un changement générationnel. Ne la gâchons pas. Merci, chers collègues.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.
Et deux honorables sénateurs s’étant levés :
Son Honneur la Présidente : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?
La sénatrice Seidman : Quinze minutes.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé?
Des voix : D’accord.
Son Honneur la Présidente : Convoquez les sénateurs pour un vote à 21 h 10.
(2110)
La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois :
POUR
Les honorables sénateurs
| Adler | LaBoucane-Benson |
| Al Zaibak | Lewis |
| Arnold | Loffreda |
| Arnot | MacAdam |
| Aucoin | McBean |
| Black | McNair |
| Boehm | Mégie |
| Boudreau | Miville-Dechêne |
| Burey | Moncion |
| Busson | Moodie |
| Cardozo | Moreau |
| Clement | Muggli |
| Cormier | Oudar |
| Coyle | Pate |
| Cuzner | Patterson |
| Deacon (Nouvelle-Écosse) | Petitclerc |
| Deacon (Ontario) | Petten |
| Dhillon | Pupatello |
| Downe | Quinn |
| Forest | Ravalia |
| Francis | Robinson |
| Fridhandler | Saint-Germain |
| Gerba | Senior |
| Gignac | Simons |
| Gold | Sorensen |
| Harder | Surette |
| Hay | Tannas |
| Hébert | Varone |
| Henkel | Verner |
| Ince | White |
| Karetak-Lindell | Wilson |
| Kingston | Youance |
| Klyne | Yussuff—66 |
CONTRE
Les honorables sénateurs
| Ataullahjan | McCallum |
| Batters | McPhedran |
| Housakos | Richards |
| MacDonald | Seidman |
| Manning | Smith |
| Marshall | Wells (Terre-Neuve-et-Labrador)—13 |
| Martin |
ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
Projet de loi de crédits no 2 pour 2025-2026
Deuxième lecture
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-7, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2026, soit lu pour la deuxième fois.
— Comme je vous l’avais promis, honorables sénateurs, je prends de nouveau la parole, cette fois sur le projet de loi C-7, qui vise à faire approuver les plans de dépenses qui figurent dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour l’exercice 2025-2026. Comme d’habitude, le document a été déposé peu après le Budget principal des dépenses, il y a quelques semaines, puis soumis à l’étude du Comité des finances nationales. Ce qui est inhabituel, cependant, c’est qu’il porte quasi exclusivement sur les priorités de défense.
Tout à l’heure, je vous ai présenté l’enveloppe de 33,9 milliards de dollars que le Budget principal des dépenses réserve à la Défense nationale. Pour sa part, le budget supplémentaire ajoute 9 millions de dollars à cette somme pour les mêmes raisons que celles que j’ai évoquées relativement au projet de loi C-6.
Le Budget supplémentaire des dépenses témoigne de l’intention du gouvernement de faire face à une conjoncture géopolitique inédite en affectant les ressources nécessaires pour protéger les Canadiens, affirmer la souveraineté du Canada et travailler main dans la main avec nos alliés du monde entier afin de contrer les menaces extérieures.
(2120)
En cette période d’incertitude, notre monde est de plus en plus marqué par la montée en puissance d’acteurs étatiques et non étatiques qui n’hésitent pas à enfreindre les règles et les normes internationales à l’aide d’armes et de technologies modernes qui peuvent atteindre le Canada et nous faire du tort. À cela s’ajoute un ordre mondial en mutation qui nous oblige à considérer sous un jour nouveau nos partenariats et notre place dans le monde. Dans ce contexte, le gouvernement redouble d’efforts pour que le Canada devienne plus autonome et soit mieux préparé à faire face aux menaces militaires et non militaires.
Comme le roi l’a lu dans le discours du Trône, « le Gouvernement protégera la souveraineté du Canada en rebâtissant, réarmant et réinvestissant dans les Forces armées canadiennes ». Par conséquent, dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) 2025-2026, le gouvernement propose un investissement historique dans les capacités de défense et de sécurité du Canada.
Sur les 9 milliards de dollars de dépenses prévues, 8,6 milliards doivent être approuvés par le Parlement, le reste ayant déjà été autorisé en vertu d’autres lois. Ces fonds seront versés à deux organisations. La majeure partie, soit 8,2 milliards de dollars, ira au ministère de la Défense nationale lui-même et 370 millions de dollars seront versés au Centre de la sécurité des télécommunications Canada. Je vais parler un peu plus en détail de ces investissements.
Une somme de 2,1 milliards de dollars est proposée pour le ministère de la Défense nationale afin d’accélérer le recrutement pour les forces régulière et de réserve, d’augmenter la capacité à fournir l’instruction de base et la formation professionnelle, d’améliorer la rétention des militaires actuels et de renforcer les services de santé qui leur sont offerts.
À cela s’ajoute un montant de 2,1 milliards de dollars destinés à améliorer la capacité de l’industrie canadienne à soutenir les forces armées, en concentrant les efforts sur les besoins immédiats et les initiatives qui peuvent être mises en œuvre rapidement. Ces fonds stimuleront la production canadienne et l’innovation dans des secteurs vitaux. Ce faisant, on jettera les bases d’une stratégie industrielle en matière de défense qui permettra non seulement de renforcer les Forces armées canadiennes, mais aussi de créer des débouchés pour les travailleurs partout au Canada.
Le budget propose aussi 2 milliards de dollars pour accroître la collaboration avec nos partenaires à l’étranger, en particulier l’Ukraine. L’aide favorisera la formation des pilotes ainsi que l’achat de drones, de véhicules blindés d’appui tactique, de munitions, d’armes légères et d’autre matériel. Les fonds serviront aussi à renforcer la coopération avec d’autres partenaires en matière de renseignement, de politiques de défense et d’entraînement militaire.
Le Budget principal des dépenses prévoit également 1 milliard de dollars pour améliorer les capacités militaires, surtout dans l’Arctique. Plusieurs d’entre nous se souviendront peut-être que lors de la dernière législature le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants a produit un rapport intitulé La sécurité de l’Arctique menacée : Des besoins urgents dans un paysage géopolitique et environnemental en évolution. Entre autres choses, le rapport réclamait des investissements urgents dans les capacités en matière de sécurité et de défense dans l’Arctique, étant donné l’évolution de la situation géopolitique et l’intérêt accru que suscite l’Arctique à l’échelle mondiale, dans le contexte des changements climatiques.
Depuis la publication de ce rapport, la complexité du contexte géopolitique n’a fait que s’amplifier. Il est de plus en en plus pressant de protéger et d’affirmer notre souveraineté dans le Nord.
Le financement prévu dans ce budget des dépenses servira à soutenir diverses initiatives, notamment le projet de navire de soutien interarmées, un système de surveillance et de suivi sous-marins, un radar transhorizon dans l’Arctique, de l’artillerie à longue portée, la production nationale de munitions et des véhicules logistiques ou utilitaires légers supplémentaires.
Le ministère de la Défense nationale demande également 834 millions de dollars pour divers achats, notamment de l’équipement de défense, de l’équipement personnel, de la technologie, l’entretien des infrastructures et des services essentiels. En outre, ce financement servira à moderniser les infrastructures de formation, à agrandir l’infrastructure des munitions et à effectuer divers travaux d’entretien préventif et correctif, des réparations, des mises à niveau et des travaux de construction mineurs sur le portefeuille immobilier du ministère.
Enfin, la dernière demande s’élève à 550 millions de dollars destinés à renforcer les cybercapacités du Canada, à soutenir une plus grande interopérabilité avec nos alliés et nos partenaires, à mieux outiller le Canada pour contrer l’éventail complet des cybermenaces et à améliorer l’infrastructure de réseau, la gestion de l’information, la connectivité et le stockage des données.
Voilà un aperçu des plans de dépenses que nous approuverons en adoptant ce projet de loi.
Avant de conclure, j’aimerais souligner que nous discutons de ce projet de loi pendant que les dirigeants mondiaux sont réunis à La Haye pour le Sommet de l’OTAN. L’OTAN est aussi importante aujourd’hui qu’elle l’a été depuis la fin de la guerre froide. L’Ukraine en est à sa quatrième année de combats contre l’invasion illégale à grande échelle par la Russie. Les dangers qui planent sur nous et nos alliés ne montrent aucun signe de ralentissement.
Le Canada s’est engagé dernièrement à porter ses dépenses prévues en matière de défense à au moins 2 % de son PIB; le budget des dépenses que nous examinons en tient compte. En appuyant le projet de loi C-7, nous envoyons un message important à nos alliés : nous leur signalons qu’ils peuvent compter sur le Canada, qui sera un partenaire fiable et efficace. Nous faisons aussi savoir aux Canadiens que nous prenons au sérieux la défense et la souveraineté du pays.
L’honorable Denise Batters : La sénatrice LaBoucane-Benson accepterait-elle de répondre à quelques questions?
Tout d’abord, j’aimerais avoir plus de détails sur certains des investissements que ces 9 milliards de dollars permettront de faire dans les forces armées. Quand vous avez présenté une ventilation de cette somme pendant votre discours, vous avez mentionné que 2,1 milliards de dollars serviraient à accroître le recrutement et le maintien en poste des militaires. Vous avez ensuite mentionné 2,1 milliards de dollars pour « soutenir les forces armées », mais je n’ai entendu aucun détail à ce sujet.
Pourriez-vous nous expliquer ce que comprend le volet « soutenir les forces armées »?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Une enveloppe de 2,1 milliards de dollars est demandée pour renforcer la capacité de l’industrie canadienne à soutenir les forces armées, en mettant l’accent sur les besoins immédiats et les initiatives qui peuvent être mises en œuvre rapidement. Il s’agit de stimuler la production canadienne et de favoriser l’innovation dans des secteurs essentiels, afin de jeter les bases d’une stratégie pour l’industrie de la défense qui non seulement renforcera les forces armées, mais créera également des débouchés pour les travailleurs de tout le Canada.
Ces 2,1 milliards de dollars sont destinés à répondre aux besoins des Forces armées canadiennes et à trouver des industries d’ici pour y arriver, créant ainsi des emplois dans notre économie tout en fournissant aux forces armées ce dont elles ont besoin.
La sénatrice Batters : Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. S’agit-il de donner de l’argent à des entreprises pour qu’elles fournissent des services et du soutien aux forces armées? Je ne comprends pas votre explication.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je vous l’explique volontiers. Les forces armées feront l’acquisition de beaucoup de choses dont elles ont besoin. L’idée, c’est de trouver des entreprises canadiennes qui peuvent participer à des processus rigoureux de demande de propositions, tout en veillant à ce que les industries canadiennes aient la possibilité de fournir des choses aux Forces armées. Les 2,1 milliards de dollars visent strictement à aider les industries canadiennes à ce chapitre. Il ne s’agit pas de leur donner de l’argent pour ne rien faire. Nous voulons qu’elles participent aux processus de demande de propositions. C’est ce que je comprends.
L’honorable Rebecca Patterson : Vous avez indiqué que 834 millions de dollars ont été consacrés à ce que j’appellerai le « fourre-tout ». On comprend que les dépenses de défense ont pris un retard considérable au chapitre de l’équipement, des technologies et des produits essentiels.
Vous avez parlé d’infrastructures de formation et d’investissements mineurs dans l’immobilier. L’un des plus grands problèmes, c’est que la plupart des bases sont situées dans des régions assez éloignées du Canada, où le logement est un grave problème pour les familles de militaires. En fait, des membres des Forces armées canadiennes sont envoyés dans certaines bases quand l’économie ralentit, et ils doivent déclarer faillite.
Selon vous, une partie de cette somme est-elle également consacrée au logement en dehors de la défense à proprement parler, pour les bases, les familles, etc.?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Les renseignements dont je dispose ne sont pas assez détaillés, et je ne suis pas certaine que nous ayons obtenu ce type de renseignements détaillés au sein du Comité des finances non plus.
Vous et moi savons que les infrastructures comprennent les logements des forces armées. C’est tout ce que je sais à cet égard.
L’honorable David Richards : Madame la sénatrice, cet argent va-t-il servir d’une manière ou d’une autre à financer l’achat du F-35 ou s’agit-il d’une dépense totalement distincte?
La sénatrice LaBoucane-Benson : C’est distinct. Au Comité des finances, on nous a parlé de l’acquisition de ces avions. Mme Tremblay a indiqué au comité que dans le cas du F-35, l’avion dont vous parlez, nous allons prendre livraison des premiers appareils en 2026, et ils seront livrés aux États-Unis pour la formation des pilotes canadiens. En 2028, nous recevrons les premiers avions au Canada. Elle a précisé qu’il s’agissait d’un programme complexe, mais qu’il progressait bien jusqu’à présent.
(2130)
Si je ne me trompe, c’est compris dans le Budget principal des dépenses, et non dans le Budget supplémentaire des dépenses.
Le sénateur Richards : Les 2 milliards de dollars que nous donnons à l’Ukraine, s’agit-il de 2 milliards de dollars que nous prêtons à l’Ukraine pour des drones, de l’équipement, des munitions et du matériel? Je veux juste savoir si nous leur donnons du matériel que nous possédons ou si nous leur donnons l’argent pour qu’ils se les procurent. Je ne pense pas que nous ayons ce matériel et ces drones ici, n’est-ce pas?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Pour être claire, les 2 milliards de dollars comprennent l’Ukraine, mais ils ne sont pas exclusivement destinés à l’Ukraine; ils comprennent également d’autres partenaires à l’international. Je ne sais pas si nous fabriquons ce matériel ici ou si nous l’achetons à l’étranger. Je n’ai pas ce degré de détail, sénateur.
La sénatrice Batters : J’aimerais revenir là-dessus, car ce serait intéressant et important de le savoir. Peut-être que, à l’étape de la troisième lecture, nous pourrons obtenir plus de renseignements sur ce type de montant, qui s’élève à 2 milliards de dollars.
Dans votre discours, quand vous avez parlé des 834 millions de dollars, j’ai noté que vous avez parlé d’une « gamme d’équipements ». De quel type d’équipement s’agit-il? Je n’ai pas entendu parler d’autres montants dans ces 9 milliards de dollars qui sont spécifiquement destinés à de l’équipement. Si ces 9 milliards de dollars doivent servir à d’autres équipements, j’aimerais le savoir également.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Pour ce qui est des 834 millions de dollars pour divers approvisionnements, cela comprend notamment de l’équipement de défense, de l’équipement personnel, des technologies, l’entretien d’infrastructures ainsi que des services essentiels. Tout cela est inclus dans les 834 millions de dollars.
Sénatrice, ces dépenses comprennent d’autres types de financement pour de l’équipement. Évidemment, les 2,1 milliards de dollars dont nous avons parlé plus tôt concernent l’approvisionnement, et cela porte sur l’équipement aussi. Nous espérons que les industries canadiennes pourront répondre à cette demande.
La sénatrice Batters : Je viens de vérifier, et il y a deux semaines à peine — soit le lundi 9 juin —, le premier ministre Carney a annoncé que le gouvernement fédéral atteindrait l’objectif de 2 % du PIB fixé par l’OTAN d’ici la fin de l’exercice actuel, en mars. Or, ces derniers jours, depuis la fin de la dernière période des questions à la Chambre des communes, on parle soudainement de 5 % du PIB. Je crois que c’était hier qu’une journaliste étrangère, Christiane Amanpour, a demandé au premier ministre Carney combien représentait 5 % du PIB pour le Canada. Le premier ministre Carney a répondu que cela représentait 150 milliards de dollars.
Compte tenu des montants dont nous parlons — et il a fallu beaucoup de temps au gouvernement libéral pour prévoir des sommes importantes pour la défense —, comment diantre pourrons-nous atteindre 150 milliards de dollars, ou 5 % du PIB?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Pour la promesse récente de 5 % du PIB annuel, on parle de l’horizon 2035. Le Canada consacrera en effet 3,5 % de son PIB à des capacités militaires de base, bonifiant ainsi ses investissements récents. Il fera donc d’autres investissements dans les Forces armées canadiennes, soit pour moderniser le matériel et la technologie militaires, consolider les industries canadiennes de la défense et diversifier ses partenariats en matière de défense.
Nous avons également été informés que 1,5 % du PIB sera consacré à des investissements dans les infrastructures essentielles à la défense et à la sécurité, comme de nouveaux aéroports, les ports, les télécommunications, les systèmes de protection civile et d’autres investissements à double usage qui serviront à la fois la défense et la protection civile. Cela fera partie du 5 %.
Il est à noter qu’en 2029, on fera le bilan de cette promesse, pour veiller à ce que toutes les dépenses alliées soient adaptées au contexte de la sécurité mondiale.
L’honorable Marilou McPhedran : Sénatrice, pour ce qui est d’augmenter les effectifs des forces armées, pourriez-vous nous rassurer quant au fait que malgré l’empressement à investir et à dépenser de l’argent pour stimuler les embauches, on continuera de respecter les lignes directrices actuelles sur la diversité, l’équité et l’inclusion?
La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci de votre question, madame la sénatrice.
J’en ai parlé dans mon discours en disant qu’il faut veiller à ce que nos forces armées soient le reflet de la société canadienne à cet égard. Je n’ai pas mentionné la diversité, l’équité et l’inclusion en tant que telles, mais c’est bien de cela que je parlais : il doit y avoir un équilibre entre les sexes, et nos forces armées doivent être le reflet de notre société.
L’honorable Elizabeth Marshall : Je vous remercie de vos observations, sénatrice LaBoucane-Benson.
Honorables sénateurs, je prends aussi la parole au sujet du projet de loi C-7, Loi de crédits no 2 pour 2025-2026. Le budget supplémentaire des dépenses (A) sous-tend le deuxième projet de loi de crédits pour le présent exercice. Ce projet de loi demande au Parlement d’autoriser des dépenses totalisant 8,6 milliards de dollars. Cette somme s’ajoute aux 467 millions de dollars de dépenses législatives.
Le projet de loi de crédits et le document qui l’accompagne, le budget supplémentaire des dépenses (A), diffèrent de ce qui est habituellement présenté parce qu’ils demandent des fonds supplémentaires pour deux organisations seulement : le ministère de la Défense nationale demande 8,2 milliards de dollars et le Centre de la sécurité des télécommunications demande 370 millions de dollars pour renforcer et moderniser son équipement et sa technologie.
Selon le document d’information du gouvernement, ces fonds supplémentaires feront passer les dépenses liées à l’OTAN à 2 % du PIB. Le Canada n’a jamais atteint le seuil de 2 % du PIB établi par l’OTAN, et l’augmentation annoncée dans le budget supplémentaire des dépenses (A) lui permettra d’atteindre cet objectif.
Les 8,2 milliards de dollars demandés par le ministère de la Défense nationale serviront à divers programmes. C’est ce que j’ai compris à la lecture des renseignements généraux du gouvernement. Je vais vous expliquer pourquoi je n’ai pas plus d’information à ce sujet. Comme l’a dit la sénatrice LaBoucane-Benson, les 2,1 milliards de dollars sont destinés aux programmes de recrutement, de maintien en poste et de soutien des Forces armées canadiennes. Il y a également : 2,1 milliards de dollars pour la recherche et le développement en matière de défense et le soutien à l’industrie canadienne de la défense; 2 milliards de dollars pour l’aide militaire à l’Ukraine et l’élargissement des partenariats en matière de défense; 1 milliard de dollars pour les capacités militaires stratégiques; 833 millions de dollars pour l’équipement et l’infrastructure, nouveaux et existants, des Forces armées canadiennes; 180 millions de dollars pour le financement d’outils et de capacités numériques. En additionnant tous ces chiffres, on arrive aux 8,2 milliards de dollars demandés par le ministère de la Défense nationale.
Ainsi, les 8,2 milliards de dollars demandés par le ministère porteront le financement total approuvé à 44 milliards de dollars. On s’attend à ce que le ministère de la Défense nationale demande des fonds supplémentaires dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) et le Budget supplémentaire des dépenses (C) pour atteindre d’autres objectifs.
Même si la demande de financement portera le financement total du ministère à 44 milliards de dollars, le défi pour la Défense nationale est de dépenser ces 44 milliards de dollars. Historiquement, le ministère a omis de dépenser des sommes importantes qui lui avaient été octroyées. Les 44 milliards de dollars représentent une forte augmentation, mais le gouvernement n’a fourni aucun plan indiquant comment le ministère parviendra à dépenser ce montant.
Des fonctionnaires du ministère de la Défense nationale ont témoigné devant le Comité des finances le mardi 17 juin. Leur témoignage a principalement porté sur les 34 milliards de dollars prévu dans Budget principal des dépenses ainsi que sur la demande de 8 milliards de dollars dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) afin d’atteindre l’objectif de 2 % du PIB fixé par l’OTAN.
Cependant, historiquement, le ministère a eu du mal à dépenser les fonds qui lui étaient alloués. Lors de notre réunion, les fonctionnaires ont reconnu qu’il sera difficile de respecter ses engagements cette année. Ils savent qu’ils doivent faire beaucoup de dépenses en peu de temps.
Ces deux projets de loi de crédits — le projet de loi C-6, qui vient d’être mis aux voix, et le projet de loi C-7 — représentent une augmentation substantielle du financement, et trois mois de l’exercice financier se sont déjà écoulés. Les fonctionnaires nous ont assuré qu’ils avaient un plan, même si nous ne l’avons pas vu, et ils nous ont fourni certains renseignements sur les programmes qui bénéficieront du financement supplémentaire. Cependant, les détails font défaut.
(2140)
Les fonctionnaires ont également soumis un aperçu des dépenses qui pourraient être incluses dans les dépenses liées à la défense et qui aideront le ministère à atteindre cet objectif de 2 %.
Les fonctionnaires nous ont informés que leur plan ministériel pour 2025-2026 était désormais disponible, mais le plan ministériel publié au lendemain de notre rencontre avec eux ne comprend pas le financement supplémentaire de 8,2 milliards de dollars mentionné dans le projet de loi C-7.
Bien que les fonctionnaires aient présenté un résumé général relatif aux 8,6 milliards de dollars et à la façon dont ils seront dépensés, l’analyse par poste principal indique que 1,7 milliard de dollars sera consacré au personnel, 1,1 milliard de dollars aux services professionnels et spécialisés et 3,4 milliards de dollars aux paiements de transfert.
Selon le site Web du gouvernement — cette information n’est pas fondée sur un témoignage —, les 3,4 milliards de dollars en paiements de transfert serviraient à financer l’équipement, les besoins et les fournitures en matière de défense, ainsi que les installations, mais cela n’est pas expressément mentionné.
Dans mon discours sur le projet de loi C-6, j’ai mentionné qu’un montant était alloué aux dépenses en immobilisations, mais l’an dernier, nous avons reçu la liste des éléments inclus. Nous savions combien il y avait d’avions, de quel type ils étaient, etc. Cette année, nous ne disposons pas de ces renseignements, du moins pas encore.
Comme je l’ai mentionné précédemment, les hauts fonctionnaires nous ont dit que les 8,2 milliards de dollars demandés dans ce projet de loi ne figuraient pas dans leur plan ministériel pour 2025-2026 et que, de toute façon, ce plan n’a été publié que le 18 juin, soit le lendemain de la réunion de notre comité avec les hauts fonctionnaires le 17 juin.
Quand ce projet de loi sera adopté, le ministère de la Défense nationale disposera du budget le plus élevé pour rémunérer le personnel, soit 4,5 milliards de dollars. Il bénéficiera également du budget le plus élevé pour les services professionnels et spéciaux, soit 8,4 milliards de dollars.
Étant donné que le gouvernement s’est engagé dans le discours du Trône à réduire les augmentations annuelles des coûts de fonctionnement à 2 % par année, rien n’indique, comme je l’ai dit tout à l’heure, que cette initiative de restriction budgétaire est amorcée. Puisque ce projet de loi prévoit des augmentations importantes des dépenses pour payer le personnel et des dépenses pour les services professionnels et spéciaux du ministère de la Défense nationale, je pense que le gouvernement aura vraiment du mal à limiter à 2 % par année l’augmentation des coûts de fonctionnement.
C’est à peu près tout ce que je peux dire au sujet du projet de loi C-7, car l’information disponible est insuffisante. Je voudrais passer en revue les contraintes qui nous ont été imposées.
Tout d’abord, nous disposions de peu de temps pour examiner le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses (A). Ainsi, nous n’avons passé qu’une heure et demie à examiner les prévisions budgétaires du ministère de la Défense nationale. Comme je l’ai dit précédemment, le plan ministériel 2025-2026 n’a été publié que le 18 juin, donc après notre réunion du 17 juin avec les responsables du ministère. Bref, quand nous avons rencontré les responsables du ministère pour examiner leur plan de dépenses, nous n’avions pas leur plan ministériel, ce qui nous privait d’un document qui m’apparaît très important.
Quoi qu’il en soit, lorsque nous avons discuté de ce projet de loi, du Budget supplémentaire des dépenses et des 8,2 milliards de dollars, le ministère nous a dit que le plan ministériel 2025-2026 ne contenait aucun renseignement sur les 8,2 milliards de dollars demandés. Nous ne disposions donc pas de cette information. Ils n’ont vraiment pas été en mesure de fournir un plan pour justifier les 8,2 milliards de dollars, et ce, même pendant nos discussions.
Nous faisions notre possible pour examiner le Budget supplémentaire des dépenses, mais nous n’avions pas beaucoup d’éléments à notre disposition. Les renseignements que nous avons demandés n’arriveront qu’après coup.
Je n’ai rien à ajouter au sujet du projet de loi C-7. J’espère que nous aurons plus de renseignements quand le Budget supplémentaire des dépenses (B) nous sera présenté. Nous en profitons généralement pour regrouper le budget principal des dépenses et les budgets supplémentaires des dépenses (A) et (B).
Cela conclut mes observations sur le projet de loi C-7.
L’honorable David Richards : La sénatrice Marshall accepterait-elle de répondre à une brève question?
La sénatrice Marshall : Oui.
Le sénateur Richards : Étant donné que ce n’est pas précisé, savons-nous où va réellement cet argent? Nous avons un portrait global des dépenses, mais en l’absence d’une ventilation explicite, savons-nous où va cet argent, comment il sera dépensé, qui le recevra et s’il sera utilisé à bon escient?
La sénatrice Marshall : Je vous remercie de votre question. Sur le plan général, on peut lire dans le document d’information du gouvernement, par exemple, qu’il prévoit 2 millions de dollars pour ceci et 2 millions de dollars pour cela. De plus, il y a certaines données sur le site Web du gouvernement. Par exemple, le plan est ventilé par objet principal, c’est-à-dire combien est consacré aux salaires, combien est consacré aux consultants, combien est consacré à ceci et à cela. Il y a environ 10 catégories. On peut étudier cette ventilation et la comparer à celle de l’année dernière pour voir si les dépenses sont à la hausse ou à la baisse.
Toutefois, par exemple, si on regarde les dépenses en capital, on a prévu 10,9 milliards de dollars. Je ne saurais vous dire à quoi cette somme servira. L’année dernière, quand il s’agissait de 7 milliards de dollars, j’ai demandé au ministère : « Pouvez-vous nous envoyer la liste? » On m’a envoyé une liste qui totalisait 7 milliards de dollars, et elle indiquait que c’était pour tel avion, pour tel navire, et ainsi de suite. C’était une liste. C’étaient de gros chiffres, mais, au moins, c’était plus précis que ce que nous avons maintenant.
Je trouve qu’au sujet des 8,2 milliards, il manque des informations tant dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) que dans le Budget principal des dépenses. J’aurais aimé avoir plus de détails.
Je crois que l’un des problèmes auquel va se heurter le ministère, c’est verser l’argent. Les représentants du ministère nous ont dit à l’époque que cette augmentation du financement pour le porter à 44 milliards de dollars permettra d’atteindre l’engagement envers l’OTAN, puisque cela portera les dépenses de défense à 2,01 % du PIB, ce qui est juste au-dessus de l’objectif. Si le ministère ne dépense pas ces 44 milliards de dollars, les 2 % ne seront pas atteints. Le ministère est conscient de cette difficulté.
J’aimerais avoir plus de détails. J’en obtiens habituellement plus que cela.
Le sénateur Richards : Nul ne se préoccupe autant de la défense que moi, depuis mon arrivée au Sénat, et quelques-uns de mes collègues.
Avez-vous bon espoir que cet argent sera dépensé à bon escient? C’est ma principale préoccupation à l’égard de ces fonds, et vu toutes les implications, j’en doute. Si ce n’est pas le cas, nous revenons à la case départ alors que notre priorité doit être d’aider les soldats canadiens.
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup pour cette question. Je ne peux pas dire s’il sera dépensé à bon escient. À ce stade, j’espère simplement qu’il sera dépensé pour atteindre l’objectif de 2 %. C’est la vérificatrice générale qui décidera si cet argent est dépensé à bon escient.
J’ai trouvé très encourageant le témoignage des responsables du ministère, même s’ils ne nous ont pas donné beaucoup d’informations. Cependant, ils reconnaissent qu’ils sont sous pression et que cela va être un véritable défi. La première étape consiste à leur donner les fonds, mais ils doivent les allouer immédiatement.
Le sénateur Richards : Merci beaucoup.
L’honorable Denise Batters : Sénatrice Marshall, comme vous l’avez dit dans votre discours, le nouvel exercice financier est déjà commencé depuis trois mois. Or, il n’y a pas de plan. Les fonctionnaires ont peut-être fait du bon travail lors de leur témoignage, mais le lendemain, des détails supplémentaires concernant les chiffres ont été révélés. Vous ne disposiez pas de ces détails quand vous leur avez posé des questions.
Comment les Canadiens peuvent-ils être sûrs que le gouvernement atteindra réellement l’objectif qu’il s’est fixé, à savoir 2 % du PIB d’ici la fin de l’exercice financier — alors qu’il y a déjà 3 mois qui sont passés — s’il n’a pas de plan pour dépenser ces 8,2 milliards de dollars?
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup pour votre question. Je ne sais pas si j’ai bien fait passer le message, mais je n’ai pas vu de plan, et ils ne m’en ont pas fourni non plus. Ils nous ont dit qu’ils avaient un plan, mais ils ne nous l’ont pas communiqué. Nous ne l’avons pas et nous n’avons pas de plan ministériel pour les 8,2 milliards de dollars. Je suppose qu’il faut faire un acte de foi.
L’honorable Andrew Cardozo : Chers collègues, je me concentrerai sur le Budget supplémentaire des dépenses, en particulier sur les dépenses liées à la défense qui répondent à la demande de l’OTAN de les augmenter.
(2150)
Premièrement, j’aimerais remercier la sénatrice LaBoucane-Benson de nous avoir fourni l’information dont nous disposons et je remercie également la sénatrice Marshall pour ses analyses qui, comme d’habitude, nous éclairent beaucoup.
À titre de membre de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN, j’ai assisté, ce printemps, à une conférence à Dayton, en Ohio, où il nous est apparu clair que nous devions augmenter nos dépenses pour la défense. Toutefois, personne ne peut ignorer que le gouvernement des États-Unis semble vouloir miner les économies de ses alliés de l’OTAN. Nous devons donc saisir l’occasion d’augmenter nos dépenses pour la défense tout en bâtissant notre économie. C’est une obligation que nous avons.
Comme la sénatrice LaBoucane-Benson l’a dit, les dépenses budgétaires vont augmenter de 8,6 milliards de dollars par rapport à ce qui est inscrit dans le Budget principal des dépenses de 2025-2026. Elle nous a résumé cinq demandes du ministère de la Défense nationale. La première est d’augmenter la solde des militaires des Forces armées canadiennes ayant un grade inférieur à celui de colonel. Les Forces armées canadiennes ont grandement besoin d’une telle hausse, qui aurait dû être accordée il y a longtemps. Les quatre autres demandes ouvrent des perspectives intéressantes dans le secteur de la fabrication. Elles concernent la recherche et le développement, l’aide à l’Ukraine, le développement de capacités militaires stratégiques, ainsi que l’équipement et les infrastructures des Forces armées canadiennes.
Aujourd’hui, je veux surtout encourager le gouvernement à faire ses dépenses au Canada pour la recherche et le développement, l’innovation et la fabrication. Je partage le point de vue exprimé tout à l’heure par le sénateur Colin Deacon, au sujet de l’innovation et de la fabrication.
Voici quelques faits sur l’industrie canadienne de la défense, comme l’a souligné l’Association des industries canadiennes de défense et de sécurité. L’industrie apporte 9,6 milliards de dollars au PIB du Canada, investit 440 millions de dollars dans l’innovation chaque année et représente 81 000 emplois. En outre, 49 % de ses ventes proviennent des exportations. L’industrie est située dans toutes les régions du Canada et se compose de quelque 580 entreprises, grandes, moyennes et petites, qui ne demandent certainement qu’à croître.
L’industrie de la défense du Canada produit une gamme d’équipements, y compris des véhicules blindés légers, des fusils et des munitions. Je me permets de donner quelques exemples précis d’équipement de défense fabriqué au Canada. Roshel Canada fabrique des véhicules blindés légers et a son siège à Brampton, en Ontario. Soit dit en passant, lorsque nous examinons les défis auxquels fait face le secteur de l’automobile, nous pourrions peut-être envisager de construire des véhicules blindés légers pour aider ce secteur. Magellan Aerospace produit des roquettes et des fusées éclairantes. IMT Defence produit des projectiles forgés et de l’usinage spécialisé. HFI Pyrotechnics Inc. fabrique des produits pyrotechniques.
Je demande au gouvernement de voir à ce qu’autant que possible, ses dépenses dans le domaine de la défense soient concentrées au Canada, et ce, afin de bâtir l’industrie canadienne. Compte tenu des menaces tarifaires des États-Unis et des propos sur le 51e État, je pense que nous devons faire trois choses : acheter des produits canadiens dans la mesure du possible, fabriquer des produits canadiens et financer la recherche et le développement au Canada.
Chers collègues, vous savez peut-être que j’ai enregistré une série d’entretiens avec des Canadiens au sujet des relations entre le Canada et les États-Unis. Aujourd’hui, j’ai publié un entretien avec Daniel Tisch, président et directeur général de la Chambre de commerce de l’Ontario, ma province. Je le cite :
Nos membres dans le secteur de la défense se réjouissent des signaux favorables rapportés par la presse concernant les dépenses dans ce secteur qui profiteraient à l’industrie canadienne. Leur optimisme s’est accru encore cette semaine, vu la visite du premier ministre au sommet de l’OTAN.
C’est assez urgent, car il y a un risque de perdre cette base industrielle au profit d’autres pays qui augmentent, eux aussi, leurs dépenses de défense.
Je me permets de citer Benjamin Bergen, président du Conseil canadien des innovateurs :
Les dépenses du gouvernement pour la défense du Canada constitueront une occasion manquée pour toute une génération si nous ne veillons pas à ce que cet argent serve également à développer des entreprises canadiennes qui pourront répondre à nos besoins en matière de sécurité. Si les innovateurs ont l’assurance que le gouvernement prévoit d’importants contrats pour se procurer des systèmes de défense fabriqués au Canada, les risques liés à la recherche et au développement seront réduits pour les entreprises qui souhaitent commercialiser des technologies de pointe. Si nous consacrons plus de 2 % du PIB à la défense, nous ne devrions pas nous contenter d’acheter des produits prêts à l’emploi. Le gouvernement doit plutôt collaborer avec les acteurs du secteur privé afin de concevoir conjointement les systèmes et technologies de défense du XXIe siècle. C’est d’ailleurs ce que font tous les pays qui font partie des chefs de file dans le domaine.
Ces deux personnes indiquent que d’autres pays utilisent leurs dépenses militaires pour développer leur propre politique industrielle et leur industrie nationale. Nous devons certainement faire de même.
Lorsqu’il s’agit d’acheter à l’étranger, nous devons adopter une approche de réciprocité. Prenons par exemple l’annonce faite le 18 mars concernant l’achat d’un système radar transhorizon pour l’Arctique, d’une valeur de 6 milliards de dollars, que nous avons acheté à l’Australie. Nous devrions conclure un tel achat comme s’il s’agissait d’un accord commercial. Nous dépensons 6 milliards de dollars pour acheter des produits fabriqués chez eux, et ils dépensent 6 milliards de dollars pour acheter des produits fabriqués ici. C’est une dépense qui profite aux deux parties.
Bien que des sommes importantes soient prévues dans le budget pour les gros travaux d’entretien et de réparation, nous devons nous concentrer sur la fabrication au Canada. C’est essentiel. Je tiens à dire clairement que nous ne pouvons pas nous contenter d’être le réparateur Maytag de l’industrie de la défense. Nous devons nous efforcer d’être les innovateurs, les détenteurs des droits de propriété intellectuelle et les fabricants d’équipement de défense.
Je conviens que nous faisons face à un dilemme. D’une part, les nouvelles dépenses nécessaires pour atteindre l’objectif de l’OTAN doivent être engagées rapidement. Nous avons un objectif ambitieux et important à atteindre. D’autre part, nous avons une occasion unique de développer nos secteurs de l’innovation et de la fabrication et de créer de nombreux emplois bien rémunérés et durables au Canada. Comme l’a déclaré le premier ministre Carney, « nous devons bâtir l’économie la plus forte du G7 ».
Pour conclure, chers collègues, j’encourage les fonctionnaires et les ministres, en particulier ceux qui sont responsables de la Défense nationale, de Services publics et Approvisionnement Canada et de l’approvisionnement en matière de défense, à tout mettre en œuvre pour s’assurer que nous dépensons judicieusement ces milliards de dollars afin de bâtir l’économie canadienne et de soutenir de bons emplois pour les Canadiens.
Dans ce monde turbulent, nous pouvons veiller à ce que nos engagements envers l’OTAN permettent de bâtir l’économie canadienne et de créer de bons emplois pour les Canadiens. Merci.
Le sénateur Richards : Monsieur le sénateur, j’ai tellement de questions pour vous. Nous avons déjà renoncé à tout cela auparavant, sénateur Cardozo. Nous avons jeté l’Avro Arrow dans le lac Ontario. Nous avons cédé l’intelligence artificielle. Nous avons refusé d’accorder un accès à Gerald Bull et à son système permettant au Canada d’envoyer des satellites dans l’espace, alors il est allé travailler pour Saddam Hussein et il a été abattu en Belgique. Tout cela s’est passé sous le règne des trois ou quatre derniers gouvernements, ou avant dans le cas de l’Avro Arrow, à la fin des années 1950.
Je me demande simplement comment nous allons changer notre façon de faire les choses aujourd’hui, alors que nous ne l’avons pas fait au cours des 65 dernières années.
Le sénateur Cardozo : J’espère que vous ne le prendrez pas mal, je ne veux pas être irrévérencieux, mais j’espère que l’intelligence de personnes comme vous, qui défendez ces idées — que nous continuerons tous à défendre ces idées.
J’espère que nous avons atteint le point où les gouvernements canadiens et l’industrie ont compris que nous devons vraiment prendre plus au sérieux les droits de propriété intellectuelle et le secteur manufacturier. J’espère que nous verrons toutes les mesures liées aux dépenses massives que nous nous apprêtons à engager — peut-être au-delà des 2 % dont nous parlons ici dans le cadre du Budget supplémentaire des dépenses. Tout ce que je peux dire, c’est que Dieu nous vienne en aide si nous ne le faisons pas. C’est vraiment une occasion à saisir.
Les deux personnes que j’ai citées ont toutes deux déclaré que si nous ne faisons pas ces choses, nous serons perdants, non seulement parce que nous y perdrons, mais aussi parce que tout le monde le fait déjà. Si nous ne suivons pas l’exemple des autres et n’utilisons pas ces fonds pour développer notre économie, nous serons en mauvaise posture. J’espère que nous saurons saisir cette occasion d’être concurrentiels. Le premier ministre parle de bâtir l’économie la plus forte du G7 et c’est vraiment, selon moi, un excellent point de départ. Les répercussions iront bien au-delà de l’industrie de la défense et toucheront un large éventail d’innovations et de technologies.
(2200)
L’honorable Rebecca Patterson : Le sénateur Cardozo accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Cardozo : Bien sûr.
La sénatrice Patterson : Il est évident que, d’un point de vue conceptuel, le renforcement des capacités ne se limite pas à la recherche et au développement. Il s’agit de consacrer à l’industrie de la défense des investissements à long terme et durables, ce qui exigera un changement complet de mentalité au Canada, puisque toute entreprise à but lucratif doit avoir des contrats viables.
Nous avons bien sûr entendu parler de la stratégie industrielle de défense qui est en cours d’élaboration. L’Allemagne a déjà exploré cette voie et y a consacré 100 milliards d’euros pour démarrer. Selon vous, que devrait comprendre une stratégie industrielle de défense pour que nous puissions aller au-delà de la R-D et disposer d’une défense véritablement durable à l’avenir? C’est un dividende qui portera ses fruits bien au-delà de la session parlementaire actuelle.
Le sénateur Cardozo : Je n’ai certainement pas tous les éléments de réponse, mais votre question est vraiment importante. Vous nous mettez au défi de voir grand et de penser à long terme, en prenant conscience que nous avons une occasion unique de construire pour l’avenir.
J’espère que ceux d’entre nous qui s’intéressent à cette question, que ce soit au sein du Comité de la sécurité nationale — où nous siégeons tous les deux — ou dans d’autres tribunes, continueront à soulever cette question et à faire valoir leur point de vue.
Pour faire une petite digression, je dirais que nous vivons dans une société hyperinformée où il se passe tellement de choses différentes qu’il est difficile de maintenir un discours fort et évolutif. Une partie de notre défi, en tant que sénateurs, consiste à tirer parti des occasions qui s’offrent à nous, comme les travaux du Comité de la sécurité nationale, pour continuer à faire valoir l’aspect que vous avez soulevé.
L’honorable Marilou McPhedran : Sénateur Cardozo, accepteriez-vous de répondre à une question?
Le sénateur Cardozo : Bien sûr.
La sénatrice McPhedran : Merci. Au cours de vos nombreuses réunions et conversations, a-t-il déjà été question non seulement des merveilleux avantages d’une augmentation des dépenses militaires à plusieurs égards, mais aussi des conséquences du transfert de ressources vers le secteur de la défense? Qui en pâtira? Qui ne sera plus financé au sein de la société, à la suite d’un transfert aussi massif de ressources vers la défense?
Le sénateur Cardozo : Vous soulevez un excellent point, car nous vivons en vase clos. Il peut donc arriver qu’on omette de discuter des coûts sociaux. Or, c’est certainement notre responsabilité à titre de parlementaires chargés de répondre à une vaste gamme d’enjeux.
Je ne veux pas débiter des banalités en disant qu’aider l’économie permettra d’aider la société, même si c’est vrai. Cependant, je tiens à signaler que lorsque nous aidons des industries, nous aidons les nombreuses personnes qu’elles emploient.
Il y a quelques mois, j’ai visité une aciérie dans la région de Toronto. Quelqu’un s’en était un peu pris à moi pour des propos que j’avais tenus sur les médias sociaux. Je l’ai donc appelé, et nous avons fait connaissance. Je suis allé visiter son aciérie, et nous sommes devenus amis.
Alors que nous discutions de diverses choses, j’ai constaté avec intérêt que l’ensemble du personnel de l’usine était composé de nouveaux arrivants et de personnes de couleur. Il ne s’agissait pas d’une usine militaire. On y fabriquait des pièces en acier pour les automobiles, mais ces pièces pourraient certainement être utilisées pour les véhicules blindés légers.
Lorsque nous examinerons diverses industries, nous constaterons qu’elles comportent de multiples facettes. Lorsque nous nous pencherons sur ce genre de choses, j’espère que nous verrons une industrie qui emploie des gens venus de partout dans le monde. Nous verrons une usine qui est — je ne dirai pas sans racisme — très diversifiée de par sa nature. Beaucoup de gens y travaillaient depuis très longtemps et étaient satisfaits et heureux.
La création d’emplois en soi est utile pour régler certains de ces problèmes. Dans bien des cas, les problèmes ne sont pas seulement de nature économique, mais ils exigent des ressources publiques. Nous devons veiller à ne pas nous éloigner des valeurs qui sont chères aux Canadiens.
Son Honneur la Présidente : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.
Et deux honorables sénateurs s’étant levés :
Son Honneur la Présidente : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?
La sénatrice Seidman : Oui : maintenant.
Son Honneur la Présidente : Je vais quand même poser la question. Le consentement est-il accordé?
Des voix : D’accord.
La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois :
POUR
Les honorables sénateurs
| Adler | LaBoucane-Benson |
| Al Zaibak | Lewis |
| Arnold | Loffreda |
| Arnot | MacAdam |
| Aucoin | McBean |
| Black | McCallum |
| Boehm | McNair |
| Boudreau | Mégie |
| Burey | Moncion |
| Busson | Moreau |
| Cardozo | Muggli |
| Clement | Oudar |
| Cormier | Pate |
| Coyle | Patterson |
| Cuzner | Petitclerc |
| Deacon (Nouvelle-Écosse) | Petten |
| Dhillon | Pupatello |
| Downe | Quinn |
| Forest | Ravalia |
| Francis | Robinson |
| Fridhandler | Saint-Germain |
| Gerba | Senior |
| Gignac | Simons |
| Gold | Sorensen |
| Harder | Surette |
| Hay | Tannas |
| Hébert | Varone |
| Henkel | White |
| Ince | Wilson |
| Karetak-Lindell | Youance |
| Kingston | Yussuff—62 |
CONTRE
Les honorables sénateurs
| Ataullahjan | Martin |
| Batters | McPhedran |
| Housakos | Seidman |
| MacDonald | Smith |
| Manning | Wells (Terre-Neuve-et-Labrador)—11 |
| Marshall |
ABSTENTION
L’honorable sénateur
| Richards—1 |
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
(2210)
La Loi sur les Indiens
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Audette, appuyée par l’honorable sénateur Francis, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (nouveaux droits à l’inscription).
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture en tant que porte-parole au sujet du projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les Indiens en ce qui a trait aux nouveaux droits à l’inscription.
Les mesures proposées dans le projet de loi S-2 visent à corriger les iniquités de longue date qui existent dans la Loi sur les Indiens, des iniquités qui font du tort aux peuples autochtones depuis des générations.
Le projet de loi S-2 comporte quatre grands volets. Premièrement, il aborde la question de l’émancipation, une politique qui permettait, ou plus souvent contraignait, les membres des Premières Nations à renoncer à leur statut en échange des droits liés à la citoyenneté canadienne. Jusqu’en 1985, cette politique privait non seulement les particuliers, mais aussi leur conjoint et leurs descendants du statut juridique d’Indiens en application de la Loi sur les Indiens. Il en résultait non seulement une exclusion du registre des Indiens, mais aussi de leur communauté, de leur culture et de leur terre natale.
Le projet de loi S-2 vise à garantir l’admissibilité à l’inscription des personnes qui ont des antécédents familiaux d’émancipation, au même titre que les personnes dont la famille n’a jamais été émancipée. Il s’agit déjà là d’une correction aussi importante que nécessaire.
Deuxièmement, le projet de loi crée un processus qui permet aux personnes de se retirer volontairement du registre des Indiens, ce qui n’a jamais été possible officiellement sous le régime de la loi actuelle. Le projet de loi S-2 comble cette lacune en respectant le choix individuel et l’autodétermination. Les personnes qui choisissent de se désinscrire auront toujours la possibilité de présenter une nouvelle demande plus tard si elles souhaitent retrouver leur statut. Le projet de loi vise à ce qu’une telle décision n’ait pas de conséquences négatives pour leurs enfants ou leurs futurs descendants, dont l’admissibilité à l’inscription reste pleinement protégée.
Troisièmement, le projet de loi prévoit la possibilité pour les femmes de se réaffilier à leur bande natale. C’est particulièrement important pour les femmes des Premières Nations et leurs descendants qui, avant 1985, perdaient leur affiliation à la bande lorsqu’elles épousaient une personne d’une autre bande. La loi les transférait à la bande de leur mari, sans tenir compte de leurs souhaits. Même en cas de divorce, de décès ou de séparation, ces femmes et leurs enfants n’avaient souvent aucun moyen de retourner à leur communauté d’origine. Le projet de loi S-2 permet de rétablir les liens avec la communauté, liens qui ont été rompus par des politiques paternalistes et dépassées. Quatrièmement, le projet de loi supprime les termes péjoratifs de la Loi sur les Indiens, en particulier les références aux « Indiens mentalement incapables ». Il s’agit d’une étape importante dans la modernisation du langage de la loi pour refléter la dignité, l’exactitude et le respect.
Le projet de loi S-2 s’appuie sur une série d’efforts législatifs antérieurs visant à remédier aux inégalités de la Loi sur les Indiens.
Le projet de loi C-3, adopté en 2010, faisait suite à l’arrêt McIvor et s’attaquait à la discrimination fondée sur le sexe. Il a étendu le statut d’Indien aux petits-enfants des femmes qui avaient perdu leur statut en raison des règles qui entouraient le mariage avant 1985.
Puis est venu le projet de loi S-3, qui visait à éliminer toutes les inégalités connues fondées sur le sexe relativement à l’inscription. Ce projet de loi était le fruit de nombreuses années de lutte pour cette cause et a été défendu au Sénat par des sénateurs qui ont travaillé sans relâche pour garantir son adoption.
Le projet de loi S-2 s’appuie sur l’héritage de ces projets de loi antérieurs. Il nous permettra enfin de corriger des erreurs du passé.
Il est important de rendre hommage aux personnes qui nous ont amenés jusqu’ici. L’affaire Nicholas c. Canada (Procureur général) de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, intentée en juin 2021, a remis en question la constitutionnalité des effets persistants de l’émancipation. Les plaignants dans cette affaire ont présenté un argument convaincant : la loi, même après l’adoption du projet de loi S-3, continuait de traiter différemment certains descendants de personnes émancipées, ce qui constituait une infraction à l’article 15 de la Charte.
Le 3 mars 2022, des familles des Premières Nations et le gouvernement fédéral ont accepté de mettre en pause le litige pour donner au Parlement la possibilité de traiter la question par la voie législative plutôt que judiciaire. En conséquence, le gouvernement a présenté le projet de loi C-38. Malheureusement, ce projet de loi n’a jamais dépassé l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes. Il est mort au Feuilleton et, aujourd’hui, plus de trois ans plus tard, nous sommes de retour à la case départ en nous efforçant de faire progresser le présent projet de loi.
Ce retard est profondément injuste pour les milliers de personnes qui attendent patiemment, en toute bonne foi, alors que le gouvernement leur avait promis une intervention législative. Cette promesse n’a toujours pas été tenue. En l’occurrence, le fait que la justice tarde à être rendue continue à les priver de leur identité, de leur statut et de leur appartenance à une communauté. C’est inacceptable.
(2220)
Le projet de loi vise des objectifs importants, mais ses effets ne se feront véritablement sentir que si les changements sont bel et bien apportés et si les gens qu’il est censé aider s’en portent mieux au quotidien.
La mise en œuvre suscite des interrogations. Si le projet de loi S-2 est adopté, des milliers de personnes seront admissibles à l’inscription. C’est un changement bénéfique, mais qui entraînera de vraies demandes. Les gouvernements des bandes auront besoin de soutien. Services aux Autochtones Canada devra être en mesure de traiter les demandes rapidement et équitablement. Les services de santé et d’éducation et les autres services doivent aussi être prêts à répondre aux besoins des nouveaux membres.
La mise en œuvre reste tout un défi. D’après un rapport de 2025 de la vérificatrice générale, plus de 80 % des demandes d’inscription prennent plus de temps à traiter que les six mois qu’exige la norme de service du ministère. En mars 2024, l’arriéré comptait près de 12 000 demandes, dont presque 1 500 dataient de plus de deux ans, y compris des centaines classées comme étant hautement prioritaires.
Voici un constat alarmant : un examen des dossiers d’inscription a révélé que, dans 58 % des cas, le ministère ne pouvait pas fournir de documentation prouvant que le fonctionnaire qui avait pris la décision avait reçu la formation et obtenu la certification nécessaires. Dans l’ensemble, la vérificatrice générale a constaté que le ministère n’exerçait aucune surveillance et ne faisait aucun suivi pour voir si les fonctionnaires chargés de prendre les décisions étaient dûment qualifiés.
Le rapport a également révélé que le modèle de financement pour les administrateurs du registre dans les collectivités n’a pas été mis à jour depuis 1994. Le tiers des Premières Nations ne reçoivent que le financement minimum, soit l’équivalent de moins d’une journée de travail par semaine. Les organisations désignées sources fiables, qui soutiennent les demandeurs dans les centres urbains, doivent présenter une nouvelle demande de financement chaque année, ce qui nuit à la stabilité. Ces lacunes compromettent l’intégrité du processus d’inscription et les droits des personnes qui cherchent à obtenir la reconnaissance.
Alors que nous nous apprêtons à adopter le projet de loi S-2, le gouvernement doit faire plus que simplement modifier la loi. Il doit veiller à ce que les droits confirmés par la loi puissent être exercés concrètement, de façon constante et équitable, et dans la dignité.
Au fond, ce projet de loi porte également sur l’autodétermination. La véritable réconciliation ne consiste pas seulement à réparer les torts du passé; elle consiste aussi à rétablir la capacité d’agir. Cela signifie donner aux Premières Nations et à leurs membres un plus grand contrôle sur leur identité, leur gouvernance et leur avenir. Les changements apportés par le projet de loi S-2 — que ce soit pour rétablir le statut d’une personne, lui permettre de retirer son nom du registre ou lui permettre de rétablir ses liens avec sa bande natale — visent ultimement à reconnaître que les peuples autochtones doivent avoir le pouvoir de déterminer leur identité et leur appartenance.
Honorables sénateurs, j’appuie le projet de loi parce qu’il vise à corriger des injustices historiques et à affirmer des principes fondamentaux d’égalité. Cependant, je l’appuie également en sachant très bien qu’il ne représente pas une ligne d’arrivée. Le projet de loi S-2 est une étape importante et attendue depuis longtemps déjà dans un processus beaucoup plus long qui vise à démanteler les structures discriminatoires et désuètes inscrites dans la Loi sur les Indiens. Il traite d’un aspect d’un cadre juridique qui, depuis trop longtemps, ne reflète pas les valeurs d’inclusion, de respect et de réconciliation.
C’est pour cette raison que j’encourage son adoption rapide, non pas à titre de point final, mais à titre de partie intégrante d’un processus législatif plus vaste et soutenu. Bien que le projet de loi ne règle pas tous les problèmes en suspens, il représente un progrès considérable. Il faudra effectuer des travaux supplémentaires, mais il s’agit d’une mesure axée sur des principes et nécessaire que nous devons prendre.
Merci.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice White, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.)
(À 22 h 25, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 19 juin 2025, le Sénat s’ajourne jusqu’à 9 heures demain.)